Andrea LucchesiAndrea LuchesiLucchesi ou Luckesi
Andrea Luca Luchesi (Lucchesi ou Luckesi) est un compositeur italien, né à Motta di Livenza (république de Venise) le et mort à Bonn le . La première partie de sa carrière se déroule à Venise où ses opéras orientés dans le genre comique, trahissent clairement l'influence de sa formation vénitienne. À partir de 1771, le musicien s'installe à la cour de Cologne à Bonn, se consacre à la musique religieuse et dirige l'opéra. Il écrit aussi des œuvres instrumentales, symphonies, sonates et concertos pour clavier, et de la musique de chambre, le tout de grande qualité, qui, a l'avant-garde de son époque, annoncent des éléments stylistiques de la période classique. BiographieOrigine et formationLa famille Andrea Luchesi faisait partie d’un groupe de nobles familles originaires de Lucques (d’où le nom Luchesi, que l’on trouve écrit aussi Luchese, Lucchese, Lukesi, etc. par ses contemporains) qui s’étaient établies dans la république de Venise depuis longtemps. Andrea Luchesi est le fils de Pietro, négociant en gros de céréales. Cadet des onze enfants de Pietro, il reçoit de son frère Matteo, prêtre, précepteur public et organiste à Saint-Nicolas, une bonne formation musicale et au clavier, autant que culturelle, ce qui lui permet de fréquenter plus tard les salons de l'aristocratie de Venise[1]. Il quitte sa ville natale en 1765[2], à quinze ans, pour Venise, située à moins de cinquantaine kilomètres au Sud. Grâce à la protection et aux conseils de Juseppo Morosini, noble influent et musicien amateur, il étudie à Venise avec les meilleurs musiciens du moment, tels que Gioacchino Cocchi, maître de chapelle de l’Ospedale degli Incurabili pour l'opéra, G. Paolocci, maître de chapelle de Santa Maria Gloriosa dei Frari pour la musique sacrée, Giuseppe Saratelli, maître de chapelle de Saint-Marc, pour la théorie[3], Ferdinando Bertoni et Baldassare Galuppi. Sa préparation théorique bénéficie des relations didactiques et artistiques qu’il entretient avec deux des théoriciens musicaux les plus avancés de l’époque : le père Francesco Antonio Vallotti (qui codifie la théorie de la dissonance) et le comte Giordano Riccati[2] (mathématicien, physicien acoustique, architecte… auteur d’un essai sur les lois du contrepoint[1],[4]. Début de carrièreSa carrière comme organiste et compositeur est fulgurante : à vingt ans, il est nommé dans la commission qui examinait les aspirants organistes, succédant à Ferdinando Bertoni à cette charge. À vingt-trois, il est organiste titulaire de San Salvatore, avec un salaire annuel de 90 ducats. Célèbre comme virtuose de l’orgue, on l’invitait pour l’inauguration de ces instruments (notamment, en 1768, le nouvel orgue de la basilique Saint-Antoine à Padoue[2]). Il compose de la musique pour clavier (orgue, clavecin), instrumentale, sacrée, pour le théâtre[2]. Il fut chargé de composer pour des événements importants, tels que la fête de Saint-Roch (1769) ou les funérailles solennelles du duc de Montealegre, ambassadeur espagnol à Venise (1771). Sa renommée se propage rapidement en Europe ; en 1763, il envoie à la cour du prince Esterházy, la première d’une série de symphonies qui se trouvent actuellement dans le catalogue Hoboken des œuvres de Haydn. Au printemps de 1765, son opéra bouffe L'isola della fortuna (livret de Giovanni Bertati) est représentée probablement au Hoftheater de Vienne et certainement à Venise (au théâtre San Samuele) et à Lisbonne au théâtre dell'Ajuda à l'automne 1767[3]. Leopold et Wolfgang Mozart, quinze ans, lui rendent visite lors du carnaval de [5] et Luchesi leur « prête » un de ses concertos pour clavecin ; Leopold le décrivant dans son journal comme maestro di cemballo[2],[6]. Le concerto est joué par Mozart, encore en [7] et son père et sa sœur (Nannerl) l'utilisent à des fins pédagogiques. Roberto Plano a redécouvert récemment la cadence que Mozart lui ajoutait. La même année 1771, Luchesi, parmi des symphonies, cantates, sonates, messes et autres œuvres, compose un Requiem pour les funérailles de José Joaquín de Montealegre, ambassadeur d'Espagne à Venise, décédé à la mi-avril[3]. Maître de chapelle à BonnÀ la fin de 1771, il part pour Bonn, à l’invitation du prince-électeur de Cologne Maximilian Friederich, qui désirait rehausser le niveau de sa chapelle musicale. Luchesi fait le voyage avec une petite équipe d’« experts », dont seul le premier violon Gaetano Mattioli, reste à Bonn jusqu’en 1784. Il dirige l'opéra à la cour, notamment Il mercato di Malmantile (1758) de Domenico Fischietti, en . Charles Burney de passage à Bonn à l'été 1772, y note que « son Altesse y maintient pendant l'hiver, à ses propres frais, une société pour l'exécution d'opéras comiques dans son palais, tous italiens »[3]. Le prince le nomme maître de chapelle (Kapellmeister) privé ; il s’agit d’un escamotage formel, car le poste de maître de chapelle de la cour est une charge à vie et il était impossible de remplacer celui en place. Très vite, la chapelle de Bonn est classée parmi les meilleures d’Allemagne[8] et d’Europe[9]. Après la mort du précédent maître de chapelle (Ludwig van Beethoven grand-père de Beethoven), Andrea Luchesi lui succède officiellement et est nommé Kapellmeister, le [2],[3]. La charge requiert la naturalisation de Luchesi. En 1775, il se marie avec Anthonetta d'Anthoin, fille d’un des principaux conseillers du Prince-Électeur[8] et d'une des grandes familles de Bonn. Le couple a cinq enfants : une fille Caterina et quatre garçons[10]. En 1774 également le théâtre de la cour est fermé. La plupart des artistes italiens qui accompagnaient Luchesi, sont repartis. En est fondé le théâtre national, où son présenté des Singspiel allemands et Neefe en devient le directeur. En 1776, est créé à la cour, son oratorio La passione di Gesù Cristo sur un livret de Métastase, mis en musique originellement par Caldara en 1730, puis par Jommelli (1749) et même par son ami et son exact contemporain Naumann en 1767 à Venise[8]. L'orchestre de Luchesi par rapport à ses prédécesseurs ou même Naumann est décrit par Claudia Valder-Knechtges[11] : « La Passione de Luchesi représente un exemple se référant à un niveau de développement plus tardif outre le récitatif secco qui est toujours accompagné par le violoncelle, la contrebasse et le clavecin, tout au long de la composition. La partie des cordes crée un fond sonore avec deux violons, l'alto et le groupe constituant la basse continue bien qu'aucune partie ne soit exécutée par les seules cordes. Dans le récitatif accompagnato, dans les airs et les chœurs, les cordes jouent avec des instruments à vent, toujours différents ». Son orchestre, à l'avant-garde, est déjà celui de Haydn et Mozart et dans l'ouverture on peut déceler des éléments beethovéniens[12]. Parmi les instruments à vent évoqués, figurent également la clarinette anticipant même Paisiello[13]. L'incendie de la chapelle de la cour le , met fin au cycle d'exécution des oratorios[14]. Malgré les limitations effectives du poste privé de l'opéra, de l'oratorio et de l'exécution de la musique instrumentale confié au premier violon, en 1782, Mozart, ami de l'électeur essaie de devenir Kapellmeister, sans y parvenir[15]. Andrea Luchesi reste à Bonn jusqu’à la fin de sa vie, avec une seule parenthèse en 1783–1784, lorsqu’il se rend à Venise — officiellement pour des problèmes de famille[1] — et aussi présenter son opéra Ademira (1784)[3]. La mort de l'électeur en , anticipe le retour de Luchesi. Il écrit une cantate pour son successeur, l'archiduc Maximilien François d'Autriche — frère cadet de Joseph II — intronisé le . Son salaire est abaissé de 1 000 à 600 florins, un peu moins que son ancien élève Reicha[3]. À la noël 1790, Haydn passe par Bonn pour se rendre en Angleterre, accompagné de Salomon, originaire de Bonn et ami de Luchesi. À l'occasion est joué une messe solennelle de Haydn à la demande du prince, qui le reçoit avec forces égards[16]. L’invasion des troupes françaises en , met fin à la cour de Cologne à Bonn ; Luchesi est mis à la retraite et passe d’une vie jusqu’alors aisée, à devoir surmonter la pauvreté et l'obscurité[2]. Parmi les nombreux élèves que Luchesi eut comme Kapellmeister à Bonn, on trouve Antonín Rejcha, Bernhard et Andreas Romberg, Ferdinand Ries et Beethoven[7],[1], le plus doué de tous. Beethoven reste à la chapelle comme assistant organiste, claveciniste et joueur d’alto pendant une douzaine d’années, jusqu’à son départ pour Vienne[2], alors âgé de vingt-et-un ans. Lorsque, pendant son absence en 1783, l’organiste de cour Christian Gottlob Neefe remplace provisoirement le Kapellmeister à la direction musicale de la chapelle, Luchesi charge Beethoven, âgé de douze ans, de prendre sa place à l’orgue. ŒuvreLe compositeur et musicologue Jean-Benjamin de La Borde écrivait vers 1780, au sujet de Luchesi : « Il jouit d'un avantage bien rare parmi les Italiens, c'est que ses symphonies sont recherchées et applaudies en Allemagne »[1],[17]. En 1806, un quart de siècle plus tard, l'abbé Giannantonio Moschini le porte toujours en éloge[18] : « il celebre Luchesi della Motta, che fu poi maestro di musica alla corte dell'elettore di Colonia (a Bonn), ove si maritò riccamente ed ove godette di ogni favore », soit : Le célèbre Luchesi de Motta, qui était alors professeur de musique à la cour de l'électeur de Cologne (à Bonn), où il s'est marié et où il a apprécié chaque faveur[1]. Or, non seulement ses symphonies, mais la plupart des œuvres qu’il a écrites, paraissent s’être volatilisées pendant presque deux siècles. Ces dernières années, des recherches de musicologues ont apporté de plus en plus de preuves à l’hypothèse que cette disparition était due à une combinaison de faits et coutumes du XVIIIe siècle et d’une tentative organisée d’effacement[1]. Pour ce qui est des coutumes, par exemple, la cession par un compositeur à un acheteur d’une œuvre avec le droit pour l’acheteur de l’utiliser comme sienne était d’usage assez courant. Luchesi à partir de 1763 délivre plusieurs travaux au prince Esterházy ou directement à Joseph Haydn. Pour ce qui concerne l’activité d’un Kapellmeister, l’usage voulait qu’il écrive gratuitement des travaux pour la chapelle, conservés comme œuvres anonymes, attribuées à son nom après la fin de son mandat (pour démission ou décès). Luchesi respecte formellement la règle, car on ne trouve pas de travaux à son nom après 1774 — avec quelques exceptions, comme pour la visite à Venise. Enfin, certains éditeurs n’hésitaient pas, au lieu du nom du véritable auteur, à publier des œuvres sous le nom de compositeurs qu’ils estimaient plus rentables. Pour ce qui est des faits : au moment de la nomination de 1774, il y eut très probablement un accord entre Luchesi et l’Électeur Maximilian Friederich, aux termes duquel Luchesi pouvait (en dehors de ses devoirs de composition pour la chapelle) faire circuler des œuvres, sous le nom de Ferdinand d’Anthoin (son beau-frère) ou de Haydn, qu’il pouvait vendre librement. En 1784, le successeur, Max Franz, fait une tentative pour remplacer Luchesi, par son ami et protégé Mozart, mais sans succès[1]. Luchesi doit toutefois apparemment négocier un nouvel accord, sous lequel les travaux « hors chapelle » devaient être fournis sous le nom de Mozart. Le nom de Ferdinand d’Anthoin, réapparaît entre 1791 et la fin de 1793, dates respectives du décès de Mozart et d’Anthoin. Max Franz se lance aussi un inventaire des archives musicales de la cour de Bonn. Neefe le termine au début de , juste avant le retour à Bonn de Luchesi. En , les archives sont transportées au château de Bad Mergentheim, quelque temps avant l’arrivée des troupes françaises. Finalement, une grande partie de ces documents sont versés à la bibliothèque (Biblioteca Estense)[2] du duc de Modène, vers 1836[1]. On trouve par exemple des manuscrits d'œuvres symphoniques à Stockholm, Dresde et Prague et d'opéra à Lisbonne[2]. Sonate pour orgue en ré majeur — manuscrit conservé au conservatoire Benedetto Marcello à Venise,attribuée aussi à Bernardo Maggi à Naples en 1764. Les archives personnelles de Luchesi ont aussi disparu, dispersée par sa fille Catherine, en 1826[3]. En attendant d’autres progrès de la recherche musicologique en cours, on peut considérer son œuvre selon les groupements suivants : Œuvres identifiées
Musique de scène
Musique sacrée
Musique de circonstance
Musique instrumentale
Luchesi — Concerto pour clavecin en fa majeur (c.1773) Partitions modernes
Discographie
Notes et références
AnnexesBibliographieOuvrages anciens
Ouvrages et articles modernes
Liens externes
|