En physique, la trajectoire d'un projectile est le chemin que ce projectile empruntera après avoir été lancé.
Par projectile, on entend un objet petit et à masse réduite (par exemple un caillou ou un boulet de canon) par rapport à la taille et à la masse du corps depuis lequel il est propulsé (ce peut être la Terre, la Lune, etc.) à une vitesse et avec un angle tels qu'il ne puisse pas se maintenir en orbite et qu'il retombe. En outre, il faut que sa vitesse soit suffisamment faible par rapport à la vitesse de la lumière — que le facteur de Lorentz qui la caractérise soit suffisamment proche de 1 — pour ne pas devoir quitter les considérations de la physique classique.
Lorsque l’on étudie la trajectoire d’un projectile en négligeant toutes les forces à l'exception du poids, on parle de trajectoire balistique. La résolution des équations de la trajectoire balistique d'un projectile est aisée, mais cette modélisation est éloignée de la réalité lorsque d'autres forces sont considérées, par exemple les forces induites par le fluide dans lequel évolue le projectile (forces de frottement, poussée d'Archimède, etc.).
Notations
Dans les équations de l'article, les variables suivantes seront utilisées :
θ ou α : l'angle de portée, c'est-à-dire l'angle avec lequel le projectile est lancé, en degrés ;
v0 ou vi : la vitesse initiale, à laquelle le projectile est lancé, en m/s ;
y0 ou h : la hauteur initiale du projectile, en mètres ;
d : la distance horizontale parcourue par le projectile, du point de lancement au point de tombée au sol, en mètres.
k : le coefficient de proportionnalité caractéristique de la traînée du fluide.
Aussi, pour exprimer les distances, on pourra utiliser un repère cartésien orthonormé où O est le point d'où est lancé le projectile. On appellera l'axe de coordonnées l'horizontale, l'axe de coordonnées la verticale, et l'axe de coordonnées la profondeur.
Trajectoire balistique
La trajectoire balistique d'un projectile est le chemin que prendra un projectile soumis à la seule action de la gravitation, en négligeant toutes les autres forces.
Équations horaires et cartésiennes
Théorème(trajectoire balistique) — Dans , si l'on néglige toutes les forces à l'exception du poids, un projectile lancé à t=0 seconde d'une hauteur h (en mètre) à une vitesse v0 (en m/s) en faisant un angle α (en radians) entre l'horizontale et la verticale, et un angle β (en radians) entre la profondeur et l'horizontale, a pour coordonnées (en mètres) au cours du temps (en secondes) :
.
Équation cartésienne du projectile(trajectoire balistique) — Dans , si l'on néglige toutes les forces à l'exception du poids, un projectile lancé d'une hauteur h (en mètres) à une vitesse v0 (en m/s) en faisant un angle α (en radians) entre l'horizontale et la verticale, et un angle β (en radians) entre la profondeur et l'horizontale, son altitude (en mètres) et sa profondeur (en mètres) en fonction de la distance qu'il a parcouru (en mètres) est :
.
Démonstration
On considère un projectile lancé à la surface d'un corps dont le champ de pesanteur est considéré comme uniforme et on se situe dans un référentiel galiléen. Ainsi, la deuxième loi de Newton s'applique à notre système, et celle-ci nous dit que la somme des forces extérieurs qui s'appliquent sur le projectile est égale à la dérivée de sa quantité de mouvement. On a donc
où est une force qui s'applique au projectile et la quantité de mouvement du projectile.
Le projectile ne change pas de masse au cours de son lancer, ainsi on peut écrire que
.
Or, par définition, la dérivée de la vitesse par rapport au temps est l'accélération, donc , soit
.
D'autre part, toutes les forces sont négligeables par rapport au poids. On a donc
d'où
.
On a donc le vecteur accélération du projectile. Pour déterminer son vecteur vitesse, il suffit de trouver la primitive du vecteur accélération par rapport au temps, soit
où , et sont des constantes.
Or à t=0, on a .
Et on connaît les valeurs des composantes de . En effet, par trigonométrie, on sait que :
Ainsi et donc
Nous avons donc établi le vecteur vitesse du projectile en fonction du temps. Or, par définition, la dérivée de la position en fonction du temps est la vitesse. Ainsi, en considérant que le projectile occupe le point P de , on définit les coordonnées horaires du projectile en déterminant le vecteur dont les composantes sont les primitives des composantes du vecteur .
On a alors
où , et sont des constantes.
Or à t=0, on a et on connaît la position du projectile. En effet, il part en x=z=0 d'une hauteur h, donc , et .
D'où
.
On peut maintenant déterminer l'équation cartésienne du projectile, c'est-à-dire sa hauteur en fonction de la distance qu'il a parcouru.
On sait que
donc, en isolant t, on a
.
Dès lors, en remplaçant cette expression de t dans l'expression de la composante y et z de l'équation horaire, on obtient l'équation cartésienne du projectile :
.
Distance parcourue
La distance horizontale totale d parcourue jusqu'à ce que le projectile retombe au sol est donnée par :
Lorsque la hauteur initiale est égale à zéro, la distance parcourue se calcule ainsi :
Démonstration
On cherche ici à résoudre l'équation .
Or on sait que
.
On peut donc résoudre l'équation.
On remarque que l'expression de est une fonction du second degré en x. On peut donc appliquer une résolution d'équation du second degré.
Donc le discriminant de est :
.
Donc a deux solutions :
On ne retiendra que la solution d1, qui est positive (car a est négatif).
Temps de vol
Le temps de vol t est le temps qu'il faut au projectile pour retomber au sol, soit le temps où on atteint :
Hauteur maximale
La hauteur maximale h atteint par le projectile lors de son vol se calcule comme suit :
.
Démonstration
On cherche ici le maximum d'une fonction, ce qui s'obtient en cherchant les racines de la dérivée de la hauteur, soit résoudre l'équation . Or :
La résolution de cette équation linéaire donne donc :
Angle de portée pour atteindre une distance d
L'angle de portée est l'angle θ avec lequel un projectile doit être lancé dans le but de parcourir une distance d, compte tenu de la vitesse initiale v_0.
La trajectoire étant parabolique, il est plus simple d'utiliser les propriétés de symétrie de la trajectoire et donc que la hauteur maximale est atteinte à la moitié du parcours, donc
donc :
ou
Vitesse à une distance x
La valeur absolue |v| de la vitesse du projectile à une distance x est donnée par :
Angle θ nécessaire pour atteindre les coordonnées (x ; y)
Pour atteindre une cible à distance x et une altitude y lorsque le projectile est lancé du point de coordonnées (0 ; 0) à une vitesse v, les valeurs de l'angle de portée θ se calculent ainsi :
Trajectoire d'un projectile évoluant dans un fluide
Lorsqu'un projectile évolue dans un fluide, il subit une force de traînée qui s'oppose à son mouvement. Cette force de traînée est caractéristique de la forme du projectile, de sa vitesse, et des caractéristiques du fluide.
La traînée est un objet d'étude de la mécanique des fluides, qui ne considère plus le mouvement du mobile dans le fluide, mais qui suppose le mobile fixe et s'intéresse alors à l'écoulement du fluide autour de celui-ci. Cet écoulement est souvent complexe, et est caractérisé par un nombre sans dimension, appelé nombre de Reynolds et noté :
lorsque (il s'agit d'un écoulement de Stokes), la traînée est proportionnelle à la vitesse du mobile : le frottement que subit le projectile est dit linéaire ;
lorsque (l'écoulement est laminaire), la traînée est approximativement proportionnelle à la vitesse du mobile à la puissance 1,4 ;
lorsque (l'écoulement est turbulent), la traînée est proportionnelle au carré de la vitesse du mobile : le frottement que subit le projectile est dit quadratique.
On modélisera la traînée comme étant proportionnelle à la vitesse du projectile élevée à une puissance λ :
avec FT la force traînée du fluide en newtons, v la vitesse du projectile, et k le coefficient de proportionnalité caractéristique de la traînée qui s'exprime en kilogrammes par seconde
en prenant en compte la poussée d'Archimède, qui pousse le projectile dans le sens contraire au champ de pesanteur, d'autant plus que son volume est grand et que la masse volumique du fluide et l'intensité de son champ de pesanteur sont importants :
avec ρ la masse volumique du fluide en kilogrammes par mètre cube et V le volume du projectile en mètres cubes.
Approximation par analyse numérique
On suppose dans cette section que l’évolution de la vitesse se fait par approximation sur la tangente au point initial (méthode d'Euler). En procédant pas à pas, avec un pas très petit, cette solution est extrêmement satisfaisante, d’autant plus qu’il est très facile de la mettre en œuvre avec un ordinateur.
Avec γ le facteur de précision, c'est-à-dire le facteur qui définit la durée d'une unité de temps, ainsi qu'avec vi la vitesse initiale (en m/s) du projectile, son angle de portée α (en radians) et sa hauteur initiale h (en mètres), on a :
où λ désigne la puissance caractéristique de la résistance de fluide à laquelle est élevée la vitesse du projectile, et V le volume du projectile rempli du fluide.
Démonstration
On définit comme la traînée que subit le projectile
.
Alors , le vecteur représentant la traînée, s'écrit
.
On définit comme le vecteur représentant la poussée d’Archimède qui s’exerce sur le projectile. On a donc
.
On définit comme le poids du projectile. On a donc
.
On se place dans un référentiel galiléen. On suppose que la masse du projectile reste constante durant le vol.
Dès lors, d’après la deuxième loi de Newton, on peut écrire que
soit
.
Par la méthode d’Euler, nous avons
.
Puis, avec O l’origine du repère et P le point du plan occupé par le projectile, de la même manière la méthode d’Euler dispose que
.
On peut alors définir les suites et pour tout entier naturel par
et les suites et pour tout entier naturel strictement positif par
où désigne la vitesse initiale et où le réel est le facteur de précision.
Enfin, on définit les suites et pour tout entier naturel par
Résolution analytique dans le cas quadratique
Lorsque la traînée est proportionnelle au carré de la vitesse du projectile, on fait face à un système d'équations différentielles non-linéaires couplées, et la résolution nécessite une approche plus engagée. Newton lui-même était incapable de résoudre le problème, mais son contemporain Johann Bernoulli réussit après avoir été mis au défi par l'astronome britannique John Keill[2]. Sa solution est connue sous le nom d'équation de l'hodographe, et bien qu'elle soit la plus citée de la littérature physique, elle contient des termes qui ne peuvent être évalués que numériquement, c'est-à-dire que cette solution n'est pas une véritable solution analytique explicite.
Par véritable solution analytique, il faut comprendre une solution qui établisse les équations du mouvement pour toutes les conditions initiales, sans recourir à des approximations ou des simplifications qui ne sont valides que pour certains cas particuliers de conditions initiales. Une solution est explicite si elle dépend explicitement d'une variable indépendante naturelle, ici le temps, et non de plusieurs autres variables auxiliaires, comme le fait la solution de l'hodographe proposée par Johann Bernoulli.
Lorsque , l'écoulement est turbulent et la traînée FT s'exprime
avec S la surface de référence du projectile, Cx le coefficient de traînée du projectile.
Alors le coefficient de proportionnalité s'écrit .
Taille caractéristique de l'écoulement
Pour l'étude de la traînée des corps géométriques, lorsque l'objet est profilé, la taille de caractéristique de l'écoulement est la largeur de sa surface frontale. Lorsque l'objet est non-profilé, il s'agit de la longueur de sa surface parallèle à l'écoulement.
Masse volumique
La masse volumique de l’air est fonction de la température, de la masse molaire et de la pression. En choisissant pour pression celle de l'atmosphère standard internationale (ISA) au niveau de la mer : P0 = 101 325 Pa = 1 013,25 mbar = 1 013,25 hPa, on peut considérer que
On peut utiliser la loi semi-empirique de Sutherland pour déterminer la viscosité dynamique dans l'air[4] :
avec et des constantes déterminées empiriquement, et T la température de l’air en kelvins.
Surface de référence
Lorsque l'objet est profilé, la surface de référence du mobile est sa surface frontale, c'est-à-dire la surface occupée par l'objet sur la projection perpendiculaire à l'écoulement. Lorsque l'objet est non-profilé, la surface de référence du mobile est sa surface alaire.
Coefficient de traînée
Le coefficient de traînée est un nombre sans dimension dont la valeur peut être déterminée expérimentalement en soufflerie.
Bien que le coefficient de traînée soit fonction du nombre de Reynolds, on peut tout de même utiliser en première approximation les coefficients de traînée de l'image ci-contre.
On peut aussi, dans le cas d'une sphère, se référer à ce graphique qui donne le coefficient de traînée en fonction du nombre de Reynolds. Dans certaines plages de ce nombre de Reynolds, les ingénieurs considèrent souvent le de la sphère comme constant.
↑« Bernoulli, J. : Responsio ad nonneminis provocationem, e jusque solutio quaestionis ipsi ab eodem propositae, de invenienda linea curva quam describ it projectile in medio resistente. » dans Acta Eruditorum, pages 216–226 (1719)
↑An analytic solution to the equations of the motion of a point mass with quadratic resistance and generalizations, par Shouryya Ray et Jochen Fröhlich, publié dans Archive of Applied Mechanics en avril 2015, volume 85, pages 395 à 414
↑Viscosité de l’air par Matthieu Schaller et Xavier Buffat (13 décembre 2007)