Le terme cathédrale est d'abord un adjectif dans la locution église cathédrale (yglises cathedraux, « églises épiscopales » dès 1180[1]) avant de devenir un substantif au XVIIe siècle.
En français, le verbecathédrer et le participe cathédrant ont signifié « présider »[2] et « présidant »[3].
Le mot latin d'origine grecquecathedra, « siège à dossier », par extension « charge épiscopale ou autre » a régulièrement abouti au français chaire, « siège à dossier », « chaire de professeur ». La forme chaise est issue de chaire par assibilationdialectale du r intervocalique.
En Italie et dans une partie de l'Allemagne, notamment dans la province ecclésiastique de Cologne, une cathédrale est souvent appelée dôme (en italien : duomo ; en allemand : Dom), du latin domus, abréviation de domus Dei, c'est-à-dire « maison de Dieu ». Ainsi la cathédrale de Milan est-elle couramment appelée, en italien, le duomo di Milano.
Dans d'autres parties de l'Allemagne et en Alsace (qui est historiquement culturellement allemande), une cathédrale est souvent appelée Münster, du latin monasterium. Ce terme est aussi l'origine du terme anglaisminster, utilisé pour désigner notamment les cathédrales d'York (York Minster) et de Southwell (Southwell Minster).
Dans la péninsule Ibérique, une cathédrale est souvent appelée siège (en espagnol : seo ; en aragonais : seo ; en catalan : seu ; en portugais : sé ; en galicien : sé), du latin sedes. Ainsi la cathédrale Saint-Sauveur de Saragosse est-elle couramment appelée, en aragonais, la seu d'o Salvador de Zaragoza. La cathédrale d'Urgell, couramment appelée, en catalan, seu d'Urgell, a donné son nom à la ville de La Seu d'Urgell, antérieurement appelée Urgell.
Une procathédrale est une cathédrale provisoire : soit une église qui assume provisoirement la fonction de cathédrale sans en avoir le titre canonique, en raison de l'indisponibilité de la cathédrale « titulaire » (en travaux, en construction, démolie, etc.).
Le prêtre qui supervise les offices et la gestion d'une cathédrale est appelé archiprêtre (ou recteur-archiprêtre si celle-ci a le rang de basilique).
Histoire et organisation
Origine et évolution des cathédrales
Dans les églises primitives qui se développent après l'édit de Milan en 313, le trône de l'évêque, la cathèdre (cathedra en latin) est placée au fond de l'abside, dans l'axe, comme le siège du juge de la basilique antique, tandis que l'autel s'élève en avant de la tribune, ordinairement sur le tombeau d'un martyr. L'évêque, entouré de son clergé, se trouve ainsi derrière l'autel, isolé et dépourvu de retable, et voit donc l'officiant en face. Cette disposition primitive — puisqu'elle n'est plus usitée dans le novus ordo — explique pourquoi, jusque vers le milieu du dernier siècle du Moyen Âge, dans certaines cathédrales, le maître-autel n'est qu'une simple table sans gradin, tabernacles ni retables.
Dans les églises cathédrales, les évêques procèdent aux ordinations. Lorsqu'un évêque est invité par l'abbé d'un monastère, une cathèdre est disposée au fond du sanctuaire, l'église abbatiale devenant temporairement une cathédrale.
Le siège épiscopal est considéré comme le signe et le symbole de la juridiction des évêques. La cathédrale n'est pas seulement une église dédiée au service du culte, elle conserve, surtout durant les premiers siècles du christianisme, le caractère d'un tribunal sacré, analogue à celui de la basilique antique. Ainsi, les cathédrales demeurent jusqu'au XIVe siècle, des édifices à la fois religieux et civils. Le bâtiment principal est celui qu'on remarque en premier (il est d'ailleurs le plus valorisé par les réfections patrimonialisantes) mais il s'intègre dans un vaste complexe monumental, le groupe épiscopal. Si la cathédrale est, comme toute église, d'abord la maison de Dieu, on ne s'y réunit pas seulement pour assister aux offices religieux, on y tient aussi des assemblées de nature politique ou commerciale, les considérations religieuses n'étant cependant pas dépourvues d'influence sur ces réunions civiles ou militaires. Marchés ou fêtes se tiennent aux portes de la cathédrale mais aussi dans sa nef ou ses bas-côtés qui accueillent la vie grouillante du peuple, des quêteurs, mendiants, auxquels se mêlent mauvais garçons et prostituées, où traînent chiens et cochons les jours de foire[4].
Contrairement aux idées reçues, la cathédrale de Rome n'est pas la basilique Saint-Pierre du Vatican mais la basilique Saint-Jean de Latran, « tête et mère des églises de la Ville et du monde ». Autre idée reçue, la construction des cathédrales romanes fait bien partie du « blanc manteau d'églises » qui, selon la formule de Raoul Glaber, est l'œuvre des évêchés ou des monastères. Mais les cathédrales gothiques du Moyen Âge classique issues de l'essor urbain lié aux progrès de l'agriculture ne sont généralement pas construites par les princes, les rois ou les évêques (selon la légende romantique, ils y verraient un moyen d'affirmer la puissance de la foi au cœur de leurs diocèses), mais par les villes (avec leurs riches nobles et bourgeois) et par les chanoines (en général membres de familles aristocratiques et fortunées), le clergé bourgeois[5]. Ainsi de nombreux historiens qualifient les grandes cathédrales de « filles des moissons » ou de « filles des villes »[6].
Les maîtres d'œuvre qui supervisent le chantier de la cathédrale ne sont pas des architectes ou des techniciens. Ils sont responsables vis-à-vis de la fabrique et se bornent à surveiller les travaux exécutés par des ouvriers spécialisés (maçons, sculpteurs, tailleurs de pierre), appelés compagnons, réunis en confréries ou fraternités. Ces derniers, payés à la tâche, laissent parfois sur les pierres des signes gravés, les marques de tâcheron qui sont leurs signatures. La construction est également réalisée par des manœuvres moins bien payés. On ne peut que conjecturer la participation des masses populaires à cette construction, vu le silence des textes à ce sujet, cette participation se faisant soit bénévolement soit par réquisition et corvée[7].
D'après la base de données Gcatholic, au , l'Église catholique compte 320 cocathédrales pour 3 043 cathédrales et 43 procathédrales. 473 anciennes cathédrales ne sont pas des cocathédrales[8].
Voir » Architecture occidentale du Moyen Âge au XIXe siècle ». De nombreuses cathédrales ont plusieurs styles (roman et gothique, gothique et classicisme, classicisme et baroque…). Les architectes ont de nombreuses fois eu recours aux anciens styles (réparation d'anciennes cathédrales, fin de chantiers). Ces styles ne se résument évidemment pas seulement aux cathédrales et aux autres édifices religieux[9].
↑On peut lire dans le Recueil des édits, déclarations… du Parlement de Normandie (1646-1771) : « […] a ordonné que lesdits substituts ausdits siéges, sont maintenus & gardez dans le droit & possession de cathédrer & présider en l'absence des juges en chef & de leurs Lieutenans, par préférence ausdits Assesseurs, etc. ».
↑On peut lire dans Montaigne, Essais, t. II, chapitre III : « Coutume de l'île de Céa » : « […] car c'est aux apprentifs à enquerir et à debatre, et au cathedrant de resoudre. Mon cathedrant, c'est l'authorité de la volonté divine qui nous reigle sans contredit, et qui a son rang au-dessus de ces humaines et vaines contestations. »
↑Marcel Aubert, La Cathédrale Notre-Dame, Firmin-Didot, , p. 66.
↑Catherine Arminjon et Denis Lavalle, 20 siècles en cathédrales, Éditions du Patrimoine, , p. 21.
↑Châteaux d'aisance, palais, bâtiments politiques et universitaires, théâtres, opéras, bibliothèques, musées, monuments… et même un gratte-ciel : la Tribune Tower.
Mathieu Lours, Les cathédrales dans le monde. Entre religion, nation et pouvoir, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire - Inédit », 2024, 352 p. (ISBN978-2-072-94328-7)
Roman historique montrant la construction des cathédrales et comment le mouvement des constructeurs d'un chantier à un autre a diffusé en Europe le style d'architecture gothique initié par l'abbé Suger avec la cathédrale Saint-Denis de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
André Vauchez, « La cathédrale », dans Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, t. III, Paris, Gallimard, (ISBN978-2-07-074904-1), p. 3122-3134.
Collectif, sous la direction du ministère de la Culture et du Centre national de pastorale liturgique, La Cathédrale aujourd’hui, Paris / Bruges (Belgique), Desclée liturgie, , 134 p. (ISBN2-7189-0511-5)
Collection « Culte et culture » : I. La cathédrale dans l’histoire ; II. La signification ; III. La création artistique dans la cathédrale ; IV. Textes de référence et aspects juridiques ; V. Les diverses responsabilités ; VI. Échos du colloque « La cathédrale, demeure de Dieu, demeure des hommes ».
Richard Utz, « The Cathedral as Time Machine: Art, Architecture, and Religion », in Stephanie Glaser (dir.), The Idea of the Gothic Cathedral: Interdisciplinary Perspectives on the Meanings of the Medieval Edifice in the Modern Period, Turnhout, Brepols, 2018, p. 239-259.