Camille Latreille naît le à Saint-Georges-d'Espéranche (Isère), petit village du Bas-Dauphiné où ses parents tiennent une épicerie. Remarqué par l'abbé Caillat, curé de la paroisse, il est envoyé au collège Saint-Maurice de Vienne (Isère), puis au lycée de Lyon, où il obtient le premier prix de physique au concours général[4], devant son condisciple et ami Jean Perrin. Son proviseur lui fait obtenir une bourse pour préparer l'École normale supérieure au lycée Janson-de-Sailly, qui vient d'ouvrir. Il échoue au concours, et revient à Lyon, où il s'inscrit comme étudiant à la Faculté des Lettres -- ce qui permettra à Jean Perrin de lui adresser plus tard, lors de sa désignation au prix Nobel, cet aimable compliment : « Cette fois, et parce que tu as abandonné les sciences, tu m'as laissé la première place »[4]. Après une licence ès-Lettres, il réussit le concours d'agrégation[5], est nommé professeur au lycée du Puy, puis au lycée de Lyon, et entreprend en parallèle une intense activité de chercheur. En 1899, il présente une thèse de doctorat intitulée François Ponsard et la fin du théâtre romantique. L'année suivante, il épouse Julie Burle, fille d'industriels de Vienne, avec qui il aura 6 enfants.
À partir de 1903, définitivement installé à Lyon, il publie de nombreux ouvrages, dont un Joseph de Maistre et la Papauté couronné par l'Académie française[1], et qui lui ouvre les portes de l’Académie de Lyon[6]. En 1911, il est professeur de « rhétorique supérieure » au lycée dans la chaire inaugurée par Édouard Herriot[7]. L'année suivante il est nommé à la Faculté des Lettres de Lyon, où il enseignera jusqu'à ce que son état de santé ne le lui permette plus. En 1925, il publie encore trois ouvrages sur la vie et l’œuvre de Lamartine. La même année, il est élu maire de Saint-Georges-d'Espéranche, sa commune de naissance, où il a gardé une maison. Il décède à Lyon le , à l'âge de 56 ans. Il est enterré à Saint-Georges-d'Espéranche[8].
Historien des idées et du sentiment religieux
Qu'il traite d'écrivains célèbres (Lamartine, Châteaubriand, J. de Maistre) ou moins connus (V. de Laprade, P. de Boissat, F. Bouiller), Camille Latreille manifeste dans ses travaux une préoccupation constante de mettre en valeur la dimension morale, voire spiritualiste, qu'il perçoit chez ces auteurs. Ainsi écrit-il : « Lyon est la Rome des Gaules : le côté mystique se retrouve toujours dans ses poètes, dans ses écrivains, dans ses artistes. »[9].
Il s'intéresse tout naturellement aux mouvements religieux du siècle qui vient de se terminer, et en particulier aux relations entre les catholiques français et la Papauté. Dans un magistral Joseph de Maistre et la Papauté, qu'il publie en 1906, tout en se montrant admiratif du poète et écrivain, il dispute fermement contre une pensée « qui méconnaît les droits de la conscience individuelle »[10]. Sa recherche le conduit alors à étudier, en historien, l'opposition religieuse au concordat, à laquelle il consacre deux ouvrages en 1910, se lie avec Claudius Prost, archiviste de la Petite Église de Lyon, sur laquelle il publie une étude en 1911, et poursuit par un article sur l'application des ordonnances de 1828 dans le diocèse de Lyon en 1912. Si on ne peut certes pas le qualifier d'écrivain chrétien —ce que sera plus tard son fils André—, il laisse apparaître clairement dans ces ouvrages un souci religieux teinté d'une sympathie franche pour le gallicanisme, qui se tempérera plus tard[11].
Sa dernière production majeure (deux ouvrages sur Lamartine en 1925) est précédée d'un article intitulé Lamartine, poète politique. « Il aima dans Lamartine autant l'homme politique que le poète. Il aimait en effet que les poètes ne se contentent pas de cadencer leurs vers, mais qu'ils soient aussi des hommes d'action, sympathisant avec l'esprit de leurs contemporains, vibrant de leurs passions, partageant leurs souffrances et leurs espoirs »[12].
Distinctions et honneurs
Agrégé de l'Université, docteur ès-Lettres, professeur d'Université.
Membre de la Société historique, archéologique et littéraire de Lyon (1902-1917)[13].
Membre de l'Association des Amis de l'Université de Lyon, secrétaire général de l'association[14].
Camille Latreille, La fin du théâtre romantique et François Ponsard, , 475 p. (ISBN978-2-01-189960-6).
De Petro Boessatio (1603-1662), ac de conditione litteratirum virorum in Delphinatu eadem ætate, Vienne, 1899.
Pierre de Boissat (1603-1662) et le mouvement littéraire en Dauphiné, Grenoble, 1900.
Camille Latreille, Chateaubriand : études biographiques et littéraires. Le Romantisme à Lyon, Paris, Albert Fontemoing, , 272 p. (ISBN978-2-01-349256-0, lire sur Wikisource).
↑« Les chrétiens d'aujourd'hui, qui n'ont plus le loisir ni le goût de ces raffinements de théologie, entrent dans l'Église du Christ par la grande porte de la soumission » aurait-il déclaré lors d'un éloge de Pascal en 1923, selon J. Buche, In Memoriam.., pp. 20-21.
↑Jules Guiart, président de l'Académie de Lyon, allocution aux obsèques de Camille Latreille, le 5 janvier 1927, In Memoriam..., p. 32.
↑Christiane de Clavières et Edmond Reboul (préf. Jean Pouilloux), Index des mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon : répertoire des auteurs et des thèmes, Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, (ISBN2-86971-175-1, BNF36189457, lire en ligne), p. 56 et 57.
Voir aussi
Bibliographie
Maryannick Lavigne-Louis et Dominique Saint-Pierre (dir.), « Latreille Camille », dans Dictionnaire historique des Académiciens de Lyon : 1700-2016, Lyon, éd. ASBLA de Lyon, (ISBN978-2-9559-4330-4, présentation en ligne), p. 766-767.
Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon (dir.) et Archives municipales de Lyon (dir.), Au service de la Ville. L’Académie des sciences, belles-lettres et arts. Lyon, 1700-2020, Lyon, Archives municipales de Lyon, , 304 p. (ISBN2-908949-51-2, présentation en ligne)