La redécouverte d’Antoine de Lonhy débute en 1972, avec la publication d’un article de Charles Sterling sur le Maître de la Trinité de Turin. Il constitue la personnalité d’un peintre qu’il considère comme bourguignon et qui aurait été actif dans le Piémont vers 1480-1490. Il considère d’ailleurs cet artiste comme un disciple de l’enlumineur des Heures de Saluces[1].
En 1988, Giovanni Romano propose d’identifier le Maître de la Trinité de Turin à la personnalité d’Antoine de Lonhy sur la base de deux œuvres documentées, dont on a retrouvé la trace des commandes dans des archives à Toulouse[2]. En 1989, il propose de fusionner cet Antoine de Lonhy avec le Maître de la sainte Anne.
En parallèle, François Avril parvient au même résultat par un autre chemin. Il va reprendre la proposition de Charles Sterling et plutôt que de considérer le Maître de la Trinité de Turin comme un disciple de l’enlumineur des Heures de Saluces, il va établir qu’il s’agit de la même personne[3]. Cela lui permet d’aller plus loin et même de retracer l’itinéraire de ce peintre, qui peint dans le Piémont et en Languedoc, et qui est vraisemblablement issu de Bourgogne.
En 1994, Philippe Lorentz confirme qu’Antoine de Lonhy est bien présent en Bourgogne au moins en 1446, puisqu’il découvre un document qui atteste que le peintre est au service de Nicolas Rolin, le chancelier de Philippe le Bon[4]. Philippe Lorentz attribue également en 2005 à Antoine de Lonhy les peintures de Notre-Dame de la Dalbade à Toulouse[5].
Biographie
Origines et formation
Antoine de Lonhy est cité pour la première fois sous le nom d' « Anthoine de Loigney [...] pointre demourant a Chalon », ce qui peut le faire naître dans une des deux villes du département actuel de Saône-et-Loire, Lugny-lès-Charolles ou Lugny près de Mâcon[4].
Il suit une formation d’enlumineur vers 1435-1440 probablement à Chalon-sur-Saône par un maître ancré dans le gothique international[6]. Il est influencé par les modèles de l’ars nova diffusés par Barthélemy d'Eyck et plus généralement par l'enluminure parisienne du deuxième quart du XVe siècle[6].
Période bourguignonne
En 1446, Antoine de Lohny entre au service de Nicolas Rolin[4] et examine probablement des œuvres des Primitifs flamands, tels que Jan Van Eyck et de Robert Campin[6]. Il collabore durant cette période avec le verrier Euvrard Robert[4]. C’est probablement à la suite de cette rencontre qu’il acquiert une formation de verrier. En 1449, il effectue des travaux pour l’évêque Jean Germain, comme le frontispice de la Mappemonde spirituelle[7],[8].
Période languedocienne et catalane
Dans le Languedoc
Antoine de Lonhy part ensuite pour Toulouse au plus tard en 1454 puisque l'on trouve la date sur la fresque de la Dalbade[5] (désormais au musée des Augustins à Toulouse[9]). L’hypothèse la plus probable concernant son départ est le fait qu’il est recommandé par Jean Germain auprès de l'archevêque Bernard Rosier (même réseau de prélats), qui recrutait à ce moment pour effectuer les vitraux de la cathédrale de Toulouse (désormais détruits)[6]. L'évolution de son style trahit peut-être un passage par Avignon, alors qu'il se rendait à Toulouse vers 1452[3]. Il réalise aussi le frontispice du traité Semita recta ad montem salutis, daté du 29 juin 1460, dédié à Bernard Rosier[6].
En Catalogne
Antoine de Lonhy devait être un peintre-verrier reconnu car le , il passe un contrat avec les fabriciens de l'église Santa Maria del Mar de Barcelone pour l'exécution des vitraux de la grande rosace[10]. En 1462, il signe d'autres contrats à Barcelone et réalise un retable pour le monastère des Augustins de Domus Dei, à Miralles [10],[11]. C'est dans ces documents qu'il est écrit qu'Antoine de Lonhy est un habitant d'Avigliana, mais résidant à cette époque à Barcelone[12].
Période savoyarde
Antoine de Lonhy jouit apparemment d'une grande réputation puisqu'il se transfère à Avigliana, dans le duché de Savoie et le diocèse de Turin[11],[10]. Ce village a l’avantage de se trouver dans l’axe qui relie les deux pôles du duché, à savoir Turin et Chambéry[13]. Il est probablement recommandé via le même réseau de prélats auprès de l’évêque de Turin, Ludovico da Romagnano, qui cherche à renouveler le décor de la cathédrale au début des années 1460[14].
Il entre ensuite au service du duché de Savoie, en particulier de Yolande de Savoie, en tout cas en 1466[15]. Elle lui confie notamment l'achèvement des Heures dites de Saluces[16]. Un des folios évoque une invention qui rappelle les volets du maitre-autel de la cathédrale Saint-Pierre à Genève, ce qui attesterait de son passage par Genève pour se rendre au duché de Savoie[17]. Elle lui commandera aussi le Breve dicendorum compendium vers 1477, un traité destiné à éduquer son fils Philibert[18].
Il continue de réaliser des œuvres dans les années 1470-1490 dans le Piémont et en Savoie. C'est le cas notamment de la Trinité de Turin et la Sainte Anne, qui ont permis son identification.
Panneau d'un retable consacré à saint Pierre : Libération de saint Pierre et Chute de Simon le Mage, maison paroissiale de la Collégiale de Saint-Ours, Aoste ;
Retable démembré provenant de l'église des Dominicains de Turin, contenant les panneaux : Nativité, Musée Mayer van den Bergh, Anvers, Prédication de saint Vincent Ferrier, Musée national du Moyen Âge, Paris[21], Saint Dominique, Galerie Sabauda, et peut-être Saint Jean Baptiste présentant une donatrice, collection particulière, Suisse ;
Saint Antoine présentant une donatrice, collection particulière, Suisse ;
Antoine de Lonhy fait l'objet de l'exposition "Il Rinascimento europeo di Antoine de Lonhy", au Palazzo Madama, à Turin (octobre 2021 - janvier 2022)[33].
Giovanni Romano et Christine Piot, « Sur Antoine de Lonhy en Piémont », Revue de l'Art, vol. 85, no 1, , p. 35-44 (DOI10.3406/rvart.1989.347786)
Philippe Lorentz, « Une commande du chancelier Nicolas Rolin au peintre Antoine de Lonhy (1446) : la vitrerie du château d'Authumes », dans Bulletin de la Société de l'Histoire de l'art français, 1994, p. 9-13
F. Quasimodo, « Antoine de Lonhy, Maestro delle Ore di Saluzzo », dans Dizionario biografico dei miniatori italiani, secoli IX-XVI, Edizioni Sylvestre Bonnard, Milan, 2004, p. 26-29, (ISBN88-86842-70-8) ; 1089p.
Philippe Lorentz, « Une œuvre retrouvée d'Antoine de Lonhy et le séjour à Toulouse du peintre bourguignon », dans Revue de l'art, 2005, no 147, p. 9-27
Marie Bedel, Le manuscrit 2881 : un livre d'heures de la bibliothèque d'étude et du patrimoine de Toulouse, maîtrise d'histoire de l'art, Université de Toulouse II, Toulouse, 2005
François Avril, « Un nouveau témoignage de l'activité toulousaine d'Antoine de Lonhy », Per Giovanni Romano. Scritti di amici, dans L'Artistica, Cuneo, 2009, p. 10-11
Philippe Lorentz, « Antoine de Lonhy », dans sous la direction de Pascale Charron et Jean-Marie Guillouët, Dictionnaire d'histoire de l'art du Moyen Âge occidental, éditions Robert Laffont, Paris, 2009, p. 40-41, (ISBN978-2-221-10325-8) ; 1128 p.
(it) Giovanna Saroni, « Intorno a un Libro d'Ore di Antoine de Lonhy giovane », dans Studi e notizie. Rivista annuale del Museo Civico d’Arte Antica di Torino, Palazzo Madama, anno I, 2010, p. 7-23
Frédéric Elsig, Antoine de Lonhy, Silvana Editoriale, Milan, 2018, (ISBN978-8-83663869-7).
Giovanna Saroni, traduction par François Arnauld et Éliane Vergnolle, « À propos de la découverte de la Mise au Tombeau d'Antoine de Lonhy à Saint-Jean-de-Maurienne », dans Bulletin monumental, 2019, tome 177, no 2, p. 139-150, (ISBN978-2-901837-78-7)
Mireia Castaño, « Frédéric Elsig, Antoine de Lonhy », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 81, 2019, 1, p. 231-234.
Mireia Castaño, « Un somptueux missel toulousain enluminé par Antoine de Lonhy », dans Peindre à Toulouse aux XVe et XVIe siècles, Frédéric Elsig (éd.), Milan, 2020, pp. 70-81.
(it) Il Rinascimento europeo di Antoine de Lonhy, catalogue d'exposition (Suse, Museo Diocesano, june-november 2022 / Turin, Palazzo Madama october 2021-january 2022), Simone Baiocco and Vittorio Natale (éd.), Gênes, 2021.
Frédéric Elsig, Antoine de Lonhy, Milan, Silvana Editoriale, 2018.
↑ abc et dPhilippe Lorentz, « Une commande du chancelier Nicolas Rolin au peintre Antoine de Lonhy, 1446 : la vitrerie du château d’Authumes », Bulletin de la Société de l'histoire de l'art français, 1994, p. 9-13.
↑ a et bPhilippe Lorentz, « Une œuvre retrouvée d'Antoine de Lonhy et le séjour à Toulouse du peintre bourguignon », Revue de l'art, vol. 147, 1, 2005, p. 9-27.
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↑J. Ainaud i de Lasarte, J. Villa-Grau, M. A. Escudero i Ribot, Els vitralls medievals de l'esglesia de Santa Maria del Mar à Barcelona (Corpus vitrearum Medii Aevi, Espanya 6, Catalunya 1), Barcelone, 1985.