Vassili Golovnine

Vassili[1] Mikhaïlovitch Golovnine[2] (en russe : Василий Михайлович Головнин) est un navigateur, explorateur, géographe et vice-amiral[3] russe, né le 19 avril[4] 1776 à Goulinki (ru)[5], village familial[6] situé dans l'actuel oblast de Riazan, et mort du choléra le 11 juillet[7] 1831 à Saint-Pétersbourg. Il est membre-correspondant de l'Académie des sciences de Russie à Saint-Pétersbourg (1818).

Enfance

Vassili Golovnine est issu d'une famille d'ancienne noblesse appauvrie, apanagée à Riazan, de lointaine origine serbe et novgorodienne[8].

Fils du capitaine Michel Vassilievitch, assesseur de collège, et d'Alexandra Ivanonvna Verderevsky[9], tous deux inscrits dans la noblesse de Riazan, il intègre à l'âge de six ans, par tradition familiale[10], le régiment Préobrajensky. Mais, à la suite du décès prématuré de ses deux parents (1785), il démissionne[11] et se présente à l'École navale[12], dont il sort diplômé en 1792.

Carrière maritime

Après de brillants états de service durant la guerre russo-suédoise[13], Golovnine sert tout d'abord dans la flotte britannique de 1801 à 1805. À son retour en Russie, il établit un code des signaux de la marine, utilisé jusqu'en 1832.

Il organise ensuite deux voyages autour du monde à bord des navires Diana (1807–1809) et Kamtchatka (1817–1819). En 1811, Golovnine décrit et cartographie les îles Kouriles[14], du détroit de Hope jusqu'à la rive orientale de l'île Itouroup (Etorofu en japonais).

Alors qu'il explore l'île Kounachir (Kunashiri en japonais), Golovnine est fait prisonnier par les Japonais. Il raconte ses deux années de captivité, la vie au Japon et ses voyages autour du monde dans son journal, lequel, une fois publié, a un énorme retentissement en Europe et aux États-Unis (où il fait l'objet de nombreuses traductions et réimpressions). Il s'agit d'une des premières et très rares descriptions fiables d'un pays alors totalement fermé aux étrangers (vid. inf. Œuvres).

Carrière administrative

En 1821, Golovnine est nommé directeur adjoint du collège naval, et plus tard, en 1823, intendant général de la flotte.

Doté d'une très solide instruction, trilingue en anglais, français et suédois, il organise avec succès les activités de la construction navale, les services de l'habillement et de l'artillerie. Sous sa supervision, plus de 200 navires sont construits, y compris le premier bateau à vapeur russe.

Golovnine forme plusieurs navigateurs célèbres, tels l'amiral Pyotr Ricord[15], l'amiral-comte Fiodor Petrovitch von Litke[16], l'amiral-baron Ferdinand von Wrangel[17] (1796-1870) et l'amiral Fiodor Matiouchkine[18].

Il rédige en 1824 un rapport sur l'État de la marine russe, pamphlet dans lequel il dénonce les carences et les vices de l'administration et du gouvernement russe. Même si ses critiques ne ménagent pas l'Empereur, celui-ci ne lui en tient pas rigueur, bien au contraire. En effet, l'esprit indépendant et industrieux du baroudeur s'accommode mal de l'inertie de la machine russe et de l'injustice sur laquelle repose la société. Dans ses mémoires, Dimitri Irinarkhovitch Zavalichine (1804-1892), jeune lieutenant de vaisseau et sympathisant décembriste dont il fut le professeur à l'École de Marine[19], indique qu'il fit partie du complot (1825). Cet événement, pourtant jamais corroboré, n'a visiblement aucune incidence sur la carrière de Golovnine[20], qui est même élevé au rang de vice-amiral par Nicolas Ier en 1830.

Vassili Golovnine meurt du choléra en 1831. Sa tombe se trouve au Mitrofanievskoïe, à Saint-Pétersbourg.

Renommée

Les deux circumnavigations de Golovnine[21], sa vie même, consacrée à l'étude scientifique plutôt qu'aux plaisirs mondains, sa modestie et son humanisme[22], servirent longtemps d'exemple aux marins russes de l'Empire puis de l'Union soviétique[23].

Son nom a été donné à un détroit entre les îles Kouriles, une montagne dans le Kamtchatka, une caldéra de l'île Kounachir et un cap de la Nouvelle-Zemble et d'autres lieux. Un brise-glace russe porte aussi le nom de Vasili Golovnine.

Distinctions

Famille

Il épouse en 1819[25] Eudoxie Stépanovna Loutkovskaia[26] (1795-1880), sœur de l'amiral Pierre S. Loutkovsky (1800-1882) et du contre-amiral Théopempt S. Loutkovsky (1803-1852)[27]. Ils ont un fils, le futur ministre réformateur Alexandre Golovnine, et quatre filles : Polyxène, les jumelles Olga (1827-1869) et Marie (1827-1905), et Alexandra.

D'autre part, V. M. Golovnine est un lointain cousin du poète et révolutionnaire petrachévien Nikolaï Spechnev (ru) (1821-1883).

Œuvres

  • Des signaux maritimes militaires visibles de jour comme de nuit, selon un nouveau système, actuellement en usage en Angleterre (1807)
  • Voyage du sloop Diana de Kronstadt au Kamtchtaka, effectué en 1807, 1808 et 1809, sous le commandement du lieutenant de vaisseau Golownine. (Путешествие шлюпа "Диана" из Кронштадта в Камчатку, совершенное в 1807, 1808 и 1809 годах)
  • Deux hivers au Kamtchatka et navigation vers et depuis les côtes américaines (1810)
  • Mémoires sur ma captivité au Japon au cours des années 1811, 1812 et 1813, avec des observations sur le pays et le peuple japonais. Saint Pétersbourg.
  • État de la marine russe en 1824 (Записка о состоянии Российского флота в 1824 году) (publié en 1861)

Bibliographie

  • Жизнеописание Василия Михайловича Головнина, Н. Греч
  • Сочинения / Путешествие шлюпа "Диана" из Кронштадта в Камчатку, совершенное в 1807, 1808 и 1809 годах. Путешествие вокруг света на шлюпе "Камчатка" в 1817, 1818 и 1819 годах. С приложением описания примечательных кораблекрушений, в разные времена претерпенных русскими мореплавателями, Проф. И. П. Магидович, 1949
  • Annuaire de la Noblesse russe (UNR), Ikonnikov, 1947 (réed.)

Notes et références

  1. Basile en français; connu sous ce prénom dans certains textes du début du XIXe siècle.
  2. Prononcer : Galovnin'. L'orthographe Galownine est d'ailleurs tout aussi employée.
  3. Vassili Mikhaïlovitch étant mort au faîte de sa gloire, peu avant de passer définitivement amiral, il est souvent traité comme tel dans les documents russes.
  4. Calendrier julien : 8 avril
  5. Appelé aussi parfois Goulinski ou Goulyonki.
  6. Héritage maternel
  7. Calendrier julien : 29 juin
  8. Le patronyme des Galovnine provient du surnom d'un ancêtre du XIVe siècle, général au service de la République de Novgorod.
  9. Issue d'une grande famille d'origine tatare, de même origine que les Apraxine.
  10. Son père et son grand-père y avaient servi.
  11. Ses frères Dmitri et Ivan suivirent l'exemple de leur aîné et intégrèrent l'École navale (promotions 1801 et 1800)
  12. Les raisons de son choix ne sont pas connues: ce monde étant tout à fait étranger aux traditions familiales des Golovnine et des Vederevsky, alors sans aucune illustration dans la marine. Il semble toutefois que cette décision, fortement appuyée par son oncle paternel Maxime Vassilévitch, fut prise conformément aux souhaits de ses propres parents, qui considéraient peut-être que le faible rendement du domaine familial ne permettait pas au jeune Vassili Mikhaïlovitch de tenir son rang dans le régiment Préobrajensky.
  13. Il y obtiendra la médaille militaire d'or pour "bravoure au combat".
  14. Pierre-Jacques Charliat, Le temps des grands voiliers, tome III de Histoire Universelle des Explorations publiée sous la direction de L.-H. Parias, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1957, p. 349
  15. Ricord l'accompagna tout au long de sa captivité au Japon et resta son meilleur ami.
  16. L'un des amis les plus fidèles; il s'attacha aussi à son fils Alexandre V., le futur ministre.
  17. Engagé comme simple marin sur le Kamtchatka (1817-1819), il devint la quasi-pupille de Galovnine, qui lui enseigna la navigation, les sciences et la géographie. Il devint l'un de ses biographes attitrés.
  18. Ancien condisciple (et ami) de Pouchkine au Lycée impérial. Participa lui-aussi à l'expédition du Kamtchatka, où il se lia d'amitié avec le baron Wrangel.
  19. Et dont la famille appartenait à la noblesse terrienne de Tver, comme celle de l'épouse de Golownine.
  20. Au contraire de celle de son petit-cousin Nicolas Vokoulievitch.
  21. Qui fut ainsi le premier officier russe à effectuer un tour du Monde.
  22. À l'occasion de ses voyages, dans ses discours comme dans ses écrits, Golovnine s'est plusieurs fois emporté contre l'esclavagisme, notamment anglais, américain et brésilien, en rappelant à chacun les principes d'égalité et d'unité de la race humaine, et que seule l'éducation pouvait entraîner des distinctions entre les individus ; les Golovnine furent d'ailleurs, de son initiative, parmi les premiers aristocrates propriétaires russes à affranchir leurs serfs et à leur fournir des compensations (son fils Alexandre poursuivit l'initiative du père). Ces idéaux généreux, assez proches de ceux des décembristes, expliquent le soutien qu'il apporta jusqu'à sa mort à l'un de leurs sympathisants, le lieutenant Zavalichine, lequel, malgré leur différence d'âge, devint son ami.
  23. Les thèses humanitaires du père et de son fils Alexandre (qui les mis en application dans son ministère), rejoignant souvent celles des révolutionnaires bolchéviques, ils furent parmi les happy fews des temps impérialistes dont les biographies et œuvres furent éditées et étudiées sous le gouvernement de Joseph Staline.
  24. Dossier no 1894.
  25. Leur mariage, prévu en 1817, fut reporté à la suite du missionnement de Galownine sur le Kamtchatka.
  26. Famille de l'ancienne noblesse terrienne de Tver, appauvrie au XVIIIe siècle, mais qui reprit sa place dans le siècle à la suite de brillantes carrières administratives, dont le gouverneur de Saint-Petersbourg, Iossif Vassilievitch Loutkovski.
  27. C'est justement Théopempt Stépanovitch - il avait participé aux deux voyages autour du monde de Galowvnine - qui avait présenté sa sœur à Vassili Mikhaïlovitch.

Liens externes

Article connexe