Une entreprise sans usine ou fabless (contraction de l'anglais fabrication et less, soit « sans usine, sans unité de fabrication »), conçoit ses produits et sous-traite l'intégralité de sa fabrication.
Ce concept, mis en œuvre par les décideurs en entreprise, a accompagné la désindustrialisation qui touche la quasi-totalité des pays riches et industrialisés dans la seconde moitié du XXe siècle.
Le terme fabless est introduit en 2001 lorsque Serge Tchuruk, dirigeant d'Alcatel, annonce une stratégie de cessions de ses centres de production pour se concentrer sur la conception de produits et la sous-traitance pour la fabrications[3],[4],[1]. Le terme est une contraction des mots anglophones fabrication et less[5],[6].
Selon le journal Les Échos, « le modèle de l'usine virtuelle nous semble affecté d'une faiblesse beaucoup plus grave : celle de la sous-estimation du rôle du contexte dans la valorisation des compétences fondamentales »[7].
Bernie Vonderschmitt, cofondateur du fabricant américain de FPGAXilinx, est un des pionniers dans cette approche de société sans usine.
Apple a fait le choix de sous-traiter intégralement sa production tout en générant du profit par une maîtrise de la gestion de ses brevets et sous-traitants[1].
Plusieurs entreprises n'ont pas suivi cette stratégie, comme Intel (et AMD jusqu'au 7 octobre 2008[8]) qui développe ses propres capacités de production.
En 2006, alors que la société de produits alimentaires Michel et Augustin se lance, ses dirigeants choisissent d'adopter un modèle fabless pour appuyer dès le début leur développement, une première dans l'agroalimentaire[9].
Le choix d'entreprise « sans usine », particulièrement par la France de 1995 à 2015, est associé à une désindustrialisation massive et sans précédent[10],[11],[1]. En 2011, selon Patrick Artus (de Natixis) et Marie-Paule Virard (journaliste économique), « à partir du moment où une économie ne produit plus assez de biens à exporter, un problème de solvabilité externe se pose. Des déficits de la balance des transactions courantes alimentent une dette externe qui doit être financée »[12],[13].
À la suite des crise du Covid-19] en 2020 et de la guerre en Ukraine de 2022, les faiblesses, mises à jour dans les chaînes productives et entraînées par le choix d'entreprises sans usines dans les pays développés, ont mis en avant un enjeu de souveraineté concernant certains produits vitaux et dans certains domaines stratégiques. Celles-ci ont poussé certains pays vers la réindustrialisation[14],[15].
D'autre part, « ils transfèrent les risques de sous-utilisation des capacités productives liés aux variations de la demande dans des marchés très concurrentiels et conjoncturels sur les sous-traitants qui embauchent ou licencient beaucoup plus facilement ». Les groupes concernés n'ont plus à faire face au « risque social et revendicatif des salariés de la production »[2].
Dans le secteur des semi-conducteurs, les entreprises fabless sont spécialisées dans la conception et la vente de puces électroniques. La fabrication des puces est sous-traitée à des sociétés spécialisées dans la fabrication de semi-conducteurs appelées fonderies. Les sociétés fabless vendent également la conception d'une fonction électronique qu'elles protègent par des brevets ou vendent sous la forme de licences à d'autres fabricants de puces.
Les sociétés sans usine les plus connues sont Nord américaines :
En 2004, la sous-traitance électronique représente un marché annuel mondial de plus 70 milliards $. « Entre 1996 et 2004, le chiffre d’affaires des six plus importants groupes passe de 5 à 49,2 milliards de dollar ». On peut citer les entreprises Flextronics, Solectron, Sanmina, Celestica, Jabil Circuits[2]. Les autres grandes fonderies mondiales sont TSMC, GlobalFoundries ou UMC.
Informatique
Le secteur informatique a connu dans les années 1980 un mouvement vers l'entreprise sans usine. Précédemment, les entreprises dominantes du marché, IBM, Digital, Unisys et autres, construisaient entièrement leurs systèmes, du processeur aux applications. Le désengagement des secteurs de conception-fabrication pour se consacrer aux développements à forte valeur ajoutée s'est poursuivi et étendu aux entreprises du secteur des ordinateurs personnels (Compaq, Dell, IBM, HP, Apple)[16].
Télécommunications
Partant d'un groupe industriel diversifié, Alcatel-Alsthom, anciennement connu sous le nom de la Compagnie générale d'électricité (CGE), Serge Tchuruk a fait le choix de miser sur les équipements télécoms, de mettre en œuvre l’idée qu’un groupe comme Alcatel devait, pour devenir une entreprise sans usine, se concentrer sur la recherche et le développement, et abandonner la production aux marges plus faibles aux industriels des pays émergents, au risque d'affaiblir l'entreprise en perdant son savoir-faire, de rater les virages technologiques, de finir par détruire des postes dans la recherche et développement, et finalement de disparaître après l'absorption d'Alcatel-Lucent par Nokia[17].
↑ abc et dLaurent Carroué, « Le mythe des entreprises sans usine : les sous-traitants de l'électronique en pleine mondialisation », Cahiers nantais, nos 62-63 « Innovation, industrie et recherche », (lire en ligne [PDF], consulté le ).