Le créole guyanais (appelé kriyòl gwiyannen dans la langue ou kréyòl gwiyanè en créole francisé) est un créole à base lexicale française parlé en Guyane, au Suriname et au Brésil, dans une partie de l'État fédéré voisin de l'Amapá. Il a été également partiellement influencé par l'anglais (exemple : chwit de sweet), le portugais (exemple : briga, dérivé du verbe brigar), l'espagnol (exemple : èstati, du mot estatua) et le néerlandais à la suite d'occupations successives[réf. souhaitée].
Exemples de mots en créole guyanais.
L'apport de langues africaines (notamment les langues gbe pour les structures grammaticales) et amérindiennes (vocabulaire concernant la faune et la flore) sont fondamentaux dans l'originalité de la langue.
Le créole guyanais a reçu également l'apport de quelques langues régionales telles que le breton et le charentais.
Le créole guyanais compte de nombreux mots en commun avec le créole des Antilles ; en revanche, au niveau des pronoms personnels, il présente davantage de similitudes avec les créoles de l'Île Maurice, des Seychelles et de la Louisiane.
Il est devenu une véritable langue au fil du temps, toujours en constante évolution, sous l'influence du français et des langues des pays voisins (le Brésil et le Suriname). Au Brésil, il est surtout parlé dans l'État de l'Amapá, frontalier de la Guyane.
Histoire
Le créole guyanais était une langue parlée entre les esclaves et les colons. Mais les conditions de la constitution du créole guyanais ont été assez sensiblement différentes du créole antillais, d'une part à cause des conflits entre Français, Anglais, Néerlandais, Portugais et Espagnols, et, d'autre part, des dialectes français comme le cadien ont beaucoup influencé le créole guyanais, ce qui a rendu celui-ci sensiblement différent des créoles martiniquais, haïtien, saint-lucien et guadeloupéen. Dans le territoire Brésilien de l'Amapá, frontalier avec la Guyane française, ce créole est souvent confondu avec le karipuna, un autre créole. Cependant, le créole guyanais est largement parlé et compris en Amapá.
Il existe donc en créole guyanais quelques mots en commun avec les créoles des Antilles, cependant, un certain nombre de mots les différencient sensiblement.
Par ailleurs, les Guyanais prononcent la phonème /ʁ/ comme en français de France standard, alors qu'aux Antilles, la prononciation tend plutôt à se rapprocher de la semi-voyelle [w].
Tou bann imin ne lib e egal dan la dinite ek dan zot drwa
Zot ena kapasite pou rezone ek enn konsians ek zot bizin azir enver zot prosin dan enn lespri fraternite
Quelques proverbes créoles guyanais (dolos)
Écriture classique (écriture moderne) : traduction française (proverbe équivalent en français)
« Roun chin pa ca couri dèyè dé zo » (Roun chyen pa ka kouri dèyè dé zo) : Un chien ne court pas après deux os (On ne court pas deux lièvres à la fois).
« Lò poule lévé asou dizé, a manjé i ca sassé » (Lò poul lévé asou dizé, a manjé i ka sasé) : Quand la poule a fini de couver, elle cherche à manger (Tout travail mérite salaire).
« Chin pa ca fè chat » (Chyen pa ka fè chat) : Un chien ne fait pas de chat.
« Sa qui la pou to dileau pas ca chariél » (Sa ki la pou to dilo pa ka charyél) : ce qui doit arriver, arrivera.
« A graine douri ca plen sac douri. » (A grenn douri ka plen sak douri.) : C'est en ajoutant des grains de riz qu'on remplit un sac (petit à petit, l'oiseau fait son nid).
« Roun lanmen lavé ròt » (Roun lanmen lavé ròt) : Une main lave l'autre (« il faut s'entraider » ou bien « une action en efface une autre »)[5].
Grammaire
L'article
En créole guyanais, il n'existe pas de marque de genre féminin ou masculin. La forme de l'article est donc la même pour les noms masculins et féminins.
L'article défini
L'article défini singulier vient s'accoler derrière le mot qu'il accompagne et en est séparé par un trait d'union.
L'article défini est a :
chèz-a
tab-a
la chaise
la table
ya est la marque du pluriel défini. Il est également placé après le nom :
tab-ya
les tables
Pour les mots qui se terminent en on, an, en ou -n, on utilise yan
Timoun-yan
Les enfants
L'article indéfini
L'article indéfini a une forme unique, oun (également interchangeable avec roun), qui est placé avant le nom :
Oun wonm
Oun fanm
Un homme
Une femme
En créole guyanais, l'article indéfini pluriel français « des » ne possède pas d'équivalent :
Li ka manjé manng.
Il mange des mangues.
Le genre
Pour désigner un animal, le sexe suit l'article :
Oun fimèl chyen
Une chienne
Oun mal chyen
Un chien
Les pronoms personnels sujets et les déterminants possessifs
Les pronoms personnels sujets et les pronoms possessifs sont identiques sauf pour son, sa, ses-so.
Les pronoms sont toujours placés devant le verbe sauf à l'impératif. On emploiera aussi bien mo pour mon papa, mo papa, ma maman, mo manman que pour mes cousins, mo kouzen.
Les pronoms personnels en créole et français.
créole guyanais
français
mo
je
to, ou (vouvoiement singulier)
tu / vous
li, i
il, elle
nou
nous
zòt
vous
yé
ils, elles
Les déterminants possessifs en créole et en français.
créole guyanais
français
mo
mon / ma / mes
to / ou
ton / ta / tes
so
son / sa / ses
nou
notre / nos
zòt
votre / vos
yé
leur / leurs
Comparatif des pronoms personnels guyanais vis-à-vis des autres créoles :
guyanais
louisiane
grenade
mauricien
seychellois
réunionnais
guadeloupéen
haïtien
martiniquais
saint-lucien
dominiquais
mo
mo
mwen/mon
mo
mo/mon
mwen/mi
mwen/an
mwen
mwen/man
mwen
mwen/an/man/mon
to / ou (politesse)
to/vou
ou
to / ou (politesse)
ou
ou
ou
ou
ou
ou
ou/vou
li, i
li/ça
i/jè
li
i
li
i
li
i
i
i
nou
nou
nou
nou
nou
nou
nou
nou
nou
nou
nou
zòt
vou/zòt
zòt
zòt
zòt
zòt
zò
zòt
zòt
zòt
zòt/zò
yé
yé
yé
zòt
zòt
zòt
yo
yo
yo
yo
yo
Quelques mots en créole
Français
Créole
Prononciation
se débattre (débrouillard)
djoubaté
djou-ba-té
une chose
bèt-a
bè-ta
ciel
syèl-a
syè-la
pleurer
kriyé
kri-yé
crier
rélé
ré-lé
seulement
rounso
roun-so
eau
dilo
di-lo
devant
divan
di-van
feu
difé
di-fé
terre
latè
la-tè
homme
wonm
ou-on-m (en une seule syllabe)
monsieur
mouché
mou-ché
gars
boug
bou-g
femme
fanm
fan-m
garçon
tiboug
ti-bou-g
fille
tifi
ti-fi
enfant
timoun
ti-mou-n
manger
manjé
man-jé
boire
bwè
bouè (synérèse)
vouloir
lé
lé
devoir (obligation)
divèt
di-vè-t
devoir (dette)
dévé
dé-vé
grand
gran
petit
piti / ti
adulte d'un certain âge
granmoun
gran-mou-n
nuit
lannwit
lan-nwi-t
je préfère celui-ci
mo miyò sa-la
mo mi-yò sa la
jour
jou
jou
se promener
pronmennen
pron-men-nen
promenade
pronmnen
(pron-m)-(nen)
mal élevé
malélvé
ma-lél-vé
coup / coup de poing
tchòk
frappe-le
bay li (fouté l'oun tchòk)
avoir
gen / gannyen
gen comme gain/ gan-nyen
savoir
savé
sa-vé
dans
landan, annan
lan-dan, an-nan
dedans
andidan, ofon
an-di-dan, o-fon
dehors
dérò
dé-rò
sur
asou
a-sou
en l'air
anlè
an-lè
eux
yé
yé
parole
palò
pa-lò
le "ò" se prononce comme le "o" du mot "or"
moi, je
mo
mo comme mots
toi, tu
to
Se prononce comme le tôt français
il / elle
li
nous
nou
vous
zòt
ils / elles
yé
Le GEREC
Le Groupe d'études et de recherches en espace créolophone (GEREC) fondé en 1975 par le Pr Jean Bernabé, regroupe des chercheurs travaillant sur la langue, la culture et les populations créoles (Martinique, Guadeloupe, Guyane, etc.), avec un regard spécifique sur les créoles à base lexicale française et sur l'aire francophone. Le GEREC produit des travaux concernant l'écriture du créole, notamment une famille de normes concernant sa graphie, qui fait référence depuis 1976[réf. souhaitée].
Parenté entre créoles à base lexicale française
Notes et références
Ne pas confondre le créole à base lexicale française guyanais (code ISO 639-3 gcr) avec le créole à base lexicale anglaise créole guyanien anglais(en) (code ISO 639-3 gyn) parlé dans le Guyana (ancienne Guyane britannique) proche.
(en) William Jennings et Stefan Pfänder, Inheritance and Innovation in a Colonial Language: Towards a Usage-Based Account of French Guianese Creole, Springer, (ISBN978-3-319-61952-1, lire en ligne)
Georges Barthelemi, Dictionnaire créole guyanais-français: suivi d'un index français-créole guyanais, Ibis Rouge Editions, (ISBN978-2-84450-300-8, OCLC212951414)