Absorption et dispersion du son dans l'atmosphère constituent les mécanismes qui affaiblissent l'énergie transportée par une onde sonore ou déforment celle-ci. Ces mécanismes viennent se superposer à la simple atténuation géométrique liée à la propagation d'une onde non plane, liée à l'augmentation de la surface d'onde associée.
Dans la partie monophasique de l'atmosphère ces effets sont liés aux phénomènes de transport : viscosité et conduction thermique, la diffusion ne jouant qu'un rôle mineur. Les phénomènes de déséquilibre vibrationnel sont importants. La diffusion est au contraire importante dans la partie diphasique (nuages et brouillard) avec le changement de phase eau-vapeur et, là aussi, la conduction thermique.
Composition de l'atmosphère
La composition de l'atmosphère est sensiblement constante jusqu'à une altitude voisine de 90 km, au moins pour les espèces majeures : diazote 78,1 %, dioxygène 21,0 %, argon 0,9 % pour l'air sec. Il faut ajouter une part de vapeur d'eau très variable, que l'on caractérise par l'humidité relative qui est un paramètre du problème :
où est la pression partielle de vapeur d'eau et la pression de vapeur saturante donnée par diverses lois empiriques comme celle de l'International Association for the Properties of Water and Steam[1].
La vapeur d'eau a un effet important dans l'absorption de même que l'ozone et le gaz carbonique, molécules qui n'existent cependant qu'en très faible quantité et n'ont donc au final qu'un effet faible.
À haute altitude azote et oxygène sont dissociés par le rayonnement solaire, l'hélium et l'hydrogène augmentent avec l'altitude (voir figure). On utilise pour les données le modèle MSIS ( Mass Spectrometer and Incoherent Scatter radar) du Naval Research Laboratory[2].
L'état de chacune des espèces est caractérisé par les températures suivantes : translation , rotation et vibration .
Les molécules diatomiques sont caractérisées par une seule énergie vibrationnelle caractéristique ou, de manière équivalente, par leur température vibrationnelle caractéristique où est la constante de Boltzmann. Pour le dioxygène et le diazote et [3].
L'énergie interne de chaque molécule est la somme des énergies de chaque mode. Ici, compte tenu de l'égalité de l'énergie de rotation et de l'énergie de translation, cette énergie s'écrit en utilisant la distribution de Boltzmann :
le coefficient d'absorption . Celui-ci donne la variation de l'amplitude de la pression en milieu éventuellement inhomogène en fonction de la distance pour une onde plane sinusoïdale
Absorption thermo-visqueuse
Si l'on prend en compte les seuls effets liés à la viscosité et à la conduction thermique la relation de dispersion s'écrit[4],[5], :
La vitesse de phase est et le coefficient d'absorption est donné par la loi de Stokes-Kirschhoff
où est la pression.
Tous ces coefficients de transport relatifs à un mélange gazeux sont calculables à partir de diverses approximations[6] et on fait l'objet de relations empiriques[7]. En utilisant ce type d'approximation numérique on trouve l'expression approchée suivante (unités SI)[7] :
La variation du coefficient d'absorption avec le carré de la fréquence fait que seules les faibles fréquences, en particulier les infrasons, sont transportées sur de grandes distances.
Absorption et dispersion vibrationnelle
Les faibles longueurs d'onde sont également absorbées par des mécanismes moléculaire d'échanges vibration-translation et vibration-vibration[8]. Lorsque les temps caractéristiques pour un retour à l'équilibre vibrationnel des molécules d'oxygène ou d'azote sont du même ordre de grandeur que la période de l'onde on observe un phénomène de relaxation résonant. Ce phénomène, parfois baptisé effet Kneser[9], est à l'origine d'une absorption par échanges d'énergie mais également d'une dispersion par un phénomène de retard dû au processus moléculaire. Ces effets sont très sensibles aux échanges avec la vapeur d'eau ou l'ozone.
est le temps de relaxation vibrationnelle donné, par exemple, par la loi de Landau-Teller. On utilise de façon équivalente une fréquence de relaxation .
Absorption
Le coefficient d'absorption déduit de la relation de dispersion vaut :
est maximum pour .
Les fréquences de relaxation sont données sous forme d'approximation numérique. On obtient (unités SI)[7] :
Et pour le coefficient d'absorption :
où est choisi comme paramètre d'approximation en référence à la loi de Landau-Teller. La viscosité dynamique est donnée par la loi de Sutherland et .
Cet effet est négligeable pour des fréquences supérieures à 10-100 kHz suivant l'humidité relative. En deçà de 1-10 kHz il est prépondérant. Il est donc dominant pour les infrasons. Sa faible valeur est liée à celle du quotient .
Dispersion
La vitesse de phase déduite de l'équation de dispersion est donnée par :
Cette quantité caractérise la dispersion du signal, c'est-à-dire sa déformation au cours de la propagation.
Absorption et dispersion par les nuages
Un nuage est typiquement constitué de gouttes d'eau ou de glace. Il est caractérisé par sa tranche d'altitude, son contenu en eau liquide et la distribution statistique des tailles de gouttes[10]. Dans le cas d'une phase liquide il peut être modélisé comme un milieu polydispersé de gouttelettes sphériques d'eau supposées de taille petite devant la longueur d'onde, entourées de vapeur.
La prise de moyenne volumique permet d'écrire les équations du milieu qui sont alors linéarisées pour obtenir un système acoustique sur lequel on applique des perturbations sinusoïdales d'où l'on déduit une relation de dispersion.
Le changement de phase, le déplacement de la particule au passage de l'onde, la convection associée, la diffusion air-vapeur d'eau et les échanges thermiques conduisent à une absorption infrasonore supérieure à l'absorption en milieu monophasique et à une dispersion importante des très basses fréquences < 0.1 Hz[11],[12].
Effets de la turbulence
La turbulence liée à la couche limite atmosphérique a pour effet d'introduire une dispersion aléatoire sur le signal transmis. Cet effet s'explique aisément par les fluctuations de vitesse du son liées aux variations temporelles locales. Il est possible de calculer ce bruit moyennant diverses hypothèses restrictives : turbulence homogène et isotrope décrite par la loi de Kolmogorov, longueur d'onde du signal petite devant la plus petite longueur caractéristique de la fluctuation du milieu (le milieu est figé pendant la propagation du signal). Cette longueur caractéristique étant de l'ordre de quelques dizaines de mètres, la théorie ne s'applique pas aux infrasons.
Le calcul d'un rayon acoustique négligeant sa déviation peut être mené en ne prenant en compte que les fluctuations de vitesse et en décomposant le spectre de ces fluctuations en série de Fourier. Il conduit à une valeur efficace de la phase du signal donnée par[9] :
où est la fréquence et la distance à la source. La constante est sensiblement proportionnelle à la valeur moyenne du vent.
Un second effet a été constaté expérimentalement : c'est une atténuation du niveau du signal transmis, effet qui a été baptisé « absorption additionnelle » (par rapport aux effets décrits ci-dessus). Cet effet est très difficile à caractériser car très dépendant de la turbulence, elle-même variable avec l'altitude pour des conditions météorologiques données[Note 2]. L'interprétation fait appel à la diffraction de l'onde due aux gradients locaux[13]. Il ne s'agit donc pas d'une absorption au sens propre du terme.
Notes et références
Notes
↑Plus généralement la démarche est valide si on suppose une longueur d'onde petite devant toute dimension caractéristique du milieu.
↑La plus petite durée caractéristique de variation d'une situation météorologique est de l'ordre de quelques minutes.
Références
↑(en) W. Wagner et A. Pruß, « The IAPWS formulation 1995 for the thermodynamic properties of ordinary water substance for general and scientific use », Journal of Physical and Chemical Reference Data, vol. 31, no 2, , p. 387-535 (lire en ligne)
↑(en) J. M. Picone, A. E. Hedin, D. P. Drob et A. C. Aikin, « NRLMSISE-00 empirical model of the atmosphere: Statistical comparisons and scientific issues », Journal of Geophysical Research: Space Physics, vol. 107, no A12, , p. 1468 (lire en ligne)
↑(en) L. E. Kinsler, A. R. Frey, A. B. Coppens et J. V. Sanders, Fundamentals of Acoustics, John Wiley & Sons, (lire en ligne)
↑(en) Duffa G., Ablative Thermal Protection Systems Modeling, Reston, VA, AIAA Educational Series, , 431 p. (ISBN978-1-62410-171-7).
↑ ab et c(en) L. C. Sutherland et H. E. Bass, « Atmospheric absorption in the atmosphere up to 160 km », The Journal of Acoustical Society of America, vol. 115, , p. 1012-1032
↑Raymond Brun, Introduction à la dynamique des gaz réactifs, Cépaduès,
↑(en) H. R. Pruppacher et J. D. Klett, Microphysics of Clouds and Precipitations, Kluwer Academic Publishers,
↑(en) D. A. Gubaidullin et R. I. Nigbatulin, « On the theory of acoustic waves in polydispersed gas-vapor-droplet suspensions », International Journal of Multiphase Flow, vol. 26, no 2, , p. 207-228 (lire en ligne)
↑(en) M. Baudouin, F. Coulouvrat et J.-L. Thomas, « Sound, infrasound, and sonic boom absorption by atmospheric clouds », Journal of Acoustical Society of America, vol. 130, no 3, , p. 1142-1153 (lire en ligne)
↑(en) Richard de Loach, On the Excess Attenuation of Sound in the Atmosphere, NASA Technical Note D-7823, (lire en ligne)