Tout en menant une carrière d’enseignant de la musique, Lawalrée fonde en 1976 le label Éditions Walrus comme un moyen de faire connaître sa musique, publiant en privé une série de disques solos tout au long des années 1980. Largement imprégnée de références à ses prédécesseurs comme Erik Satie, Brian Eno, Morton Feldman et les Beatles, la musique de Lawalrée de cette période ne cache pas ses influences.
À la suite d'une expérience mystique en 1994, le travail de Lawalrée prend un tournant liturgique, exprimant sous la forme de musique sacrée de concert une spiritualité autrefois latente chez lui. Bien qu’Eno ait un jour exprimé son intérêt pour la publication des enregistrements de Lawalrée sur son label Obscure Records(en), la diffusion de la production de Lawalrée est longtemps restée limitée.
Biographie
Se décrivant lui-même comme « un gros plein de sons[1] », Dominique Lawalrée est né dans la périphérie bruxelloise en 1954 d’un père botaniste et musicien, André Lawalrée(en)[2]. Avant de savoir marcher, il veut déjà jouer de la musique[3]. Il suit des cours de piano et de solfège à partir de l’âge de huit ans et apprend la composition en autodidacte.
Après ses études secondaires, il suit une formation musicale à l’IMEP(nl) à Namur[4], où il rencontre la musicienne Claire-Annie Hanse qu’il épouse en 1977 – année où il produit aussi le disque Les Gares du chanteur Raphy Marchal[5]. Le couple s’installe à Bruxelles, où tous deux enseignent, avant de déménager dans le Brabant wallon.
En 1994, à la suite d'un pèlerinage à Medjugorje, il infléchit son activité musicale vers la musique sacrée et s’engage dans le Tiers Ordre dominicain[6]. Il tient régulièrement l’orgue à la chapelle de Froidmont à Rixensart, où il est aussi à l'initiative du Festival de Musiques liturgiques[7].
Il a donné des concerts en Belgique, en France[8], en Suisse[9], en Angleterre[10], en Allemagne[11], en Espagne et aux États-Unis[12],[13].
Il a eu trois frère et sœurs, dont la cadette, Sabine, est également musicienne (pianiste et professeur)[2].
Activité musicale
Dominique Lawalrée commence son activité de compositeur en 1973[16]. Pianiste dans l’âme, il interprète lui-même ses œuvres, le plus souvent au clavier et aux percussions, et les publie plus volontiers sous forme de disques que de partitions, convaincu que « la musique est avant tout un phénomène sonore, pas un jeu d’écriture intellectuel »[4]. Nourrissant peu d’illusions quant à un possible succès commercial[6],[17], il crée en 1976, avec son ami ingénieur du son Jean-Pierre Hermand, le label musical Éditions Walrus (devenu Music Today en 1992) pour en assurer lui-même la diffusion[15]. Il y publie régulièrement ses compositions, avec son propre piano, des synthétiseurs multipistes, un enregistreur à bande, des percussions, un Wurlitzer, un orgue ou une voix. Au total, il sort une trentaine de disques et plus de 650 morceaux[18]. Il a plusieurs fois été l’invité de Marc Moulin à la RTBF, dans le studio de qui il enregistra l’album Brins d’herbe[6]. Le label new-yorkais Catch Wave publie en 2017 une compilation de ses œuvres parues entre 1978 et 1982, First Meeting[19],[17], qui attirera sur sa musique l’intérêt de l’avant-garde new-yorkaise[3],[20].
Si Lawalrée a parfois collaboré avec d’autres musiciens comme Charles Loos[22], Marc Hollander ou Baudouin Oosterlynck, il travaille le plus souvent seul et interprète lui-même ses œuvres. En 1985, il crée toutefois une œuvre pour orchestre à cordes avec violon principal, la Symphonie de l’espoir. Cette pièce, plusieurs fois jouée à la BRT[18], est choisie avec Arches (quatuor à cordes, 1994) pour la bande-son du long métrage Khadak, Lion du futur à la Mostra de Venise en 2006[23].
Lors de concerts, volontiers intimistes, il égrène sa musique modeste – consonante, souvent tonale ou modale – loin de toute virtuosité. « Silence et résonance sont deux éléments importants de sa musique », méditative voire priante selon ses mots[26], « ils donnent à la musique l'espace nécessaire, permettant à l'auditeur de percevoir pleinement le contenu et le timbre spécifique de la musique. »[16].
À partir de 1994, sa musique prend explicitement une fonction liturgique ou sacrée. Elle devient en même temps plus mélodique, voire contrapuntique. Considérant aussi que, inconsciemment, l’auditeur adulte cherche volontiers l’effet des berceuses, par exemple au travers des beats hypnotiques du rock, il compose également des berceuses pour adultes (Nocturnes en 1996)[16].
Peu de temps avant sa mort, la renommée venant, il considérait être entré dans une troisième phase de son œuvre, avec la composition pour d’autres interprètes d’œuvres ouvertes dont il fixerait les règles générales[27].
Il a également une activité de conférencier, autant à propos d’Olivier Messiaen ou Stravinsky que des Beatles, et publie divers livres et articles. Il est notamment un chroniqueur régulier pour la revue musicale Crescendo-Magazine[29],[30] et l’hebdomadaire catholique Dimanche[31]. Il anime aussi plusieurs émissions sur RCF Bruxelles[32].
Discographie sélective
Aux éditions Walrus (Music Today après 1992) :
Infinitudes, 1976 (LP – WLS 001)
Le choix du titre est un faux problème, 1977 (LP – WLS 003)
Brins d’herbe, 1978 (LP – WLS 005)
Vis à vis, 1979 (LP – WLS 006)
Vice-versa, 1980 (LP – WLS 010)
Clandestin, 1982 (LP – WLS 011)
Taciturne, 1984 (LP – WLS 014)
Litanies du monde à venir, 1982 (LP – WLS 015)
Symphonie de l’espoir, 1985 (LP – WLS 016) – repris dans la BO du film Khadak
De temps en temps, 1986 (2 K7 – WLS 022)
L’Espace d’un Instant, 1989 (K7/CD – MT 101-2)
Jardins secrets, 1992 (CD – MT 104-2)
Arches/ Au-delà des apparences, quatuor à cordes, 1994 (CD – MT 107-2) – repris dans la BO du film Khadak
Nocturnes, 1996 (CD – MT 108-2)
Préludes à la prière, 1997 (MT 110-2)
Vers une vie nouvelle, 2002 (MT 112-2)
Préludes au silence, 2003
12 méditations eucharistiques, 2004
De temps en temps, 2004
Venite adoremus, 2005
Musique pour la chapelle Matisse, 2005
Small is beautiful, 2005
De temps en temps, 2023 (Nicolas Horvath - Label 1001 Notes)
Compilations
Dominique Lawalrée, Conrad Setó, Albert Giménez, Six Jours à Barcelone, 1983, Filobus Records (LP 7" – D-1175)
Dominique Lawalrée, Robert Fesler, Baudouin Oosterlynck, Eric De Visscher, Lawalree / R. Fesler / Oosterlynck / De Visscher, 1984 (2 LP – WLS 012/013)
First Meeting, 2017, Catch Wave Ltd. (LP – CW 001) / Ergot Records (2) (LP – ERG-004)
↑Dominique Lawalrée (préf. Didier Dumont), Taciturne. Journal d’une composition 1983-1984, Bruxelles, éditions Le Sort d’ici-bas, , 66 p., p. 4 :
« Mon problème principal est que je suis un gros plein de sons. Morton Feldman a dit que si l’on ouvrait le ventre de Stockhausen, on y trouverait quelque part John Cage. Si l’on ouvrait le mien, on y trouverait non seulement Stockhausen, Feldman et Cage, mais encore des dizaines d’autres musiciens. […] Je dois donc maigrir, condition sine qua non à l’épuration de mon style. »
↑ a et b(en) Robert Barry, « The Miniaturist : The intuitive keyboard sketches of Dominique Lawalrée have moved from cult ambient curiosities to tender explorations of faith », The Wire, no 404, , p. 16 (résumé, lire en ligne). :
« Il se revoit nettement, tout petit, ramper vers le placard de la cuisine de ses parents et en vider le contenu pour atteindre le seul objet intéressant : le coupe-œuf. “Je passais mes doigts sur les ‘cordes’ d'acier” se souvient-il “en écoutant le son comme le ferait un guitariste, et je disais ‘zic, zic’, en référence au mot musique.” »
↑Laurent Raphaël (photogr. Philippe Cornet), « Un sacré paroissien », Focus – Le Vif, (lire en ligne, consulté le ). :
« Charles Loos se souvient : « Dominique était quelqu'un de totalement encyclopédique, un peu à la Marc Moulin, un puits de science extraordinaire. Très prolifique, musicologue, il a composé des centaines de pièces et avait une large connaissance de toutes les musiques. Il donnait des conférences brillantes, aussi bien sur les Beatles que sur Olivier Messiaen. Il était très méthodique, très exhaustif, très ouvert. Mais aussi assez foufou. Très croyant et aussi d'un optimisme spectaculaire, jamais de mauvaise humeur. Quand il était petit, il voulait devenir pape ! » »