Transfert de population entre la Bulgarie et la Roumanie

Un transfert de population entre la Bulgarie et la Roumanie eut lieu en octobre 1940 après la restitution de la Dobroudja du Sud à la Bulgarie par la Roumanie. Il concernait 103 711 Roumains, Aroumains et Mégléno-Roumains vivant en Dobroudja du Sud et 62 278 Bulgares de Dobroudja du Nord. Après cette opération, l'application d'un échange de population dans d'autres cas comme la Transylvanie du Nord a été envisagée.

Groupes ethniques de Dobroudja vers 1918. Pendant les deux décennies suivantes, l'État roumain attribue à environ 91 000 Aroumains et Mégléno-Roumains des terres en Dobroudja du Sud, prises à des Turcs rapatriés en Turquie à la place d'autant de Grecs eux-mêmes transplantés en 1923 en Grèce à la place des Aroumains et Mégléno-Roumains amenés en Dobroudja du Sud : ces « colons » s'ajoutent à environ 13 000 Roumains déjà présents dans cette région[1],[2],[3],[4].

Histoire

La Dobroudja, province ottomane depuis 1396-1421, peuplée de Turcs, de Tatars, de Grecs, de Lipovènes et d'une majorité roumaine au nord et bulgare au sud, avait été partagée entre la Roumanie (Dobroudja du Nord) et la Bulgarie au Congrès de Berlin, en 1878. La Roumanie avait acquis la Dobroudja du Sud au Traité de Bucarest (1913) en profitant de la défaite bulgare dans la Deuxième guerre balkanique, ce qui fut perçu en Bulgarie comme un « coup de poignard dans le dos ». Par la convention du , la France et la Grande-Bretagne avaient garanti les frontières roumaines, mais le contexte créé par le pacte germano-soviétique et la défaite française de juin 1940 aboutit pour la Roumanie à l'occupation soviétique de la Bessarabie et de la Bucovine du Nord, au deuxième arbitrage de Vienne attribuant la Transylvanie du Nord à la Hongrie et à la mise du pays sous tutelle de l'Axe, qui lui demanda de rétrocéder la Dobroudja du Sud à la Bulgarie[5] : cela fut accompli par les accords de Craiova du 7 septembre 1940 et ce qui restait de la Roumanie fut peu après transformé en un état satellite de l'Axe : l'« État national-légionnaire »[6].

Au total, 103 711 Roumains vivant en Dobroudja du Sud ont été transférés en Roumanie, tandis que 62 278 Bulgares de la Dobroudja septentrionale furent transférés en Dobroudja méridionale redevenue bulgare[7]. Les Aroumains et Mégléno-Roumains, pour la plupart originaires de Grèce, ont été comptés comme des Roumains et ont donc également quitté la zone[8]. Après l'échange de population, en Roumanie, sur les 21 897 familles majoritairement paysannes arrivées de Dobroudja du Sud, 11 678 s'installèrent en Dobroudja du Nord, tandis que 10 219 autres furent installées en groupes dans tout le pays, là où des terres étaient disponibles[9].

Les 11 678 Roumains répartis en Dobroudja septentrionale furent installés à la place des Bulgares partis vers la Dobroudja méridionale, et aussi à la place des germanophones dobroudjiens rapatriés de force dans le Troisième Reich selon les dispositions du pacte Hitler-Staline[10]. À titre d'exemple, la population bulgare du village de Cerna (județ de Tulcea), partie en Dobroudja du Sud, fut remplacée par des Mégléno-Roumains originaires de Macédoine-Occidentale puis implantés en Dobroudja du Sud dans les années 1920[11]. L'échange de population s'effectua dans le respect des lois internationales de l'époque[9]. La Roumanie proposa également d'échanger le reste de leurs minorités respectives Bulgares de Roumanie et Roumaines de Bulgarie, résidant aussi bien en Dobroudja que dans le reste des deux pays, mais cette proposition fut déclinée par la Bulgarie[7].

Conséquences

L'échange de population, perçu par certains comme un succès, a donné à l'idée plus de popularité en Roumanie et des personnes comme Sabin Manuilă prévoyaient d'en organiser un autre entre la Hongrie et la Roumanie pour résoudre le différend transylvain[12], mais ce projet resta dans les cartons[9],[13] car si la Dobroudja du Sud n'avait qu'une faible population roumaine et était peu importante pour les nationalistes roumains, la Transylvanie du Nord en revanche comptait environ un million de Roumains qui furent encouragés à y rester, les nationalistes roumains envisageant de reconquérir la région[9].

Notes et références

  1. (en) Justin McCarthy, The Ottoman peoples and the end of empire, London New York, Arnold Oxford Distributed by St. Martin's Press, coll. « Historical endings. », , 234 p. (ISBN 978-0-340-70657-2 et 978-0-340-70656-5, OCLC 1015483367)
  2. (en) Justin McCarthy, Population history of the Middle East and the Balkans, Piscataway, NJ Istanbul, Gorgias Press Isis Press, coll. « Analecta Isisiana » (no 62), (1re éd. 2002), 321 p. (ISBN 978-1-61719-105-3, OCLC 659990814).
  3. (de) Hans-Erich Stier (dir.), Grosser Atlas zur Weltgeschichte, Braunschweig, Germany, Westermann, (1re éd. 1972), 248 p. (ISBN 3-14-100919-8).
  4. George Ungureanu, Le problème du Cadrilatère, différend territorial et repères imagéologiques (1913-1940), Pitești 2007 (lire en ligne).
  5. Antonin Snejdarek, Casimira Mazurowa-Château, La nouvelle Europe Centrale, Imprimerie nationale, 1986.
  6. Keith Hitchins, A concise history of Romania, Cambridge University Press, , 1–327 p. (ISBN 9780521872386, DOI 10.1017/CBO9781139033954, lire en ligne).
  7. a et b Dennis Deletant, Hitler's forgotten ally: Ion Antonescu and his regime, Romania 1940-1944, Palgrave Macmillan, , 1–376 p. (ISBN 9781403993410, lire en ligne)
  8. (ro) Costea, « Aplicarea tratatului româno-bulgar de la Craiova (1940) », Anuarul Institutului de Cercetări Socio-Umane "Gheorghe Șincai" al Academiei Române, no 12,‎ , p. 267–275 (lire en ligne)
  9. a b c et d Solonari, « An important new document on the Romanian policy of ethnic cleansing during World War II », Holocaust and Genocide Studies, vol. 21, no 2,‎ , p. 268–297 (DOI 10.1093/hgs/dcm039, lire en ligne)
  10. Historique des Allemands de Dobrogée sur [1]
  11. Țîrcomnicu, « Historical aspects regarding the Megleno-Romanian groups in Greece, the FY Republic of Macedonia, Turkey and Romania », Memoria Ethnologica, vol. 14, nos 52–53,‎ , p. 12–29 (lire en ligne)
  12. (ro) Bolovan et Bolovan, « Inițiative românești privind problema schimbului de populație în primii ani ai celui de'al Doilea Război Mondial (1939–1941) », p. 90–116
  13. Achim, « The Romanian population exchange project elaborated by Sabin Manuilă in October 1941 », Annali dell'Istituto Storico Italo-germanico in Trento, vol. 27,‎ , p. 593–617 (lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes