Boulette (sidérurgie)En sidérurgie, les boulettes (également appelées pellets) sont un conditionnement du minerai de fer réalisé par les mines, pour une utilisation directe dans les hauts fourneaux ou les usines de réduction directe. Les boulettes se présentent sous la forme de sphères de 8 à 18 mm de diamètre. Leur fabrication combine des procédés chimiques et thermiques pour enrichir le minerai en fer jusqu'à 67 %-72 % de fer, et lui donner les caractéristiques chimiques et mécaniques voulues[1]. HistoireLe conditionnement en boulettes des minerais de fer pulvérulents a été réalisé dès la fin du XIXe siècle. Mais le liant consiste alors en du goudron (1 % du poids), dont la cuisson dans un tambour rotatif permet à la fois l'obtention de boulettes adaptées au haut fourneau et le retrait d'éléments indésirables, comme le soufre et l'arsenic, qui sont emportés par les fumées[2]. L'agglomération en boulettes par frittage apparaît en même temps que l'agglomération sur grille. Elle est alors proposée comme une alternative pour traiter les produits très fins qui gênent cette dernière. L'agglomération en boulette apparaît en Suède (brevet de 1912 d'A. Anderson[3]), puis en Allemagne (1913). Le nouveau produit est alors appelé « GEROELL » (de rolling). Il a la propriété de se réduire plus rapidement que les minerais calibrés et que l'aggloméré issu du même matériau. Un pilote industriel est construit par Krupp à Rheinhausen en 1926 ; mais il est démonté pour laisser la place à une grande chaîne d'agglomération sur grille, son procédé concurrent[4]. L'agglomération en boulettes ne disparaît cependant pas. Elle s'impose aux États-Unis pour le traitement des concentrés fins du gisement de Mesabi Range, produits pendant la Seconde Guerre mondiale pour remplacer les minerais naturellement riches à plus de 50 % de fer, en voie d'épuisement. L'agglomération en boulettes de ces nouveaux minerais très fins à magnétite (85 % < 44 mm) connait vers 1943 un développement intensif sous l'impulsion de l'université du Minnesota. Le procédé reviendra un peu plus tard en Europe, et plus particulièrement en Suède, comme conditionnement préalable à la fabrication de minerai de fer préréduit[4]. Malgré un développement spectaculaire des années 1960 à 1980, la production de boulettes s'est stabilisée autour de 300 Mt annuelles. On recense en effet les productions :
FabricationContrairement à l'aggloméré, qui est généralement produit au pied des hauts fourneaux, par mélange de minerais de fer de diverses origines, les boulettes sont fabriquées sur le lieu d'extraction, et commercialisées par des entreprises minières. Les boulettes supportent en effet mieux les chocs dus aux manutentions que l'aggloméré, qui est assez fragile. La fabrication des boulettes étant réalisée par les mines, le process diffère sensiblement selon les caractéristiques du minerai de fer local (par exemple : certaines usines sont dotées d'unité retirant l'arsenic présent dans le minerai). Les étapes principales se retrouvent cependant partout[8]. Le minerai est d'abord finement broyé pour pouvoir en retirer le maximum de la gangue stérile du minerai de fer. Les étapes de l'enrichissement dépendent de la nature du minerai. Le broyage peut se faire en plusieurs étapes, à sec ou avec de l'eau. L'enrichissement est réalisé par séparation magnétique et flottaison. Le concentré de minerai est ensuite éventuellement mélangé avec des additifs (dolomie, olivine, quartzite, etc.) pour obtenir la composition chimique désirée. Dans ce cas, ces éléments correspondent typiquement à 3 à 3,5 % du poids des boulettes. Un autre additif, généralement la bentonite humide (on peut ajouter à cette argile de la farine de maïs, ou utiliser du polyacrylamide[7]) permet de garantir la cohésion de la matière au moment de l'étape de bouletage[8]. Le concentré de minerai est alors compacté sous la forme de boulettes. Si elles peuvent être fabriquées dans différents types de tambours malaxeurs, les outils le plus fréquemment rencontrés sont des soucoupes. En sortie de soucoupe, avant leur frittage par cuisson, les boulettes sont dites boulettes « vertes » ou « crues ». Leur granulométrie est souvent comprise entre 5 et 20 mm[5]. Elles peuvent être alors dirigées :
La cuisson peut être réalisée sur une chaîne passant dans des fours contigus et chauffés jusqu'à 1 200 °C (procédé straight grate s'il y a une seule chaîne rectiligne, grate kiln lorsque la chaîne débouche sur un plateau refroidisseur tournant). La chaleur est apportée par des brûleurs, une addition de combustible dans le concentré de minerai ou encore, dans certains minerais particuliers, par l'oxydation du minerai[8]. Intérêts et limitationsIntérêtsLa préparation du minerai en boulettes améliore la marche des hauts fourneaux et des usines de réduction directe. Par rapport à un minerai de fer cru, on relève les intérêts suivants :
Par rapport au minerai aggloméré, les boulettes présentent l'avantage d'une teneur en fer plus élevée, ce qui permet de doper la productivité des usines et de diminuer leur consommation en combustible. Elles sont aussi beaucoup moins fragiles et supportent bien les manutentions répétées. Leur prix un peu plus élevé (les boulettes coûtent, en moyenne, 70 % plus cher que le minerai brut[6]) correspondant à leur valeur d'usage, la sidérurgie les mélange avec l'aggloméré dans des proportions très variables. Tout comme pour l'aggloméré, l'étape de grillage et frittage à haute température permet l'élimination d'éléments indésirables, dont notamment le soufre. C'est également un moyen de se débarrasser du zinc, élément « empoisonnant » les hauts fourneaux, car sa température de vaporisation, de 907 °C, correspond à celle d'un grillage bien mené[9],[note 1]. LimitationsUne limitation notable des boulettes tient dans leur sensibilité à l'action nuisible du soufre pendant la réduction. Même de faibles proportions de dioxyde de soufre (SO2), de 5 à 50 ppm dans le gaz de réduction, perturbent le fonctionnement d'un haut fourneau alimenté avec des boulettes. Le mécanisme, assez complexe, n'a été compris qu'à la fin du XXe siècle[10] :
L'élévation simultanée exagérée du volume des granulés (« gonflement ») peut bloquer, voire gravement endommager le haut fourneau[10]. CompositionComme l'aggloméré, les boulettes sont généralement classées suivant qu'elles sont acides ou basiques. L'indice de basicité ic est calculé par le rapport suivant des concentrations massiques[11] :
On simplifie souvent en se contentant de calculer un indice de basicité simplié i, égal au rapport CaO / SiO2[5]. Les boulettes d'un indice i inférieur à 1 sont dites « acides », supérieur à 1, elles sont généralement dites « basiques », égal à 1 elles sont qualifiées d'« autofondantes ». Les boulettes peuvent être riches en hématite, mais la proportion d'hématite doit rester limitée, sinon la structure du granulé se relâcherait trop au cours de la réduction, et les boulettes finiraient par s'effondrer en poussière concentrée sous le poids des charges empilées[10]. Boulettes acidesLes boulettes acides sont généralement obtenues lorsqu'on n'y ajoute pas d'additifs. Une composition chimique massique de ce type de boulette est de SiO2 = 2,2 % et CaO = 0,2 %. Dans les années 1990, aux États-Unis, la boulette acide type a pour caractéristiques[5] :
Il est fréquent de trouver des boulettes dont l'acidité a été aggravée par la présence de divers silicates issus du liant nécessaire au bouletage. Mais contrairement aux minerais agglomérés, les boulettes peuvent avoir une composition acide, parce qu'en raison de leur forme sphérique solide, la tendance à la désagrégation et à l'affaiblissement des propriétés mécaniques est plus faible[10]. Les boulettes acides ont une bonne résistance mécanique, avec une résistance à l'écrasement supérieure à 250 kg/boulette. Leur réductibilité est cependant assez mauvaise. De plus, elles sont susceptibles de gonfler en présence de chaux, typiquement pour i = CaO / SiO2 > 0,25, phénomène susceptible de détériorer un haut fourneau[12]. Boulettes autofondantesL'utilisation des boulettes autofondantes, ou basiques, s'est développée dans les années 1990 aux États-Unis. Il s'agit de boulettes issues d'un concentré de minerai de fer dans lequel on a ajouté de la chaux et de la magnésie. Aux États-Unis, la boulette autofondante type a pour caractéristiques[5] :
Résistantes à la compression (environ 240 kg/boulette) et faciles à réduire, ces boulettes sont bien adaptées à la marche d'un haut fourneau. Mais l'ajout de calcaire dans le concentré de minerai baisse la productivité de l'usine de bouletage car leur calcination entraîne une décarbonatation, qui est endothermique. La productivité de l'usine est alors inférieure de 10 à 15 % par rapport à la production de boulettes acides[12]. Boulettes à basse teneur en siliceCe type de boulette est surtout destiné à l'alimentation des usines de réduction directe. Une composition typique serait : Fe = 67,8 % ; SiO2 = 1,7 % ; Al2O3 = 0,40 % ; CaO = 0,50 % ; MgO = 0,30 % ; P = 0,01 %[5]. On trouve bien sûr des boulettes à basse silice autofondantes, lorsque celles-ci sont dopées avec de la chaux. Une composition typique serait : Fe = 65,1 % ; SiO2 = 2,5 % ; Al2O3 = 0,45 % ; CaO = 2,25 % ; MgO = 1,50 % ; P = 0,01 %[5]. Autres types de boulettesPour répondre à des besoins précis, les fabricants ont développé d'autres types de boulettes. On relèvera notamment :
Notes et référencesNotes
Références
Voir aussiArticle connexe |