Ville du quart d'heureLa ville du quart d'heure est le modèle d'une ville où tous les services essentiels sont à une distance d'un quart d'heure à pied ou à vélo, concept relancé sous cette dénomination en 2015 par Carlos Moreno, un urbaniste franco-colombien né en Colombie en 1959[1], avec l'objectif de réduire les transports motorisés et ainsi de limiter la pollution de l'air, le bruit et les dangers de la circulation et les émissions de gaz à effet de serre[2]. Dans le passé, d'autres architectes proposèrent des concepts similaires comme Le Corbusier mais le développement de l'automobile mit un arrêt à leurs projets. HistoriqueCe concept propose une (ré-)organisation urbaine permettant à tout habitant d'accéder à ses besoins essentiels de vie en 15 minutes de marche ou vélo à partir de son domicile[3]. Il se fonde sur les travaux antérieurs du planificateur américain Clarence Perry — dans les années 1900 — « l'unité de quartier ». En 1961, une défenseuse plus connue fut Jane Jacobs et son livre historique - La mort et la vie des grandes villes américaines[4] L'urbaniste franco-colombien Carlos Moreno a donné un nouvel élan au concept. La maire de Paris, Anne Hidalgo, l'a adopté en janvier 2020[5], et il était au cœur du programme de la candidate aux municipales de 2020. Le réseau mondial des villes pour le climat, le C40 Cities Climate Leadership Group[6] se promeuvent aussi, en mai 2020, en réponse à la crise climatique et aux effets urbains de la crise de la pandémie de Covid-19. D'autres capitales (ex. : Montréal ou Milan et le réseau de villes C40 associé pour lutter contre le réchauffement climatique) intègrent aussi cet objectif[7]. ConceptLa ville du quart d'heure[8] est une proposition de développement d'une ville polycentrique, où la vie en proximité assure une mixité fonctionnelle et développe les interactions sociales, économiques et culturelles. Ce concept est fondé sur un modèle ontologique de la ville pour répondre à leurs besoins à partir de 6 catégories de fonctions sociales[9]: habiter, travailler, s'approvisionner, se soigner, s'éduquer, s'épanouir. Elle est guidée par trois idées majeures :
Les villes de quart d'heure sont également connues sous le nom de « communautés complètes » ou de « quartiers accessibles à pied »[11]. Ce modèle urbanistique fait, selon Georgia Pozoukidou et Zoi Chatziyiannaki (2021), partie de ceux qui sont « centrés sur le quartier, qui peuvent être condensées dans leur portée générale comme « étant des lieux capables de reconnecter les gens aux territoires locaux et de localiser la vie urbaine (...) En termes de planification physique, les villes du quart d'heure sont fortement basés sur des attributs qui ont été utilisés à plusieurs reprises comme fleurons de la conception dans le passé, à savoir l'accessibilité, le potentiel piétonnier, la densité, la diversité de l'utilisation des terres et la diversité de la conception. L'élément nouveau est que les villes du quart d'heure placent la notion de proximité vis à vis des ressources, plutôt que d'accessibilité aux ressources, au cœur de leurs politiques d'aménagement du territoire et d'aménagement des transports ».[réf. souhaitée] ModèlesEn 1953, Le Corbusier crée la ville de Chandigarh, la ville des 10 minutes[12]. Si Carlos Moreno a proposé le concept de ville du quart d'heure en 2015[13],[14], d'autres auteurs ont proposé différents travaux dans le domaine du « chrono-urbanisme ». En France, François Ascher a été l'un des précurseurs de travaux explorant la relation entre le temps et la qualité de vie[15]. Moreno et la ville du quart d'heureDans leur texte de 2020, Moreno (et al. )[16] présentent le concept de la ville du quart d'heure comme un moyen de garantir que les résidents urbains puissent remplir six fonctions essentielles (vie, travail, commerce, soins de santé, éducation et divertissement) à moins de 15 minutes de marche ou de vélo de leur logement. Le cadre de la ville de 15 minutes de ce modèle comporte quatre composantes : la densité, la proximité, la mixité et l'ubiquité[17]. Citant les travaux de Nikos Salingaros[18], qui postule qu'il existe une densité optimale pour le développement urbain qui encouragerait les solutions locales aux problèmes locaux, Moreno et son équipe de recherche à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne abordent[19]. Weng et le quartier accessible en 15 minutes à piedDans leur article[20] de 2019 utilisant Shanghai comme étude de cas, Weng et al. proposent le quartier accessible à pied en 15 minutes en mettant l'accent sur la santé, et plus particulièrement sur les maladies non transmissibles[21]. Da Silva et la ville à 20 minutesDans leur article[22] de 2019 utilisant Tempe, en Arizona, comme étude de cas, Da Silva et al. proposent la ville de 20 minutes, où tous les besoins pourraient être satisfaits en 20 minutes par la marche, le vélo ou le transport en commun. ExemplesParmi les diverses villes au monde inspirées par la ville du quart d'heure. AsieEn 1953, Le Corbusier construit sa ville idéale Chandigarh tout soit accessible à moins de 10 minutes à pied : école, dispensaire, centre médical, bureau de poste[12]. L'autorité des transports de Singapour, la Land Transport Authority, a proposé en 2019 un plan directeur pour 2040[23] incluant les objectifs des « villes de 20 minutes et 45 minutes ». EuropeEn 1945, Le Corbusier propose un plan de reconstruction de Saint-Dié-des-Vosges rejeté par la population car trop novateur[24],[25]. La mairesse de Paris, Anne Hidalgo, a introduit le concept de la ville en 15 minutes pendant sa campagne de réélection de 2020, et a commencé à le mettre en œuvre pendant la pandémie de Covid-19. Le maire de Milan, Giuseppe Sala[26], a lancé depuis mai 2020 un ambitieux projet de sortie de la pandémie donnant une place centrale à la ville du quart d'heure. Le 14 septembre 2020, le Conseil municipal de Dublin a adopté son programme Dublin 15-Minute City[27]. La ville de Valence, troisième ville d'Espagne, a lancé son programme en novembre 2020[28]. Cagliari, une ville de l'île italienne de Sardaigne, a lancé un plan stratégique municipal[29] pour revitaliser la ville et améliorer la marchabilité et s'inspirant de la ville du quart d'heure. Louvain-la-Neuve, une ville belge dont la construction débuta au début des années 70 pour accueillir l'Université Catholique de Louvain (UCLouvain) été pensée dès le départ comme une ville majoritairement piétonne. Elle rencontre de fait les caractéristiques de la ville du quart d'heure bien que sa création est de plus de 40 ans antérieure à la formalisation du concept. Amérique du NordEn 2012, la ville de Portland, Oregon, aux États-Unis, a élaboré un plan pour des quartiers complets dans la ville, qui visent à soutenir les jeunes, à fournir des logements abordables, à promouvoir le développement communautaire et le commerce dans les quartiers historiquement mal desservis. Aujourd'hui, le programme 20-Minute Neighborhoods se projette à l'horizon 2030 pour que 90% des habitants de Portland puissent facilement se déplacer à pied ou à vélo pour satisfaire tous leurs besoins quotidiens de base, hors travail[30]. La ville d'Ottawa, capitale du Canada, a lancé en 2020 son plan stratégique 15-Minute Neigborhood, pour accéder à la plupart de besoins quotidiens à moins de 15 minutes de marche du domicile[31]. OcéanieMelbourne a élaboré le « Plan Melbourne 2017-2050 » pour répondre à la croissance et lutter contre l'étalement urbain. Ce plan met en œuvre le concept de 20-minute neighborhood[32]. CritiquesDe nombreuses villes ont mis en œuvre des politiques inspirées de la ville du quart d'heure, mais les avis restent partagés quant à la transposition du modèle. Critiques
Critiques complotistesAu printemps 2023, une vague de violentes critiques, y compris s'attaquant à la personne et à la famille de Carlos Moreno, s'est étendue sur les réseaux sociaux. Portée par des groupes complotistes et libertariens de droite anglais : elle affirmait que cette « ville du quart d'heure » serait — selon eux —, une manière de vouloir priver les individus de leur liberté de se déplacer.
SoutiensDeux chercheurs grecs, Pozoukidou et Chatziyiannaki (2021), montrent que si l'idée n'est ni nouvelle, ni radicale « puisqu'elle utilise des principes de planification établis de longue date », « elle utilise ces principes pour parvenir à la promotion ascendante du bien-être tout en proposant une autre manière de penser à l'allocation optimale des ressources à l'échelle de la ville », en portant l'accent de la planification de l'accessibilité aux fonctions urbaines vers la proximité de ces fonctions dans les quartiers, avec de nouveaux modèles de gouvernance et d'allocation des ressources, pour une ville plus inclusive, sécurisante et saine (du point de vue pollution et santé au sens large ; au sens de la définition de l'OMS[36], au profit d'une meilleure qualité de vie[37] ; où « des politiques visant à accroître la micro-mobilité, à réduire les distances de déplacement pour répondre aux besoins de base, à accroître l'utilisation des transports en commun, à modifier les modes de consommation pour réduire la production industrielle et à renforcer l'économie circulaire sont nécessaires pour gérer l'augmentation des émissions de CO2 et de carbone et améliorer la qualité de l'air ». Ces auteurs rappellent les conclusions tirées de la pandémie de Covid, avec le besoin d'un accès aux soins à proximité, mais aussi à une nourriture saine : « Il est particulièrement intéressant de noter que pendant la quarantaine, des aliments frais et de qualité ont été trouvés sur les marchés locaux/de quartier. Néanmoins, l'indisponibilité de ces marchés, en particulier dans les quartiers à faible revenu, a entraîné une vulnérabilité accrue de la population[38]. Ce qui précède souligne l'importance d'éliminer le phénomène des « déserts alimentaires » qui, en cas de crise comme la récente crise sanitaire mondiale, accroît la vulnérabilité de groupes spécifiques et de la société en général.L'aménagement du territoire est peut-être l'outil le plus approprié pour atténuer le phénomène (...) en concevant des infrastructures de transport pour la distribution et l'approvisionnement alimentaire au niveau du quartier, en offrant des espaces pour le développement de marchés de plein air et de jardins communautaires, ainsi qu'en localisant les utilisations pertinentes des terres au niveau thématique ». Cet article « s'intéresse à la manifestation spatiale de la non-inclusivité qui se présente habituellement à travers des phénomènes de gentrification, de ghettoïsation et de ségrégation socio-spatiale. Il adopte l'approche multidimensionnelle de la Banque mondiale en matière de planification inclusive qui comprend les aspects spatiaux, sociaux et économiques »[39],[40]. Les auteurs soulignent aussi que la prétendue "mobilité douce" peut profiter du réseau des espaces verts, qui est apparu « comme des zones d'importance vitale pour le maintien de la santé physique et mentale des résidents »[41], ainsi que pour l'établissement de relations avec la communauté et le quartier, tout en invitant à de nouvelles études sur la multifonctionnalité de ces espaces ; « des études suggèrent que l'aménagement du territoire peut jouer un rôle important pour soutenir la mise en œuvre de solutions basées sur la nature et gérer les compromis et les conflits »[42],[43],[44]. Pour ce faire, il est impératif de reconnaître les villes comme des habitats partagés et d'utiliser une approche multi-espèces. Les infrastructures vertes et bleues sont considérées comme des outils fondamentaux pour fournir des services écosystémiques en zone urbaine[45] (...) « un examen plus approfondi de l'idée de FMC suggère qu'elle présente une opportunité de repenser l'allocation des ressources à l'échelle de la ville »[37]. Le maire de Milan (Giussepe Sala), responsable de la C40 Global Mayors COVID-19 Recovery Task Force considère dans un article[46] de septembre 2020 pour le Forum Economique Mondial « Comment les villes peuvent faire en sorte que le monde de l'après-COVID soit vert, équitable et résilient » que « la ville du quart d'heure s'articule autour de formes simples de mobilité active, garantissant que chacun n'est qu'à une courte distance à pied ou à vélo des biens et services essentiels à la vie »[37]. En juin 2020, l'organisation mondiale ONU Habitat appelle [47] à « aider les villes et les gouvernements locaux en vue de proposer des quartiers autosuffisants ou de quartier compact de la ville en 15 minutes ». Voir aussiArticles connexes
Références
|