Charles Dupin est sans doute inspiré par les travaux du géographe Conrad Malte-Brun, qui oppose la France du Nord et la France du Sud en ce qui concerne l'instruction[1].
Il la présente lors d'un cours le au Conservatoire des arts et métiers[3],[4],[5], puis la publie l'année suivante dans sa monographie Forces productives et commerciales de la France[6].
Description
La carte constitue la partie supérieure d'une planche lithographique monochrome noir sur papier ; la partie inférieure consiste en une annexe en trois colonnes.
Les variables visuelles de la carte sont constituées d'un nuancier de hachures de couleur noire, sans aplat blanc (même la mer est représentée avec un figuré hachuré concentrique léger), allant d'une saturation faible au noir complet. Les figurés linéaires utilisés sont les contours simplifiés des départements français et les frontières de la France sous leur forme de 1826[a]. La Corse (à l'époque département unique) n'est pas représentée.
Il n'y a pas de légende et les valeurs sont exprimées directement dans les départements. Il s'agit donc à la fois d'une carte à lire et d'une carte à voir.
La légende est la suivante :
« Parallèle statistique relatif à l'enseignement populaire, à l'instruction supérieure, à l'industrie, à la richesse privée, aux revenus publics, entre la France du Nord, la France du Sud et la totalité de la France.
Dans notre carte, la noirceur des teintes correspond à la grandeur des nombres placés au-dessous du nom de chaque Département. Cette teinte et ce nombre indiquent combien il faut de personnes pour fournir un enfant mâle aux écoles. Ainsi le département de la Moselle compte un élève par dix habitants, et celui de la Haute-Loire un par 268 habitants. Les Départements les plus éclairés sur la carte, sont par conséquent ceux qui possèdent l'instruction primaire la plus étendue. J'appelle France du Nord les 32 départements séparés par une ligne presque droite, menée de Saint-Malo jusqu'à Genève. Les 54 autres départements forment la France du Sud. »
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La carte de Dupin a provoqué une vive polémique[8].
Postérité
L'année suivant la publication de la carte originelle, Hartog Somerhausen s'en inspire pour sa Carte figurative de l’instruction populaire des Pays-Bas[9]. Adolphe Quetelet fait de même en 1831 avec des données sur la criminalité[10].
Sept ans après la publication de la carte de Dupin, le statisticien André-Michel Guerry propose une série de cartes reprenant le même procédé graphique, dont l'une est également une Carte de France de l'instruction. La diagonale est beaucoup plus visible et le nuancier est continu. La donnée indiquée dans chaque département est son rang.
George Sand, extrêmement opposée à la Commune de Paris et aux Républicains menés par Léon Gambetta, cite la carte de Guerry à la veille des législatives de . Elle est alors au château de Boussac, dans le département de la Creuse. Soucieuse de l'adhésion des paysans aux candidats du parti de la paix (orléanistes et légitimistes) soutenus par les notables et les possédants, elle compte sur l'illettrisme des masses pour aboutir à une chambre conservatrice :
« Mardi ,
Demain ! c'est le jour du vote ! On aura commencé à voter, et dans beaucoup de localités on aura fini de voter sans savoir qu'on est libre de choisir son candidat [...]. Ceux qui ne savent pas lire connaissent au moins certaines lettres qui les guident, ou, s'ils ne les connaissent pas, ils en remarquent la forme et l'arrangement avec la sûreté d'observation qui aide le sauvage à retrouver sa direction dans la forêt vierge. [...] Ils ne connaissent pas plus que moi les candidats qui passent pour représenter leur opinion. [...] Ils aiment les gros industriels, les agriculteurs éclairés, en général tous ceux qui réussissent dans leurs entreprises. [...]
Et ceci est une question d'ordre, d'économie, de sagesse et d'intelligence, ce n'est pas une question de clocher. Le paysan n'a rien à gagner chez nous au changement de personnes. Étant d'un des départements les plus noirs sur la carte de l'instruction, il est au moins préservé de l'ambition par son ignorance. »
— George Sand, Journal d'un voyageur pendant la guerre, 1871[11]
Ces propos seront relevés par l'historien Henri Guillemin dans son cycle de 13 émissions sur la Commune de Paris, diffusé par la Télévision suisse romande en 1971.
Notes et références
Notes
↑Les départements suivants n'apparaissent pas sur la carte :
↑Michel Fleury et Pierre Valmary, « Les progrès de l'instruction élémentaire de Louis XIV à Napoléon III, d'après l'enquête de Louis Maggiolo (1877-1879) », Population, vol. 12, no 1, , p. 71–92 (74) (JSTOR1525321, lire en ligne).
↑Gilles Palsky, « Le calcul par l'œil », dans Jean-Paul Bord (dir.) et Pierre Robert Baduel (dir.), Les cartes de la connaissance (actes du colloque Cartographie, géographie et sciences sociales, Tours, -), Karthala et Urbama, , 689 p. (ISBN2-84586-488-4), p. 590–592 [lire en ligne].
↑Charles Dupin, Effets de l'enseignement populaire de la lecture, de l'écriture, de l'arithmétique, de la géométrie et de la méchanique, appliquées aux arts, sur les prospérités de la France : Discours prononcé dans la séance d'ouverture du cours normal de géométrie et de méchanique appliquées, le , au Conservatoire des arts et métiers, Paris, Bachelier, , 48 p. (BNF30379483), p. 25 sq. [lire en ligne].
↑Charles Dupin, « Effets de l'enseignement populaire sur les prospérités de la France : Discours prononcé dans la séance d'ouverture du cours normal de géométrie et de mécanique appliquées, le , au Conservatoire des arts et métiers », Revue encyclopédique, t. 33, , p. 40–63 (52 sq.) (lire en ligne).
↑Charles Dupin, Forces productives et commerciales de la France, t. 2, Paris, Bachelier, , « Livre sixième : Parallèle de la France du Nord et de la France du Sud, avec toute la France », p. 249 sq. [lire en ligne] et pl. I.
↑(en) Onno Boonstra, chap. 3 « The Dawn of a Golden Age? Historical GIS and the History of Choropleth Mapping in the Netherlands », dans Alexander von Lünen (dir.) et Charles Travis (dir.), History and GIS : Epistemologies, Considerations and Reflections, Dordrecht, Springer, , 242 p. (ISBN978-94-007-5008-1, DOI10.1007/978-94-007-5009-8_3), p. 27–38.