Le château-fort de Conflans dit l'ancien château est un château médiéval en ruine, du XIe siècle, situé à Conflans (actuel quartier des hauteurs d'Albertville) en Savoie.
L'édification d'une place forte s'explique par l'intérêt stratégique puisqu'il s'agit d'un carrefour tant géographique, qu'économique mais aussi militaire dès l'Antiquité et surtout lors de la période du Moyen Âge, avec le contrôle, notamment, de l'accès à la vallée de la Tarentaise, mais aussi des vallées voisines. En effet, la cité de Conflans relève de l'autorité de l'archevêque de Tarentaise, convoité par la maison de Savoie, qui obtient la mainmise vers la fin du XIIIe siècle et au début du siècle suivant.
Le château contrôle l'entrée de la vallée de la Tarentaise. Il surveille ainsi l'accès, à l'aval, à la combe de Savoie, et, par-delà, le comté de Savoie et Chambéry, le Dauphiné ou encore le royaume de France, et, en amont, par la route menant au col du Petit-Saint-Bernard en direction de la vallée d'Aoste, puis à la péninsule italienne. En suivant le cours de l'Arly, l'axe permet de rejoindre le Beaufortain, le comté de Genève et le Faucigny, par le val d'Arly, en passant par le bourg fortifié d'Ugine. Toutefois l'importance du passage remonte à l'implantation romaine, peut-être au-delà, et la construction d'une voie romaine secondaire, Alpis Graia, qui reliait les cités de Mediolanum (Milan) à Vienna (Vienne), et passant par les étages tarines de Bergiatrium (Bourg-Saint-Maurice), Axima (Aime) et Darantasia (Moûtiers)[note 1],[3]. L'ancienne cité portait pour ces raisons notamment le surnom de Porte de Savoie ou Porte de France, portée surtout par les deux principales portes de la cité[4].
Historique
La première mention de Conflans (Conflenz) remonte à une charte de 1015 (donation à la reine Ermengarde)[5],[6]. Le site peut cependant correspondre au poste douanier d’Ad Publicanos (à la confluence en latin), où était perçu le Quarantième des Gaules[7]. Toutefois, bien que le site de Conflans soit avancé, on donne également comme site Tournon[7] ou encore le village de Tours[8].
La construction d'un castrum, devenu plus tard un château, est à mettre en lien avec l'arrivée des Germains, qui ont créé une insécurité dans la région[9]. Il semble que le château appartienne dès l'origine à la famille de Conflans (Conflans)[9],[10]. Ces derniers, selon le comte Amédée de Foras, possèdent le château de la Cour (de Curia), établi dans l'enceinte de la forteresse, mentionné en 1186, et le « le château sous Conflens (?), situé sur la rive gauche et baigné par l'Arly, flanqué d'une tour dite de la Pierre-Nasine »[10]. Ils pourraient avoir aussi possédé un temps le troisième château qui dominait la cité, Châtel-sur-Conflans[10]. Ce dernier passera à la famille de Duin, donnant naissance à une branche cadette dite des Duin-Conflans[10].
Les seigneurs de Conflens sont vassaux des archevêques de Tarentaise[9]. Ils sont coseigneurs du château de Conflans[9]. Ils semblent devenir, à partir du milieu du XIIe siècle, les métraux du comte de Maurienne, puis de Savoie[1].
En 1253, les héritiers de Raymond de Conflans, Humbert et Jacques de Conflans, se disputent la succession de leur père[9],[12]. Le comte de Savoie joue l'arbitre et s'immisce ainsi dans les affaires de la cité[9],[12]. L'aîné, Humbert de Conflans, obtient la métralie de Conflans et la châtellenie avec le château de la Cour, la tour Nassine et la Petite Roche, le second, Jacques de Conflens, le castrum[9],[12], formant deux branches cadettes[13]. En 1289, l'héritier de Jacques de Conflans, Rodolphe de Conflans, dit de Duin, rend hommage à l'archevêque de Tarentaise pour la place forte[13]. Peu à peu, le comte s'implante, écartant le pouvoir de l'archevêque[14]. Le comte devient ainsi peu avant le milieu du XIVe siècle le seigneur de la cité, ne laissant à la famille de Conflans le Châtel-sur-Conflans que la maison forte de Cour et ses possessions du côté d'Ugine[14].
Les derniers vestiges du château disparaissent avec l'installation de batteries entre 1875 et 1876, suivant le système Séré de Rivières, ainsi que l'édification d'un château d'eau[9].
Description
La cité fortifiée n'est accessible que par deux routes[1].
Jardin de la tour sarrasine et donjon / tour sarrasine
Tour Sarrasine (donjon)[15] (XIIe siècle). La présence des Maures dans les environs et qui seraient à l'origine de la construction sont fausses[16]. Il s'agit plutôt d'une manière de donner un sens à une édification dont on a oublié les origines[16]. Ses angles sont renforcés d'un chaînage de pierres soigneusement appareillées[17].
Jardin de la tour sarrasine, à l'emplacement initial de l'ancien château fort d'origine.
De nombreux remparts, et deux portes reliées par la Grande-Rue.
Le castrum de Conflans devient le siège d'une châtellenie, dit aussi mandement (mandamentum), du comté de Savoie, à partir du milieu du XIIIe siècle[19]. Avec l'acquisition d'une partie des droits et des biens d'une branche cadette de la famille de Conflans en 1319, le comte de Savoie organise une châtellenie avec sa Ville Neuve de L'Hôpital de Conflans, où était installé son ancien châtelain[20], et « la partie de la ville haute [de Conflans] qui relevait [du comte] et le château cédé par son ancien métral »[21].
La châtellenie, dans l'organisation du comté de Savoie, est administrée par un châtelain qui tient les comptes et possède un rôle militaire majeur, pour le comte de Savoie[25], à partir du XIIIe siècle[26]. Le châtelain du comte s'installe dans la tour de l'ancienne maison forte, dite Nasine[4],[27]. La maison forte de la Petite Roche semble aussi accueillir le châtelain, mais l'intérieur reste bien sommaire[9],[27]. Cet [officier], nommé pour une durée définie, [est] révocable et amovible[28],[29]. Il est chargé de la gestion de la châtellenie ou mandement, il perçoit les revenus fiscaux du domaine, et il s'occupe de l'entretien du château[30]. Le châtelain est parfois aidé par un receveur des comptes, qui rédige « au net [...] le rapport annuellement rendu par le châtelain ou son lieutenant »[31].
Le chanoine Joseph Garin indique que « les châtelains, appartenaient pourtant à d'illustres familles »[27]. Parmi eux, on compte des membres des familles de Chignin et de La Chambre, Étienne Folliet qui a la charge de 1320 à 1325, est aussi ambassadeur en Angleterre pour le comte Amédée V, ainsi qu'Ogier, un bâtard de Savoie[27].
Châtelains de Conflans, du XIVe au XVIe siècle[32]
24 avril 1305-24 avril 1306 (également receveur pour la période) : Amed (Amé) de Conflans ;
24 avril 1306-26 avril 1319 : Humbert de Conflans ;
8 août 1319-8 décembre 1320 : Jean Folliet ou Foilet (Foiley), châtelain de Conflans de l'Hospital et Villeneuve ;
8 décembre 1320-10 mars 1325 : Étienne Folliet ou de Foilet ;
20 juin 1325-24 février 1329 : Brunon de Chignin (Chignon) et Pierre Ronde, co-châtelains ;
24 février 1329-18 octobre 1332 (également receveur pour la période) : Pierre Ronde, châtelain de Conflans et de Villeneuve de l'Hôpital ;
8 janvier 1406-8 janvier 1440 (également receveur pour les périodes du 8 janvier 1417 au 8 janvier 1418, du 8 janvier 1426 au 8 janvier 1427 et du 8 janvier 1436 au 8 janvier 1437) : Antoine et Amé (Amed), fils et héritiers de Pierre de Belletruche ;
8 janvier 1440-8 janvier 1448 (également receveur pour la période du 8 janvier 1444 au 8 janvier 1445) : Amé, Pierre, Jean et Gaspard, les neveux et fils d'Antoine de Belletruche, frères et héritiers de Pierre (de) Belletruche ;
8 janvier 1448-21 octobre 1448 : Amé de Belletruche et de nobles Pierre et Gaspard, les neveux et fils de Antoine, son frère et fils de Pierre de Belletruche ;
21 octobre 1448-15 mars 1450 (également receveur pour la période du 8 janvier au 15 mars 1450) : Guichard Marchand ;
15 mars 1450-8 janvier 1461 (également receveur pour la période du 8 janvier 1458 au 8 janvier 1459) : Amé, Pierre, Jean et Gaspard, les neveux et fils d'Antoine de Belletruche, frères et héritiers de Pierre (de) Belletruche ;
8 janvier 1461-8 janvier 1466 : Pierre, Jean et Gaspard de Belletruche ;
8 janvier 1466-8 janvier 1473 (également receveur pour la période du 8 janvier 1466 au 8 janvier 1467) : Gaspard de Belletruche ;
8 janvier 1473-8 janvier 1480 : Pierre de Belletruche ;
8 janvier 1482-8 janvier 1485 : François, Louis et Antoine, fils de Pierre de Belletruche ;
↑La famille de Belletruche est héritière des seigneurs de Beaufort, devenant ainsi la famille puissante du Beaufortain (XIVe siècle-1506)[34]. André de Belletruche, secrétaire du Comte Vert, fait édifier le château Rouge.
↑Jules-Joseph Vernier, Étude historique et géographique sur la Savoie, Paris, Le Livre d'Histoire - Res Universis, (réimpr. 1993) (1re éd. 1896), 137 p. (ISBN978-2-7428-0039-1 et 2-7428-0039-5, ISSN0993-7129), p. 33-43.
↑Henry Suter, « Conflans », sur le site d'Henry Suter, « Noms de lieux de Suisse romande, Savoie et environs » - henrysuter.ch, 2000-2009 (mis à jour le 18 décembre 2009) (consulté le ).
↑ a et bJean Prieur, La province romaine des Alpes Cottiennes : recueil des inscriptions, vol. 1, Lyon, Faculté des Lettres et Sciences humaines, , 257 p., p. 140.
↑Bernard Rémy, Inscriptions latines de Narbonnaise (I.L.N.), CNRS éditions, Volume 44 de Supplément à "Gallia", 2004, 9782271061133 p. 24-25.
↑Christian Abry, Jean Cuisenier (directeur de la publication), Roger Devos et Henri Raulin, Les sources régionales de la Savoie. Une approche ethnologique, alimentation, habitat, élevage, Paris, Fayard, coll. « Les Sources régionales », , 661 p. (ISBN978-2-213-00787-8, ISSN0244-5921), p.16, citant Baud, p. 173.
↑Joseph Dessaix, La Savoie historique, pittoresque, statistique et biographique, Slatkine (1re éd. 1854), 781 p. (lire en ligne), p. 289.
↑Nicolas Carrier, « Une justice pour rétablir la « concorde » : la justice de composition dans la Savoie de la fin du Moyen Âge (fin XIIIe - début XVIe siècle) », dans Dominique Barthélemy, Nicolas Offenstadt, Le règlement des conflits au Moyen Âge. Actes du XXXIe Congrès de la SHMESP (Angers, 2000), Paris, Publications de la Sorbonne, , 391 p. (ISBN978-2-85944-438-9), p. 237-257.
↑Alessandro Barbero, « Les châtelains des comtes, puis ducs de Savoie en vallée d'Aoste (XIIIe – XVIe siècle) », dans Guido Castelnuovo, Olivier Mattéoni, « De part et d'autre des Alpes » : les châtelains des princes à la fin du moyen âge : actes de la table ronde de Chambéry, 11 et 12 octobre 2001, , 266 p. (lire en ligne).
↑Joseph Garin, Le Beaufortain : une belle vallée de Savoie : guide historique et touristique illustre, Montmélian, La Fontaine de Siloé, (réimpr. 1996) (1re éd. 1939), 287 p. (ISBN978-2-84206-020-6 et 2-84206-020-2, lire en ligne), p. 34-35.
Voir aussi
Bibliographie
Joseph Garin, Une ville morte : Conflans en Savoie. Guide historique et archéologique avec illustrations et plans précédé d'une Petite Histoire de l'Hôpital et de Conflans et d'un guide rapide de l'Hôpital-Albertville, vol. 7, Moûtiers, Recueil des mémoires et documents de l'Académie de la Val d'Isère, , 113 p. (lire en ligne)
François Charles Uginet, Conflans en Savoie et son mandement du XIIe au XVe siècle, , 379 p.thèse de l'École nationale des chartes, prix de la meilleure thèse de l'année
Andrée Duperray, sous la direction de Philippe Paillard, directeur des Archives départementales de la Savoie, Inventaire-Index des comptes de châtellenies et de subsides (conservés aux Archives départementales de la Savoie et de la Haute-Savoie) Série SA, Montmélian, Archives départementales de la Savoie - Imprimerie Arc-Isère, , 584 p. (lire en ligne [PDF]), p. 255-264.