Le cimetière de Charleroi Nord est un lieu d'inhumation implanté depuis la fin des années 1890 dans le quartier du Faubourg de la ville belge de Charleroi. Ce cimetière est en quelque sorte le « Père Lachaise » local où repose un grand nombre de personnalités carolorégiennes.
Il comporte de nombreux monuments. Il abrite également de nombreuses tombes militaires : cimetière militaire du Commonwealth ; tombes de soldats français mort à Charleroi lors de la Première Guerre mondiale ; pelouses d'honneur de soldats et d'anciens combattants belges.
Situation
Le cimetière est implanté dans le quartier du Faubourg. L'entrée principale, au nord-est du cimetière, est située rue du Presbytère. Une entrée secondaire, située au sud, rend les lieux accessibles depuis la rue Tourette.
Histoire
Avant la fondation de la forteresse de Charleroi en 1666, le cimetière du village de Charnoy se trouvait à côté de l'église. Celle-ci se situait à flanc de coteau, à proximité de l'actuelle rue de Dampremy. Le village fut détruit pour faire place à la forteresse, mais des plans de 1666 et 1667 indiquent encore l'emplacement de l'église[1]. Lors de la construction de la forteresse hollandaise en 1816, des témoins ont vu les restes de cette église. L'un d'eux a récupéré à cet endroit une pierre tumulaire d'un curé du lieu, mort au début du XVIIe siècle[2].
Le cimetière à l'époque de la forteresse française était situé au nord de celle-ci. Une redoute défendant la porte de Bruxelles, nommée redoute du Cimetière[3] indique sa proximité avec la nécropole. Un plan daté de 1694[a], dessiné par un certain Roussel, ingénieur du roi[b], situe plus précisément celle-ci à proximité de l'actuelle place de la Broucheterre[4].
La Ville-Basse, sur la rive droite de la Sambre, était à cette époque restée attachée à la paroisse de Marcinelle dans le cimetière de laquelle les défunts étaient inhumés[5].
Après l'ultime l'agrandissement de la forteresse après le siège de 1693 où elle atteint la plus vaste extension sous l'Ancien Régime[6], l'emplacement d'un lieu d'inhumation pour la paroisse de la Ville-Haute n'est pas documenté. Mais des morts sont accueillis dans l'église et dans la chapelle de la Vierge près du rempart[7]. En 1777, la ville fait aménager un enclos sépulcral dans le Faubourg[8]. L'espace sera retourné à la suite des bombardements lors de la prise de la ville par Jourdan en 1794. Il est laissé à l'abandon pendant plusieurs années. Les fosses éventrées attirent les chiens qui viennent y ronger les ossements des squelettes mis au jour, ce dont le sous-préfet du département se plaint encore en 1804[9].
En 1808, la commune fait aménager un terrain près de la porte de Bruxelles, mais ce cimetière ne survit pas à l'établissement de la forteresse hollandaise à partir de 1816[5].
texte
Carte de Charleroi de 1892 avec l'ancien cimetière au nord-est
Après cette construction, le cimetière était implanté en dehors de la forteresse. Il se situait le long des actuels boulevards Franz Dewandre[10] et Zoé Drion, approximativement à l'emplacement de l'immeuble Charleurope et du stade du Pays de Charleroi[11].
Pour la paroisse de la Ville-Basse, pourtant séparée de celle de Marcinelle en 1804[12], c'est toujours le cimetière de l'ancienne paroisse qui est utilisé[13], ceci jusqu'à une date indéterminée.
À la suite de l'augmentation importante de population dans la seconde moitié du siècle, principalement après la démolition des fortifications, l'administration, sous la présidence du bourgmestre Jules Audent, décide de créer une nouvelle nécropole. Celle-ci est établie au lieudit Champ de Bethléem dans le quartier du Faubourg au nord de la ville[c],[14]. L'architecte communal, Victor Pivont, est chargé du projet qui est mis en œuvre par la société Blaton[14],[15]. Le cimetière est inauguré le [16].
L'ancien cimetière est désaffecté en 1910 et devient un Parc du Repos intégré à l'exposition de Charleroi de 1911[10]. Il disparaît complètement en 1925[11]. Les deux colonnes corinthiennes qui ornaient l'entrée furent placées à l'entrée principale du parc Reine Astrid[17]. Elles ont disparu à une date inconnue, probablement lors de la construction du métro.
En 2016, pour des raisons de sécurité, les marronniers centenaires, malades, ont été abattus avec intention de planter d'autres arbres[18]. La même année, l'ensemble des voiries du cimetières ont été remises à neuf[19].
Également en 2016, à l'occasion de son 350e anniversaire et afin de préserver l'histoire locale, la Ville décide d'établir une liste des sépultures remarquables. Celles des personnalités connues de la région, des personnalités historiques ou même des sépultures ayant un intérêt architectural. Ceci pour l'ensemble des quelque 25 cimetières de l'entité, mais spécialement le cimetière de Charleroi Nord qui est en quelque sorte le « Père Lachaise » local où repose un grand nombre de personnalités carolorégiennes[20].
Monuments
En face de l'entrée se situe la crypte et le monument aux martyrs de la Première Guerre mondiale. Élevée par l'administration communale, la crypte est destinée aux anciens combattants, grands mutilés et invalides de la ville. Œuvre de l'architecte Julien Pirotte[15], l'ensemble est inauguré le [21].
Au centre du cimetière, à la croisée des allées principales, s'élève la statue de la « Reconnaissance Française ». Œuvre en marbre du sculpteur Jules Lagae, elle fut offerte à la ville par la colonie française et son président, Valère Mabille (1840-1909)[22], pour remercier Charleroi des soins apportés aux soldats français blessés, réfugiés lors de la guerre franco-allemande de 1870. Elle représente la Belgique, symbolisée par une femme portant une couronne et un manteau d'hermine, soutenant un soldat français blessé. Ce monument remplace celui placé dans l'ancien cimetière au milieu du groupe des tombes des cinq soldats français décédés de leurs blessures[d],[23].
Le monument était initialement prévu pour être placé au rond-point de l'entrée du cimetière. Mais la maquette fait très bonne impression et la Ville, dépourvue de monument à cette époque, souhaite un emplacement plus visible. C'est en face de l'Athénée que le Conseil communal choisi de l'implanter. Les travaux sont en cours quand ce projet est abandonné à la demande d'Auguste Gérard, ministre plénipotentiaire de la République française en Belgique. Celui-ci estime que c'est bien au cimetière que le monument doit être élevé. Valère Mabille indemnise la Ville des travaux entrepris[24].
Il trouve finalement sa place et est inauguré le [25],[e],[f].
Au fond, dans le coin sud-ouest du cimetière, se trouvent des tombes de soldats français et un mémorial, œuvre de Victor Demanet, inauguré le , le jour du 20e anniversaire de la bataille de Charleroi[26].
En 2016, les croix en béton de la parcelle commémorative dédiée aux victimes civiles de la guerre 1914-1918 ont été remplacées par des stèles en acier Corten[27],[19].
Reconnaissance Française.
Stèles des victimes civiles de la Première Guerre mondiale.
Monument aux soldats français mort à Charleroi durant la Première Guerre mondiale.
Monument et crypte des martyrs de 1914-1918.
Tombes de victimes civiles de la Seconde Guerre mondiale.
A gauche de l'entrée sur trouve le cimetière militaire du Commonwealth. Au fond, dans le coin sud-ouest du cimetière, se trouvent des tombes de soldats français mort à Charleroi lors de la Première Guerre mondiale. Il y a plusieurs pelouses d'honneur de soldats et d'anciens combattants belges[26].
Charleroi Communal Cemetery.
Monument et tombes de soldats français mort à Charleroi durant la Première Guerre mondiale.
Pelouse d'honneur des combattants belges.
Stèles belges dont la plaque commémorative en bronze a été volée entre le et le [28].
Charleroi Communal Cemetery
Le carré du Commonwealth contient 285 tombes de soldats morts lors de la Première Guerre mondiale, soit dans les premiers combats en , soit comme prisonniers de guerre. 169 Britanniques, 18 Canadiens, 79 Australiens, 1 Néo-zélandais, 1 Sud-africain, 2 Indiens et 15 Allemands y sont enterrés.
Ce carré contient aussi les tombes d'un soldat et de 22 aviateurs Britanniques, 2 Canadiens, 8 Australiens, 2 Néo-zélandais et 8 Polonais morts pendant la Seconde Guerre mondiale[29].
↑Roussel fait partie de l'équipe d'ingénieurs envoyés aux frontières par Louis XIV à partir de 1691. Il est nommé ingénieur en chef en 1716 et est fait chevalier de l'ordre de Saint-Louis en 1718. Il serait mort le 30 août 1733, selon un note en marge d'un document conservé au Service historique de la Défense (France) (Hoornaert 2019, p. 82).
↑Il s'agit de Jean Hauret, soldat au 30e de ligne, mort le 2 octobre 1870 ; Joseph Wittemer, soldat au 18e de ligne, mort le 5 octobre ; Antoine Langlade, soldat au 30e de ligne, mort le 7 octobre ; Théodore Bertrand Maussant, soldat au 37e de ligne, mort le 10 octobre et Henri Châtelier, soldat au 72e de ligne, mort le 1er novembre (Hoornaert 2021, p. 74-75).
↑Dédicace du monument : « Monument élevé à la mémoire des soldats français morts à Charleroi en 1870, au nom de la colonie française, par Monsieur Valère Mabille, président de la chambre de commerce française, président de la société française de bienfaisance. »
↑Plaque d'inauguration : « Ce monument a été inauguré le 22 juin 1902 en présence de son Excellence Monsieur Auguste Gérard, ministre plénipotentiaire de la République française ; du Général Delée représentant le Gouvernement belge ; de Monsieur Jules Audent sénateur bourgmestre de Charleroi et des autorités locales. »
↑Aristide Piérard, Le pays de Charleroi au point de vue historique, industriel et commercial, depuis les temps les plus reculés, Charleroi, Alphonse Deghistelle, , 172 p. (lire en ligne), p. XI.
↑Anne-Catherine Bioul, Alain Dauchot et Jean Alexandre Pouleur, Charleroi, ville d'architectures : Du Temps des Forteresses aux Années Folles 1666-1940, Bruxelles, Atelier Ledoux, Espace Environnement, , 104 p., p. 26-27
↑« Quelque 100 marronniers centenaires abattus au cimetière de Charleroi-Nord », La Nouvelle Gazette, (lire en ligne, consulté le )
↑ a et bJean van Kasteel, « Des travaux entre les tombes pour 351 000 euros à Charleroi », La Libre Belgique, (lire en ligne, consulté le )
↑C.D., « Charleroi: les tombes des célébrités préservées », Le Soir, (lire en ligne, consulté le )
↑« L'inauguration de la Crypte de Charleroi », Journal de Charleroi, .
↑Roger Darquenne, « Mabille (Valère-Alfrette-Charles) », dans Biographie nationale, t. 44, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, (lire en ligne [PDF]), col. 693-700.
Thierry Luthers (photogr. Jean-Paul Remiche), Derniers domiciles connus : Guide des tombes de personnalités belges, t. 5 : Province de Hainaut, Éditions Luc Pire, , 192 p. (ISBN978-2-87542-214-9).
Isabelle Parmentier, Histoire de l'environnement en Pays de Charleroi (1730-1830) : pollution et nuisances dans un paysage en voie d'industrialisation, Bruxelles, Académie royale de Belgique, coll. « Mémoires de l'Académie royale de Belgique. Classe des lettres, des sciences et des beaux-arts », , 410 p. (ISBN978-2-80310-250-1, lire en ligne [PDF]).