En 2019, il est élu professeur au Collège de France sur la chaire Littératures comparées[2]. Le , il prononce sa leçon inaugurale, « Vivre dans la bibliothèque du monde »[3],[4].
Radio
Durant l'été 2023, il produit la série d'émissions radiophoniques Un été avec don Quichotte[5], diffusée sur France Inter.
Mention dans l'affaire Fillon
Le 25 janvier 2017, alors qu'éclate l'affaire Fillon, Le Canard enchaîné révèle que la brève note de lecture sur l'ouvrage de William Marx, Le Tombeau d'Œdipe. Pour une tragédie sans tragique, parue en 2012 dans la Revue des Deux Mondes sous la signature de « Pauline Camille », a été fournie par Penelope Fillon, dans le cadre d'un emploi présumé fictif[6],[7],[8].
Éditeur des œuvres de Paul Valéry[16] et T. S. Eliot[17], William Marx travaille sur l’évolution, dans la longue durée, des systèmes esthétiques et du statut de la littérature depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours et sur leur variation selon les cultures, avec des recherches portant entre autres sur la tragédie grecque et sur le nô japonais comme sur le modernisme européen[18].
Dans Naissance de la critique moderne, il décrit le formalisme, dans la critique littéraire, comme un moment historiquement situé, avec des prémices localisables (à la fin du XIXe siècle, dans la philosophie et l'histoire de l'art), et une fin probable (à la charnière des XXe et XXIe siècles). Indépendamment du développement de l'école formaliste russe autour notamment de Roman Jakobson et de Victor Chklovski, des poètes critiques majeurs tels que T. S. Eliot et Paul Valéry jouèrent en Europe occidentale un rôle moteur pour inspirer une conception formaliste de l'œuvre littéraire qu'allaient défendre à leur tour le New Criticism anglo-saxon et la Nouvelle Critique française[19],[20]. Cette conception formaliste de l'œuvre littéraire, dirigée contre le biographisme et l'impressionnisme alors dominants dans la critique, a représenté une avancée majeure dans le développement d'une science positive de la littérature, la difficulté actuelle consistant à sauvegarder cet apport positif après l'épuisement du mouvement formaliste historique[21].
Une part importante de la réflexion de William Marx porte sur la manière d'écrire l'histoire, et en particulier celle de la littérature et des arts. Dans Les Arrière-gardes au XXe siècle, qui fut « peut-être le premier défi majeur lancé à la façon d'envisager la littérature française de l'intérieur[22] », il propose de rendre visibles les mouvements d'arrière-garde, qui forment d'habitude le point aveugle de tout récit historique de la modernité esthétique, en général conçue comme un mouvement irrésistiblement lancé sur la voie du progrès et appuyé sur les avant-gardes. Or, il montre qu'avant-gardes et arrière-gardes forment, comme d'une médaille, les deux faces d'une même interrogation artistique sur les impasses de l'histoire : elles partagent la « même quête d’une fidélité supérieure à la tradition »[23], dont elles tâchent de réparer les pannes et déviations intempestives et de colmater les solutions de continuité. Une histoire de l'art et de la littérature est incompréhensible si l'on ne prend pas en compte l'existence des mouvements d'arrière-garde[24].
Alerté par les gestes spectaculaires d'adieu à la littérature accomplis par certains écrivains au tournant des XIXe et XXe siècles (Arthur Rimbaud, Paul Valéry, Hugo von Hofmannsthal, notamment), William Marx montre dans L'Adieu à la littérature qu'entre les XVIIIe et XXe siècles le statut de la littérature a profondément changé, selon trois phases successives : expansion (ou canonisation), autonomisation et enfin dévalorisation (ou dépréciation), et que ce cycle prélude à un changement de paradigme de la littérature, actuellement en cours[25].
Il poursuit dans La Haine de la littérature cette réflexion sur l'histoire de l'idée de littérature en s'intéressant, sur une longue période allant de l'Antiquité classique au XXIe siècle, aux attaques lancées contre la littérature depuis des positions externes (et non pas du sein même de la littérature, comme dans L'Adieu à la littérature) : philosophes, théologiens, pédagogues, scientifiques, hommes politiques, etc. Il montre la remarquable stabilité au fil des siècles des arguments avancés contre la littérature, qui s'organisent selon quatre procès principaux : au nom de l'autorité, de la moralité, de la vérité et de la société. Au bout du compte, si quelque chose définit la littérature sur une si longue période, c'est son illégitimité par rapport à tous les discours établis et méthodiques ; elle agit, mais sans règle ni protocole : « La littérature est le discours illégitime par excellence[26],[27],[28]. »
Dans le cadre de cette histoire longue de l'idée de littérature, William Marx élabore dans Vie du lettré une réflexion sur le concept de lettré en mettant en évidence à travers une « biographie collective[29],[30] » des lettrés la permanence transhistorique et transculturelle de pratiques érudites et lettrées, qui, de l'Antiquité jusqu'au XXe siècle et de l'Extrême-Orient jusqu'à l'Europe, témoignent d'un rapport particulier au texte écrit bien antérieur à l'idée moderne de littérature. L'étude des textes, leur collecte, leur transmission, leur rédaction imposent à ceux qui s'y engagent un certain mode de vie commun à toutes les cultures fondées sur l'écrit, et autour duquel s'est constituée depuis des millénaires une « mythologie[31] » dont on peut reconstituer les traits saillants, liés à tous les aspects de la vie quotidienne : naissance, éducation, maison, alimentation, sexualité, mort, etc. À bien des égards, l'idée moderne de littérature s'est développée dans une confrontation ambivalente et souvent ironique avec cette vie lettrée[32].
Dans son travail sur la réception moderne de la tragédie grecque, Le Tombeau d'Œdipe, William Marx explique que le concept de tragique, élaboré par la philosophie allemande à partir de quelques pièces emblématiques, a peu à voir avec la réalité des tragédies qui furent représentées à Athènes[33]. Par une comparaison interne au corpus d'Euripide entre les tragédies dites « alphabétiques » et celles qui furent choisies par les grammairiens antiques, il montre que l'échantillon des trente-deux tragédies grecques complètes parvenues jusqu'à nous est de nature biaisée, privilégiant les tragédies qui finissent mal alors qu'en réalité une grande partie, sinon la majorité des tragédies représentées à Athènes finissaient bien[34].
Parallèlement, à partir d'une introspection de nature autobiographique, il développe dans Un savoir gai une réflexion de type phénoménologique, critique et « politique, questionnant l’hétérocentrisme indéfectible de la société[35] », en examinant comment une orientation sexuelle différente, de caractère homosexuel, est capable d'informer profondément l'expérience intellectuelle et de produire de la connaissance[36].
Dans sa leçon inaugurale du Collège de France, Vivre dans la bibliothèque du monde, il propose « une défense de la bibliothèque mondiale, qu’il oppose à la littérature mondiale. Cette dernière voit le triomphe du sujet, du présentisme, et sélectionne les chefs‑d’œuvre (notion problématique s’il en est) qui survivent à la traduction. La bibliothèque du monde, au contraire, transforme et inquiète le lecteur ; reflet de la singularité de chaque culture, elle valorise les « minores » […] caractérisés par une forte altérité[37]. » Il s'agit de se montrer « capables de lire par‑delà la littérature[38] », et pour ainsi dire contre la littérature, car cette dernière est « la grande décontextualisatrice[38] » : elle défait les liens qui faisaient de l'œuvre un objet vital pour les communautés qui l'ont produite.
Dans Des étoiles nouvelles, William Marx retrace le parcours transculturel et transhistorique d'une seule et même image poétique, le surgissement d'étoiles nouvelles dans le ciel, depuis l'Antiquité classique jusqu'à José Maria de Heredia et Tintin, voire le groupe de rock Noir Désir, en passant par Marco Polo, Shakespeare, Keats, Mallarmé, Tolstoï et Lars von Trier[39],[40],[41]. Dans cet essai d'« astrocritique », il montre comment la même image recouvre des significations différentes, sinon opposées, selon les contextes culturels, scientifiques et géographiques, et comment l'utilisation de cette image accompagne les explorations du monde et les découvertes astronomiques[42],[43]. Par l'imagination des occurrences inexistantes ou perdues de cette image, celles qui n'ont pu être écrites ou transmises, ce travail se présente aussi comme une invitation à « décentrer le regard, […] voir le monde comme l’étranger venu de l’autre hémisphère[44] »[45].
Ouvrages
Naissance de la critique moderne. La littérature selon Eliot et Valéry (1889-1945), Artois Presses Université, 2002
↑William Marx, « T. S. Eliot’s Notes on Bergson’s Lectures at the Collège de France (1910-1911) – Notes de T. S. Eliot sur le cours de Bergson au Collège de France (1910-1911) », Annales bergsoniennes, (lire en ligne, consulté le )
↑Paul Gifford, « Review of Naissance de la critique moderne: la littérature selon Eliot et Valéry », The Modern Language Review, vol. 99, no 3, , p. 856–857 (ISSN0026-7937, DOI10.2307/3739108, lire en ligne, consulté le )
↑Marie Gueden, « Vingt-quatre heures de la vie d’un lettré ou la vie secrète du lettré : un essai de biographie collective », Acta fabula, no vol. 11, n° 3, (ISSN2115-8037, lire en ligne, consulté le )
↑Alexandre Gefen, « Portrait de l’intellectuel en sinthome », Acta fabula, no vol. 11, n° 5, (ISSN2115-8037, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Johanna Hanink, « SOPHOCLES' OC AND ATHENIAN TRAGEDY - (W.) Marx Le tombeau d'Œdipe. Pour une tragédie sans tragique. Pp. 206. Paris: Les Éditions de Minuit, 2012. Paper, €16 (ISBN978-2-7073-2201-2). », The Classical Review, vol. 64, no 1, , p. 31–33 (ISSN0009-840X et 1464-3561, DOI10.1017/S0009840X13002205, lire en ligne, consulté le )
↑« William Marx : agitateur des lettres », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑William Marx, Perrine Coudurier et Matthieu Vernet, « Autour des étoiles », Acta fabula, no vol. 22, n° 3, (ISSN2115-8037, lire en ligne, consulté le )
↑François Taillandier, « Écouter les mots », sur humanite.fr, (consulté le ).
↑Dossier sur La Haine de la littérature dans Romanische Studien : contributions de Alexandre Gefen, Jan Baetens, Guillaume Navaud, Olivier Guerrier, Alexandre Prstojevic et William Marx.
↑Jean-Claude Perrier, « Ecce homo », sur livreshebdo.fr, (consulté le ).