Traité de Seyssel

Le traité de Seyssel est un accord signé à la fin de l'année 1124, entre le comte de Genève Aymon Ier et l'évêque de Genève Humbert de Grammont, par lequel l'évêque de Genève est reconnu comme seul seigneur temporel sur la cité de Genève.

Contexte

Au cours de cette période féodale, le pouvoir des seigneurs laïcs est suffisamment important pour que ceux-ci interviennent dans les affaires ecclésiastiques, notamment à travers les nominations[1]. La cité de Genève accueille non seulement le siège d'un diocèse (pouvoir spirituel) et d'un évêché (pouvoir temporel), mais aussi le pouvoir comtal, le territoire de l'évêché étant légèrement plus important que celui du comté[2].

Le comte Aymon Ier de Genève profite de ce que son frère utérin, Guy de Faucigny, occupe le siège épiscopal pour accroître son pouvoir et ainsi s'emparer d'une partie des droits en tant qu'avoué[2], voire selon Pierre Duparc en abusant de son pouvoir pour « s'approprier, d'une manière plus directe encore, des biens d'Eglise, des revenus épiscopaux, des églises ou des dîmes »[3],[2].

Le comte Aymon en profite par ailleurs pour construire un château dans la ville haute de Genève, dominant ainsi le Bourg-de-Four et la porte orientale de la cité[2],[4],[5]. Le château sera d'ailleurs mentionné pour la première fois dans l'accord de Seyssel[5].

Dans le contexte de la réforme grégorienne, le nouvel évêque de Genève, Humbert de Grammont, tente de s'opposer à ce pouvoir laïc qui empiète sur ses prérogatives termporelles[1],[3],[6]. Il réclame ainsi le retour de l'ensemble des biens que le comte a pris à l'Église[3],[6]. Il finit par excommunier le comte[1],[3],[6], met le « comté en interdit » et le fait condamner par une assemblée réunie à Vienne, sous l'autorité de l'archevêque Pierre Ier[7].

Le traité

Dans la lutte de pouvoir sur la cité de Genève entre les évêques de Genève et les comtes de Genève, le pape Calixte II délègue à l'archevêque métropolitain de Vienne, Pierre, la charge de régler le conflit[6]. Le conflit se règle lors d'un accord ou traité signé à Seyssel en 1124[1],[6],[8].

« Humbert de Grammont, successeur de Wido, ne voulut point ratifier l'inféodation du Comté de Genève faite à Aymon par son prédécesseur ; il prétendit qu'étant préjudiciable à l'Église, elle n'avait pu être accordée légitimement ; de là naquirent des différends, pendant lesquels l'Évêque excommunia le Comte, et celui-ci s'empara de la ville. Les différends se terminèrent en 1124 par le traité de Seyssel. »[9]

La rencontre entre les deux parties se fait à Seyssel[10]. Le comte Aymon y rencontre l'évêque, qui est accompagné de l'archevêque Pierre I revenant de Vienne avec une suite[7],[6], dont font partie notamment Gérold de Faucigny, évêque de Lausanne, prévôt de l'église de Genève, ainsi que de nombreux chanoines, l'abbé d'Aulps, Guérin, et le prieur d'Abondance. Le comte Aymon est quant à lui accompagné de ses vassaux, notamment Boson d'Alinges, Rodolphe Ier de Faucigny (frère de l'évêque) et Guillaume de Chaumont[8].

Le traité stipule expressément que l'évêque est le seigneur temporel de Genève et le comte son avoué[11],[12]. Au terme du traité, le comte Aymon restitue la dizaine d'églises qu'il possède[8],[7], et il rend hommage à l'évêque pour ses possessions provenant de l'Église[8],[7]. Le comte garde cependant sa « résidence [dans la ville] et l'exercice de la haute justice. »[7] S'il reverse une partie des dîmes qu'il a usurpées à l'Église, il en garde cependant encore les deux tiers[7],[13]. Les auteurs de l'ouvrage Le Diocèse de Genève-Annecy (1985) observent ainsi « De semblable restitutions étaient prévues pour l'ensemble de la féodalité laïque : en somme celle-ci conservait la part belle. »[13]

Les suites

Le traité ne règle cependant pas tous les conflits[6],[13]. Le successeur de l'évêque Humbert de Grammont, Ardutius de Faucigny[14], et celui du comte de Genève, Amédée Ier, s'opposent à nouveau et un nouvel accord est signé à Saint-Sigismond[Note 1],[13], le [1],[15], une sentence le [Note 2],[13], un autre accord à Aix-les-Bains en 1184[14], et un dernier à Desingy en 1219[17].

Pour aller plus loin

Bibliographie

  • Henri Baud, Louis Binz, Le Diocèse de Genève-Annecy, Éditions Beauchesne, , 331 p. (ISBN 978-2-7010-1112-7, lire en ligne), p. 32-34. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • Louis Binz, Brève histoire de Genève, éd. Chancellerie d'État, Genève, 2000
  • Réjane Brondy, Bernard Demotz, Jean-Pierre Leguay, Histoire de Savoie - La Savoie de l'an mil à la Réforme, XIe-début XVIe siècle, Ouest France Université, , 626 p. (ISBN 2-85882-536-X), p. 33-34. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Alfred Dufour, Histoire de Genève, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », , 128 p. (lire en ligne), p. 15-16. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Pierre Duparc, Le comté de Genève, (IXe – XVe siècles), t. XXXIX, Genève, Société d’histoire et d’archéologie de Genève, coll. « Mémoires et documents » (réimpr. 1978) (1re éd. 1955). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Acte de l'année 1124 publié dans le Régeste genevois (1866), que l'on peut consulter en ligne dans le Répertoire chronologique des sources sur le site digi-archives.org de la Fondation des Archives historiques de l'Abbaye de Saint-Maurice (REG 0/0/1/267)

Articles connexes

Lien externe

Notes et références

Notes

  1. Le toponyme de Saint-Sigismond utilisé pour qualifier le traité ou accord est en réalité, selon Pierre Duparc, la « forme savante du nom de lieu étant calquée sur la forme latine » correspondant au village de Saint-Simon, dans les environs d'Aix-les-Bains[15].
  2. Par un diplôme de 1162, l'empereur Frédéric Barberousse établit définitivement l'indépendance de l'évêque désormais reconnu comme prince immédiat de l'Empire[16].

Références

  1. a b c d et e Histoire de Savoie 1984, p. 33-34.
  2. a b c et d Histoire de Genève 2014, p. 14-15 (Lire en ligne ).
  3. a b c et d Duparc 1955, p. 95 (Lire en ligne).
  4. La rédaction, « Genève » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du ..
  5. a et b Louis Blondel, Châteaux de l'ancien diocèse de Genève, vol. 7, Société d'histoire et d'archéologie de Genève (réimpr. 1978) (1re éd. 1956), 486 p., p. 47.
  6. a b c d e f et g Histoire de Genève 2014, p. 16 (Lire en ligne).
  7. a b c d e et f Diocèse de Genève-Annecy 1985, p. 32 (32).
  8. a b c et d Acte de l'année 1124 (REG 0/0/1/267).
  9. Jean Picot, Histoire de Genève, tome 1, 1811.
  10. Article de J.-J. Hisely "Les comtes de Genevois dans leurs rapports avec la maison de Savoie jusqu'à l'établissement définitif de la domination savoisienne dans le comté de Vaud soit jusqu'à la fin du treizième siècle", p. , in Mémoires de l'Institut national Genevois, tome 1er, 1853.
  11. Ansgar Wildermann, "Grammont, Humbert de" in Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 09.01.2007, en ligne: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/018431/2007-01-09/ (consulté le 31.08.2023).
  12. Catherine Santschi, "Genève (diocèse, évêché)" in Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 11.07.2007, en ligne: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/011399/2007-07-11/ (consulté le 31.08.2023).
  13. a b c d et e Diocèse de Genève-Annecy 1985, p. 33 (33).
  14. a et b Ardutius de Faucigny : Ansgar Wildermann, « Faucigny, Arducius de » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du . - Notices de l'« Épiscopat de Arducius de Faucigny » dans le Régeste genevois (1866), que l'on peut consulter en ligne dans le Répertoire chronologique des sources sur le site digi-archives.org de la Fondation des Archives historiques de l'Abbaye de Saint-Maurice (Suisse)
  15. a et b Duparc 1955, p. 118 (Lire en ligne).
  16. Louis Binz, Brève histoire de Genève, Genève, Chancellerie d'État, 1981, 2000, 83 pages, p. 8.
  17. Paul Guichonnet, "Genève, de" in Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 11.02.2010, en ligne: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/019515/2010-02-11/ (consulté le 31.08.2023).