La controverse sur les plans d'offensive soviétiques fait référence au débat parmi les historiens sur la question de savoir si Staline planifiait ou non d'envahir le Troisième Reich avant le déclenchement de l'opération Barbarossa lors de l'été 1941.
Selon Viktor Souvorov, dans son œuvre Le Brise-Glace publiée en 1989, Staline avait toujours voulu exploiter la guerre entre les pays occidentaux à son avantage. En effet, celui-ci aurait compté sur une guerre d'usure identique à celle de 1914-1918 qui épuiserait tellement les pays capitalistes qu'il pourrait envahir l'Europe sans aucune opposition, thèse appuyée lors de son discours d'août 1939[5].
S'il est avéré que Joukov et Semion Timochenko ont proposé à Staline en mai 1941 l'idée d'une attaque préventive contre l'Allemagne, cette idée buta contre l'opposition nette de ce dernier, alors décidé à tirer de la situation un maximum de profits sans guerre et sans provoquer les nazis, grâce au pacte germano-soviétique[6], position également évoquée par Alexandre Soljenitsyne dans L'Erreur de l'Occident[7], et connectant la controverse sur les plans d'offensive soviétiques à celle concernant le pacte germano-soviétique (signé uniquement pour « gagner du temps » sur une attaque allemande que « Staline savait inéluctable » selon les défenseurs du pacte[8], ou bien simplement pour « profiter de la guerre d'Hitler afin d'annexer des territoires sans avoir à combattre », selon ses détracteurs[9]).
La théorie de Souvorov est rejetée par la plupart des historiens[10]. Cynthia A. Roberts indique que cette thèse ne repose « virtuellement sur aucune vraie preuve[11] » et pour Jonathan Haslam, la théorie de Souvorov selon laquelle l'Allemagne empêcha la guerre de Staline « serait comique si elle n'était pas autant prise au sérieux[12] ». Les auteurs qui affirment, en relation avec la controverse entourant le pacte germano-soviétique, qu'un conflit entre les deux pays était inévitable, rejettent néanmoins l'idée d'une guerre soviétique préventive. En effet, quand la Wehrmacht envahit l'Union soviétique, elle s'empara d'archives de l'Armée Rouge : aucune ne fait état de plans d'invasion du Reich ; si cela avait été le cas, ces archives auraient été certainement utilisées par la propagande nazie pour justifier l'invasion.
Pour l'historien Martin van Creveld, « Staline n'avait peut-être pas prévu d'attaquer l'Allemagne à l'automne 1941. Mais il serait difficile de croire qu'il n'aurait pas saisi l'occasion de poignarder le Reich dans le dos un jour ou l'autre[13]. »
Discours de Staline du 19 août 1939
Le , Staline aurait prononcé un discours devant les membres du Politburo lors duquel il aurait décrit la stratégie de l'URSS sur une éventuelle entrée du pays dans la Seconde Guerre mondiale contre l'Allemagne[14].
Ligne Staline (bunkers fortifiés et emplacements de canons construits dans les années 1920 le long des frontières occidentales de l'URSS, similaire à la ligne Maginot)
Ligne Molotov (fortifications frontalières construites entre 1940 et 1941 par l'URSS le long de sa nouvelle frontière en Pologne)
(en) R.C Raack, Did Stalin Plan a Drang Nach Westen?, World Affairs. Vol. 155, Issue 4. (été 1992), pp. 13–21.
(de) Fälschung, Dichtung und Wahrheit über Hitler und Stalin, Olzog, München 2004. (ISBN3-7892-8134-4)
(en) Stalin's Plans for World War Two Told by a High Comintern Source, The Historical Journal, Vol. 38, No. 4. (décembre 1995), pp. 1031–1036.
(en) Albert L. Weeks, Stalin's Other War: Soviet Grand Strategy, 1939–1941. Lanham, MD: Rowman & Littlefield, 2002. (ISBN0-7425-2191-5)
Notes et références
↑(en) Teddy J. Uldricks, The Icebreaker Controversy: Did Stalin Plan to Attack Hitler? Slavic Review, Vol. 58, No. 3 (Automne 1999), p. 626-643
↑(en) André Mineau, Operation Barbarossa : ideology and ethics against human dignity, Amsterdam New York, Rodopi, coll. « Value inquiry book series » (no 161), , 244 p. (ISBN978-9-042-01633-0, Operation Barbarossa : ideology and ethics against human dignity)
↑(de) Bundesarchiv-Militararchiv, Frieburg; Luftfahrtmuseum, Hannover-Laatzen; WASt Deutsche Dienststelle, Berlin
↑(ru) Rosvoyentsentr, Moscow; Russian Aviation Research Trust; Russian Central Military Archive TsAMO, Podolsk; Monino Air Force Museum, Moscow.
↑Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri, Les Mythes de la Seconde Guerre mondiale., t. 1, Paris, Perrin, coll. « Tempus », (DOI10.3917/perri.lopez.2018.01.0059, lire en ligne), chap. 4 (« Hitler a devancé une attaque de Staline »), p. 59-87
↑Édition traduite en français, "Cahiers Rouges", 2006.
↑Roy Medvedev, Le Stalinisme : origines, histoire, conséquences, Seuil, 1972, pages 491-492; Paul-Marie de La Gorce, 39-45 : une guerre inconnue, Flammarion 1995 (ISBN2-08-067099-9) et article Histoire de l'URSS de 1927 à 1941, le Pacte germano-soviétique et ses conséquences, dans « Enyclopædia Universalis ».
↑Viktor Aleksandrov, Histoire secrète du Pacte germano-soviétique, Olivier Orban 1962 et Edward E. Ericson, Feeding the German Eagle : Soviet Economic Aid to Nazi Germany, 1933–1941, Greenwood Publishing Group 1999 (ISBN0275963373).
↑(en) David M. Glantz, Stumbling Colossus : The Red Army on the Eve of War, Lawrence, Kansas, University Press of Kansas, , 374 p. (ISBN0-7006-0879-6), p. 4
↑Cynthia A. Roberts, « Planning for War: The Red Army and the Catastrophe of 1941 », Europe-Asia Studies, vol. 47, no 8, , p. 1293–1326 (DOI10.1080/09668139508412322, JSTOR153299)
↑Jonathan Haslam, « Soviet-German Relations and the Origins of the Second World War: The Jury Is Still Out », The Journal of Modern History, vol. 69, no 4, , p. 785–797 (DOI10.1086/245594)