TonnetzEn théorie de la musique, le tonnetz (allemand, réseau tonal) est un graphe, un diagramme représentant l'espace tonal sous forme de grille. Il a été inventé par Leonhard Euler en 1739 pour représenter ce qu'on appelait alors l'intonation juste. Le tonnetz a été utilisé ensuite pour représenter les relations tonales et harmoniques en musique. HistoireEuler a présenté une première version du Tonnetz dans son Tentamen novæ theoriæ musicæ ex certissismis harmoniæ principiis dilucide expositæ de 1739[1], qui montre en particulier les relations de quinte (rapport 3:2) et de tierce majeure (rapport 5:4) entre les degrés du système. Ainsi par exemple, fa (F) au sommet de l'image ci-contre se rattache par une quinte (v) à do (C) à gauche et par une tierce majeure (III) à la (A) à droite. Une ligne plus bas, do (C) se rattache de même par une quinte (le signe v manque) à sol (G) à sa gauche et par une tierce (III) à mi (E) à sa droite; puis plus loin à droite, la (A), mi (E) et do♯ (Cs) sont séparés des mêmes intervalles, v et III. La figure peut aussi être vue comme formée de trois lignes obliques, à gauche D–G–C–F (ré–sol–do–fa), au milieu Fs–H–E–A (fa♯–si–mi–la) et à droite B–Ds–Gs–Cs (si♭ [pour la♯] –ré♯–sol♯–do♯); les degrés de chacune de ces lignes séparés par des quintes (marquées V) et les lignes obliques distantes les unes des autres par des tierces majeures (III). Trente-cinq ans plus tard, Euler a fourni une meilleure version de cette image, appelée cette fois Speculum musicum («Miroir musical») dans De harmoniæ veris principiis per speculum musicum repræsentatis de 1774[2]. Ici, les notes sont alignées horizontalement en quintes, verticalement en tierces majeures. Euler a fait usage de cette figure notamment pour montrer que chacune des lignes horizontales est à un comma de distance de la précédente : si on ajoutait la (A) à droite (et à la quinte) de ré (D) sur la première ligne, il serait un comma plus haut que la (A) de la deuxième ligne, à la tierce majeure de fa (F). Le Tonnetz fut redécouvert en 1858 par Carl Ernst Naumann (en), puis en 1866 par Arthur von Oettingen (en)[3]. Von Oettingen, suivant en cela Naumann, conçoit son Tonnetz avec une extension théoriquement infinie dans toutes les directions (quintes ascendantes ou descendantes, vers la droite ou la gauche; tierces majeures ascendantes ou descendantes, vers le bas ou le haut) : il s'agit encore pour lui, comme chez Euler, de décrire l'intonation juste, mais étendue dans son tableau jusqu'à 80 notes et, théoriquement, jusqu'à l'infini. Hugo Riemann a repris ce tableau et ses conventions dans plusieurs de ses écrits. Dans ces versions du tableau qui concernent l'intonation juste, chaque ligne de quintes est à un comma de distance de ses voisines. Au XXe siècle cependant, en particulier dans la théorie «néo-riemannienne» (voir ci-dessous), le Tonnetz a été conçu plus souvent comme une représentation au tempérament égal. Dans cette conception, le réseau d'Euler boucle sur lui-même après douze quintes ou trois tierces majeures, parce que les enharmonies sont considérées comme les mêmes notes. Le réseau prend alors une forme toroïdale, l'un des cercles du tore étant formé par le cycle des quintes, l'autre par celui des tierces majeures, comme le montre l'image ci-contre. Le tonnetz néo-riemannienLa théorie néo-riemannienne, développée dans la seconde moitié du XXe siècle notamment dans des écrits de David Lewin, de Bryan Hyer et de Richard Cohn[4], doit son nom au fait qu'elle s'inspire de certaines théories d'Hugo Riemann, notamment concernant les enchaînements d'accords à distance de tierce. La théorie néo-riemannienne s'efforce de décrire le passage d'un accord à l'autre par les plus petits mouvements mélodiques possibles : elle se fonde sur la parcimonie des mouvements. Ce faisant, elle ne fait que reprendre des règles énoncées depuis des siècles, selon lesquelles les meilleurs enchaînements sont ceux qui utilisent « le plus court chemin » :
La théorie néo-riemannienne établit trois enchaînements élémentaires entre les accords parfaits, chaque fois par le mouvement d'une seule voix ; les enchaînements entraînent chaque fois un changement de mode de l'accord (de majeur à mineur ou l'inverse). À ces enchaînements élémentaires correspondent les trois relations de base de l'analyse néo-riemannienne[9] :
Ces relations correspondent à des mouvements élémentaires sur le tonnetz : c'est pourquoi celui-ci connaît aujourd'hui un succès renouvelé en théorie musicale. La théorie néo-riemannienne a été étendue dans diverses directions, par exemple pour décrire aussi les enchaînements de septièmes, notamment par des représentations en réseaux à trois dimensions et plus. Elle a permis de mettre en lumière des relations cachées, en particulier dans les musiques aux frontières de la tonalité classique. Références
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