Alexeï Gorinov
Alexeï Gorinov, né le à Moscou, est un homme politique et opposant russe, élu municipal de l’arrondissement de Krasnosselski à Moscou. Le , Gorinov est condamné à sept ans d’emprisonnement au titre de l’article 207.3 du Code pénal russe, après avoir dénoncé l’invasion russe en Ukraine. Il est reconnu comme un prisonnier politique. BiographieÉtudesNé le 26 juillet 1961 à Moscou, il est diplômé de l'université d'État de géodésie et de cartographie de Moscou en 1984 et de l'université de droit d'État Koutafine de Moscou en 2004[1]. Engagement politiqueDe 1990 à 1993, Gorinov est élu municipal de l’arrondissement de Dzerjinski à Moscou. Depuis 2017, il représente l’arrondissement de Krasnosselski en tant que député indépendant, soutenu par le mouvement Solidarnost dont il est membre[1]. Opposition à l'invasion de l'Ukraine et condamnationRéunion des députés du conseil municipalLe 15 mars, peu de temps après le début de l’invasion russe, les élus du Conseil des députés municipaux de Krasnosselski évoquent, lors de la 5e réunion du Conseil consacré à l’approbation du calendrier consolidé des événements pour le deuxième trimestre de 2022[2], l’organisation d’un concours de dessins pour enfants[3]. Gorinov s’exprime sur l’organisation de ce concours, dans le contexte de la guerre en Ukraine, qui ressemblerait à « une fête pendant la peste »[réf. nécessaire]. Au cours de la réunion, Gorinov qualifie aussi le conflit en Ukraine de « guerre » et non d'« opération militaire spéciale », et affirme que des enfants meurent chaque jour[4]. Il prononce le discours suivant [5][source secondaire nécessaire]:
Il est soutenu par la chef de la municipalité Elena Kotionotchkina qui, peu de temps après, doit quitter la Russie en raison d'une procédure pénale engagée contre elle[6]. Procédure pénalePour son discours considéré par le pouvoir russe comme « anti-guerre », Gorinov est accusé au titre de l’article 207.3 du code pénal russe, qui sanctionne la « diffusion d'informations sciemment fausses sur les actions des forces armées russes avec circonstances aggravantes ». Selon l’enquête, le crime est commis avec préméditation, par abus de fonction, pour des raisons de haine ou d'hostilité[7]. Le , Gorinov est arrêté et son domicile fouillé. Les locaux du conseil municipal sont perquisitionnés. L’enquête dure 5 jours, du 26 avril au 1er mai[7]. La première audience publique a lieu le 1er juin au tribunal de l’arrondissement de Mechtchanski à Moscou. Le procureur demande une prolongation de 6 mois de la détention de Gorinov. Celui-ci dit souffrir de la tuberculose et affirme que le centre de détention provisoire lui refuse un traitement médical. Malgré ce fait, le juge satisfait la demande de prolongation de la détention[7]. Le procès de Gorinov se déroule partiellement à huis clos. Le procureur estime que les spectateurs et les journalistes pourraient exercer une pression psychologique sur les témoins de l’accusation[7]. Le procureur affirme également que Gorinov et Kotionotchkina sont délibérément de connivence pour « discréditer » l'armée russe au cours de la réunion des députés municipaux[7]. Dans sa défense de Gorinov, son avocat déclare que les exigences de ne pas qualifier l’« opération militaire spéciale » comme étant une guerre ne s’appliquent qu’aux médias et qu’aucune loi n’oblige les Russes à s’y conformer[réf. nécessaire]. Le , la juge Olesya Mendeleïeva condamne Gorinov à une peine de sept ans, à exécuter dans une colonie pénitentiaire de sécurité moyenne. Lors de l’une des audiences, Gorinov condamne ouvertement l'invasion russe en Ukraine. Il déclare [8]:
Le 19 septembre 2022, en raison d’une modification de l’accusation, la peine d’Alexeï Gorinov est réduite d’un mois pour atteindre 6 ans et 11 mois. La charge selon laquelle un « groupe de personnes » (comprenant Gorinov et Kotionotchkina) auraient agi par conspiration préalable est retirée[9]. En prononçant son dernier mot, il s’excuse auprès du peuple ukrainien pour ne pas avoir réussi à arrêter la guerre et évoque également que la possibilité de poursuivre les personnes ayant des visions pacifistes est « une honte pour [la Russie] »[10]. A la fin novembre 2022, Gorinov est transféré à la colonie pénitentiaire « IK-2 » dans l'oblast de Vladimir. Le militant Konstantin Kotov et le politicien Alexeï Navalny y ont notamment purgé une partie de leurs peines. L'avocate Maria Eismont, de l'affaire Kotov, visite aussi à plusieurs reprises cette colonie pénitentiaire. Elle estime que le personnel fait tout son possible pour priver les prisonniers politiques qui y sont enfermés d’une assistance juridique[11]. Sentence et réactionsEn 2022, le projet indépendant de défense des droits de l’homme « Soutien des prisonniers politiques. Memorial » reconnaît Alexeï Gorinov comme prisonnier politique[12]. Selon Bruce Millar, directeur adjoint pour l'Europe de l'Est et l'Asie centrale à Amnesty International [13]: « La condamnation d’Alexeï Gorinov est inadmissible. Il s’agit de représailles illégales infligées parce qu’il a exprimé ses opinions, et non d’une application de la justice. Alexeï Gorinov n’a commis aucune infraction reconnue au niveau international en qualifiant la guerre lancée par Vladimir Poutine contre l’Ukraine de guerre criminelle. ». D’après Marina Litvinovitch, défenseuse des droits de l’homme, la condamnation de Gorinov vise à intimider les députés et autres fonctionnaires pour qu’aucun représentant du gouvernement n’ose dire quoi que ce soit contre la guerre[7]. Gorinov lui-même estime que le montant de la sanction fixé par le tribunal est disproportionné par rapport à l'ampleur des dommages causés à l'Ukraine par la Russie [14]:
. Dégradation de son état de santéAvant sa détention, Gorinov est sujet à des problèmes de santé, dus à une opération des poumons subie plusieurs années auparavant. Les conditions d'emprisonnement ainsi que l'impossibilité d'obtenir une aide médicale de qualité détériorent encore son état de santé. Le , il tombe malade. Deux jours passés à l'infirmerie n’améliorent pas son état, Alexeï ayant toujours une forte fièvre et le souffle court[15]. Après un tollé général, l'administration pénitentiaire accepte de transférer Alexeï à l'hôpital de la colonie pénitentiaire n° 3 dans l'oblast de Vladimir, selon Radio Svoboda[16]. L'hôpital fait partie d'une colonie connue pour sa pratique de la torture. L'homme politique Alexeï Navalny y est également été transféré pour y être soigné en avril 2021[17]. Le , Alexeï Gorinov est condamné à trois années supplémentaires de prison, pour accusation « d'apologie du terrorisme »[18]. Reconnaissance internationaleEn novembre 2022, Gorinov reçoit le prix Magnitski, décerné depuis 2015 à des personnes qui ont contribué à la lutte pour la défense des droits de l'homme[19]. Début janvier 2023, 34 membres du Parlement européen signent une lettre ouverte en soutien à Gorinov où ils expriment leur solidarité avec le député dans son désir d'une Russie libre et pacifique[20]. Les 20 et 21 janvier, des actions en soutien aux prisonniers politiques en Russie ont eu lieu dans plus de 20 pays, mentionnant notamment Alexeï Gorinov[21]. En février 2023, en réponse à une plainte déposée par des défenseurs des droits de l'homme, l'ONU demande la libération immédiate d'Alexeï Gorinov et exige des autorités russes l'ouverture d'une enquête indépendante[22]. Références
Voir aussiLiens externesArticles connexes |