Tricorii

Tricorii
Image illustrative de l’article Tricorii
La région naturelle du Trièves, dont le territoire est situé au sein de l'ancien pagus des Tricorii et dont le toponyme en fait écho[1],[2],[3],[4]

Ethnie Celto-ligure
Villes principales Actuelles Gap, Die et son diocèse (époque préaugustéenne)[5],[6],[7]
Mens, La Mure, Corps[8],[9]
Région d'origine Gaule narbonnaise
Région actuelle Trièves, Gapençais, anciens canton de Tallard et de de La Bâtie-Neuve, Matheysine
Haute et moyenne vallée du Drac et ses affluents
Vallée du Buëch
Alpes du Sud[10],[8],[4],[11],[12]
Frontière Avantici (en)
Vocontii
Ucennii
Vertamocorii[2],[10],[13]
Caturiges[14],[15]

Les Tricorii (littéralement Tricoriens[16]), sont un peuple celto-ligure de la Gaule narbonnaise, dont le pagus est établi dans les Alpes du Sud de la France.

Ethnonymie

Autel-stèle votif en bas-relief représentant [T]ricoria, déesse pouvant être liée au peuple tricorien.

Leur nom signifie en gaulois « trois armées », « trois troupes » et moins probablement « trois tribus »[17],[18],[19],[20]. Le suffixe -corii, apposé au préfixe numéral tri-, renferme une connotation, voire recouvre probablement un sens, militaire et/ou politique[21],[22],[18]. Les Tricorii sont cités sous les termes « trois-troupes-armées » ou encore « ceux-qui-forment-trois-toupes-armées » par Tite-Live dans sa narration du passage des Alpes par Hannibal[23] et par Silius Italicus[24], qui reprend le texte de Tite-Live, ainsi que par Strabon[25],[17],[26].

L'ethnonyme Tricorii peut être associé au théonyme [T]ricoria[27],[28],[29], un nom de divinité possiblement celte ou romaine inscrit sur la couronnement d'une stèle votive en bas-relief de 0,57 m de haut sur 0,21 m de large mise en évidence dans la seconde moitié du XIXe siècle, sur le site du plateau des Poètes, à Béziers[30],[31],[32].

Une concordance à caractère récursif peut être établie avec Tricurius (pagus de Trigg (en) et Tricurinus (pagus du Trégor) ainsi que sa capitale Tréguier, suggérant qu'un peuple appelé Tricorii, issu des Cornouailles, aurait été à l'origine de la formation dialecticale de ces toponymes britannique et bretons[33],[34],[35],[36],[37],[18].

Le terme Tricores est régulièrement employé pour désigner les Tricorii implantés dans les Alpes du Sud[7],[2],[34]. Pour autant, selon plusieurs auteurs, ces deux ethnonymes font référence à deux peuples gaulois distincts, les Tricores (en) désignant un peuple implanté le long et à proximité du littoral méditerranéen, autour de l'étang de Berre[38],[39],[40].

Histoire

Dans l'ensemble relativement pauvres, les données archéologiques, en particulier celles fournies par les fouilles opérées à La Mure — connue sous le toponyme celte Mura, l'un des possibles emplacements de la capitale à l'époque préaugustéenne[41],[42] —, corroboreraient le statut d'indépendance des Tricorii vers 100 av. J.-C.[42] Durant la période allant de 100 à 43 av. J.-C., le peuple celto-ligure aurait été, après une romanisation précoce, intégré à la confédération Voconce[42],[7].

Territoire

Le col de la Croix-Haute, point d'accès méridional au territoire tricorien.

Leur pagus, le « Tricorium »[43],[44],[40],[45], est situé dans les Alpes du Sud, et se trouve géocentrée sur la région naturelle du Trièves, dont le toponyme fait écho à Tricorii[1],[2],[3],[4]. Le territoire tricorien, dont l'étendue précise reste indéterminée en raison de sources littéraires antiques parfois floues et/ou contradictoires, s'inscrirait au sein du Gapençais, dans les anciens canton de Tallard et de de La Bâtie-Neuve, dans la Matheysine, autour de la haute et moyenne vallée du Drac et de ses affluents, ainsi que dans la vallée du Buëch[10],[8],[4],[11],[12],[19],[46].

À l'extrémité nord du pagus, la combe de Gavet est un point d'accès et l'un des fines qui séparent les territoires tricorien et ucène[3],[47]. Plus à l'ouest, l'aiguille de Morges constitue également un point topographique marquant la frontière entre les deux territoires[47],[48]. Au sud, l'accès à l'aire d'occupation tricorii est permis via le col de la Croix-Haute[43],[9],[15]. Après la scission de la civitas Voconce sous sa forme confédérée, opérée dans la seconde moitié du Ier siècle, la frontière méridionale du territoire tricorien la sépare du territoire des Avantici (en)[49],[50],[51],[43],[52].

Routes et voies de communication

Peuple apparenté : les Albienses

Les Albienses, également connus sous les ethnonymes Albœci et Albaciens[53], auraient été, selon les textes de Strabon et ceux de Pline, des Tricorii méridionaux[54],[55]. Sous le Haut-Empire, ce groupe celto-ligure aurait fait partie de la confédération des Albiques[56],[57],[58]. L'ethnonyme latin Albici peut faire à la fois référence aux Albiques et aux Albienses[56].

Ils sont les voisins nordiques des Vulgientes[54], localisés sur le plateau d'Albion. Le nom actuel du plateau d'« Albion » est d'ailleurs issu du nom de ce peuple.

Notes et références

Notes

Références

  1. a et b Jean-Pascal Jospin 2020, p. 208.
  2. a b c et d Jean-Pascal Jospin 2020, p. 207.
  3. a b et c Jean-Pascal Jospin 2020, p. 211.
  4. a b c et d Davin Emmanuel, « Le passage du Rhône et des Alpes par Hannibal. », Bulletin de l'Association Guillaume Budé, no 3,‎ , p. 74 (DOI 10.3406/bude.1958.3832, lire en ligne, consulté le ).
  5. Philippe Leveau et et al. 2022, p. 95.
  6. Jean-Denis Long, Recherches sur les antiquités romaines du pays des Vocontiens., coll. « Mémoires présentés par divers savants à l'Académie des inscriptions et belles-lettres de l'Institut de France. Deuxième série, Antiquités de la France. », (DOI 10.3406/mesav.1849.1138, lire en ligne).
  7. a b et c Jacques Planchon et Michel Tarpin 2009, p. 19.
  8. a b et c A. Dussert, « Temps préhistoriques - Ligures -Celtes », dans Essai historique sur la Mure et son mandement depuis les origines jusqu'en 1626, Picard, (lire en ligne).
  9. a et b Jean-Pascal Jospin 2020, p. 210-211.
  10. a b et c Guy Barruol, Les Peuples préromains du Sud-Est de la Gaule : étude de géographie historique, E. de Boccard, (lire en ligne).
  11. a et b Jean-Pascal Jospin 2020.
  12. a et b Philippe Leveau et et al. 2022, p. 96.
  13. André Pelletier (dir.), « De la conquête romaine à la fin du IIIe siècle », dans Histoire et archéologie de la France ancienne : Rhône-Alpes. De l'âge du fer au Haut Moyen âge., Horvath, (lire en ligne [PDF]).
  14. Isabelle Ganet, « Introduction », dans Carte archéologique de la Gaule : 05. Hautes-Alpes, Editions de la MSH, .
  15. a et b Jean Colin, chap. I « La région rhodanienne avant la conquête », dans Annibal en Gaule, (lire en ligne).
  16. Venceslas Kruta, Les Celtes, histoire et dictionnaire : des origines à la romanisation et au christianisme, Robert Laffont, (lire en ligne), Tricorii.
  17. a et b Jacques Lacroix, « Peuplades en armes », dans Les Noms d'origine gauloise : La Gaule des combats, Errance, (lire en ligne).
  18. a b et c Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, Errance, p. 125 et 301
  19. a et b Camille Jullian et Georges Dottin, « Notes Gallo-romaines : XXXIV. Vo-contii. », Revue des Études Anciennes, t. 9, no 2,‎ , p. 173-174 (DOI 10.3406/rea.1907.1485, lire en ligne, consulté le ).
  20. Christian-Joseph Guyonvarc'h, « Le nom des TRICORII », Ogam Celticum, vol. 16,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. Vendryes Joseph, « XVI. L’inscription de Lamas de Moledo étudiée par M. C. H. Balmori. », Etudes Celtiques, vol. 1, no fascicule 2,‎ , p. 380 (lire en ligne, consulté le ).
  22. Lambert Pierre-Yves, « Gaulois Solitumaros. », Etudes Celtiques, vol. 36,‎ , p. 96 (DOI 10.3406/ecelt.2008.2303, lire en ligne, consulté le ).
  23. Tite-Live, Histoire romaine, XXI, 31
  24. Silius Italicus, Punica, III
  25. Strabon, Géographie, IV, I, 11
  26. (de) Herbert Graßl, Der Neue Pauly, vol. 12, Metzler, (lire en ligne), p. 809 - Tricorii.
  27. (en) Elisabeth Benard et Beverly Moon, « Celtic Goddesses of sovereignty », dans Goddesses Who Rule, Oxford University Press (lire en ligne).
  28. Charles Renel (dir.), « Liste alphabétique des dieux gaulois », dans Les religions de la Gaule avant le christianisme, Musée Guimet, coll. « Annales du Musée Guimet : bibliothèque d'études », (lire en ligne).
  29. Christian-Joseph Guyonvarc'h, « Le nom des TRICORII », Ogam Celticum, vol. 16,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  30. Michel Christol, « L'épigraphie et les dieux du Plateau des Poètes à Béziers (Hérault) », Revue archéologique de Narbonnaise, t. 36,‎ , p. 417-418 (DOI 10.3406/ran.2003.1135, lire en ligne, consulté le ).
  31. Émile Espérandieu, Recueil général des bas-reliefs de la Gaule romaine, (lire en ligne [PDF]).
  32. Louis Noguier, « Rapport à la société archéologique sur divers monuments et inscriptions antiques trouvés à Béziers », Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  33. (en) T. M. Charles-Edwards, « Introduction: The Lands of the Britons », dans Wales and the Britons, 350-1064, OUP Oxford, (lire en ligne), p. 23-24.
  34. a et b Jacques Lacroix (préf. Venceslas Kruta), chap. 1.2.1. « Différents corps armés », dans Les noms d'origine gauloise, Errance, (lire en ligne).
  35. Christian-Joseph Guyonvarc'h, « Le nom des TRICORII », Ogam Celticum, vol. 16,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  36. (en) Lea Hagmann, « Cornish Distinctiveness - History an Language », dans Celtic Music and Dance in Cornwall: Cornu-Copia, Routledge, (lire en ligne).
  37. Pierre Flobert, « Introduction », dans La vie ancienne de Saint Samson de Dol. Texte édité, traduit et commenté., Paris, Éditions du Centre National de la Recherche Scientifique, coll. « Sources d'histoire médiévale », (lire en ligne), p. 83.
  38. Guy Barruol, Les Peuples préromains du Sud-Est de la Gaule : étude de géographie historique, E. de Boccard, (lire en ligne).
  39. Fabien Régnier et Jean-Pierre Drouin (préf. Venceslas Kruta), « Tricores », dans Les Peuples Fondateurs À L'origine De La Gaule, Yoran Embanner, (lire en ligne).
  40. a et b Ernest Desjardins, chap. II - 2 « Etat du sud-est de la Gaule : les Ligures », dans Géographie historique et administrative de la Gaule romaine, vol. 2 : La conquête, Hachette, (lire en ligne [PDF]).
  41. Victor Miard, chap. II « Fondée par les Ligures, c'est à l'ancien nom du marais, « Mura », que La Mure devait son appellation », dans La Mure et la Matheysine à travers l'histoire, (lire en ligne).
  42. a b et c Jean-Pascal Jospin 2020, p. 213-214.
  43. a b et c Jacques Planchon, « Les Voconces et la Transalpine : essai d'approche géostratégique entre Rhône et Alpes », dans Touatia Amraoui, Emmanuelle Dumas (dirs.), De l’objet à la société romaine : Études archéologiques et épigraphiques offertes à Jean-Claude Béal, Archaeopress Publishing Ltd, (lire en ligne).
  44. Pierquin de Gembloux, Lettre à M. Gautier sur les antiquités de Gap, (lire en ligne).
  45. Ennery et Hirth, Dictionnaire général de géographie universelle ancienne et moderne, historique, politique, littéraire et commerciale, vol. 4, (lire en ligne).
  46. Guy Barruol, Atlas culturel des Alpes occidentales, Picard, Paris, 2004, p. 107
  47. a et b Jean-Claude Bouvier, « Noms de lieux du Dauphiné », Nouvelle revue d'onomastique, nos 41-42,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  48. Bessat Hubert et Abry Christian, « Du vieux et du nouveau à propos de «bornes-témoins toponymiques» pour les archéologues : Fin, Venaz, Lavorant, Morge. », Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d'ethnologie, nos 2-4 « Nommer l'espace, sous la direction de Jean-Claude Bouvier »,‎ , p. 243-257 (DOI 10.3406/mar.1997.1648, lire en ligne, consulté le ).
  49. Jacques Planchon, « Planchon Jacques. De Luc à Die : le chassé-croisé des capitales voconces. », dans Capitales éphémères. Des Capitales de cités perdent leur statut dans l’Antiquité tardive, Actes du colloque Tours 6-8 mars 2003, vol. 25 : Supplément à la Revue archéologique du centre de la France, Tours, Fédération pour l'édition de la Revue archéologique du Centre de la France, (lire en ligne), p. 233-245.
  50. (en) Richard Talbert, « Map 17 - Lugdunum », dans Barrington Atlas of the Greek and Roman World, (lire en ligne).
  51. Jean Barruol, chap. 3 « Avantici », dans Les Peuples préromains du Sud-Est de la Gaule : étude de géographie historique, De Broccard, (lire en ligne).
  52. Jacques Planchon et Michel Tarpin 2009.
  53. M. Rouchon, chap. II « La contrée salienne selon Strabon », dans Des Saliens, vol. 7 et 8, coll. « Mémoires de l'Académie des sciences, agriculture, arts & belles-lettres d'Aix », (lire en ligne), p. 263-264.
  54. a et b Revue de Marseille et de Provence, Volume 21, 1875
  55. M. Rouchon, chap. II « La contrée salienne selon Strabon », dans Des Saliens, vol. 7 et 8, coll. « Mémoires de l'Académie des sciences, agriculture, arts & belles-lettres d'Aix », (lire en ligne), p. 303-307.
  56. a et b Fabien Régnier et Jean-Pierre Drouin (préf. Venceslas Kruta), « Albici », dans Les Peuples Fondateurs À L'origine De La Gaule, Yoran Embanner, (lire en ligne).
  57. Jean Barruol, « L'époque néolithique, la protohistoire, l'époque gallo-romaine », dans Saignon : Au cœur du Lubéron, un village historique en Haute Provence, Beron, (lire en ligne).
  58. Jean-Paul Clébert, « Histoire de la Provence gallo-romaine », dans Provence antique, vol. 2 : L'époque gallo-romaine, Robert Laffont, (lire en ligne).

Voir aussi

Bibliographie

  • (de) Herbert Graßl, Der Neue Pauly, vol. 12, Metzler, (lire en ligne), p. 809 - Tricorii.
  • Guy Barruol, Les Peuples préromains du Sud-Est de la Gaule : étude de géographie historique, E. de Boccard, (lire en ligne).
  • Jean-Pascal Jospin, « Territoires et statuts de deux peuples alpins la fin de l'Âge du fer : Ucennii et Tricorii », Bulletin d'études préhistoriques et archéologiques alpines, Société Valdôtaine de Préhistoire et d’Archéologie,‎ (lire en ligne [PDF]).
  • Philippe Leveau et al., chap. 2.5 « Le cadre historique : les Voconces et les provinces romaines des Alpes cottiennes et maritimes : 2.5. Les peuples du Nord du département : les Iconii et les Tricorii, gentes attributæ », dans Carte archéologique de la Gaule, Hautes-Alpes (05), (lire en ligne [html/pdf])
  • André Pelletier (dir.), Histoire et archéologie de la France ancienne : Rhône-Alpes. De l'âge du fer au Haut Moyen âge., Horvath, (lire en ligne [PDF]).
  • Fabien Régnier et Jean-Pierre Drouin (préf. Venceslas Kruta), « Tricorii », dans Les Peuples Fondateurs À L'origine De La Gaule, Yoran Embanner, (lire en ligne).
  • Jacques Planchon et Michel Tarpin, « La formation de la civitas des Voconces : 3.2.3. Les Tricorii. », dans Henri Gaillard de Sémainville, De l’âge du Bronze à l’âge du Fer en France et en Europe occidentale (Xe – VIIe siècle av. J.-C.), ARTEHIS Éditions, (DOI 10.4000/books.artehis.18116, lire en ligne).
  • Christian-Joseph Guyonvarc'h, « Le nom des TRICORII », Ogam Celticum, vol. 16,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  • Jacques Lacroix (préf. Venceslas Kruta), Les noms d'origine gauloise, Errance, (lire en ligne).

Articles connexes

Liens internes et externes