The Act of Seeing with One's Own Eyes

The Act of Seeing with One's Own Eyes

Réalisation Stan Brakhage
Durée 32 min

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

The Act of Seeing with One's Own Eyes (en français L'acte de voir de ses propres yeux) est un film muet de Stan Brakhage réalisé en 1971. Son titre est basé sur le sens étymologique du terme autopsie (du grec αὐτοψία / autopsía, littéralement « action de voir de ses propres yeux »[1]). Ce film est le dernier de la « trilogie de Pittsburgh » qui comprend les films Eyes et Deus Ex, réalisés la même année.

La trilogie de Pittsburgh occupe une place à part dans la filmographie du réalisateur. Souvent classé à tort dans le genre documentaire, la réalisation de ces trois films, et de The Act of Seeing en particulier, est en réalité une façon pour Brakhage de se confronter à ses propres peurs pour tenter de les dépasser.

Le film a été tourné dans la morgue du comté d'Allegheny, à Pittsburgh. Il montre plusieurs cadavres sur lesquelles sont réalisés des opérations des médecins légistes, ce qui en fait un film particulièrement difficile à regarder.

Synopsis

The Act of Seeing with One's Own Eyes est un film muet en couleur de 32 minutes. Caméra à l'épaule, Brakhage montre des cadavres (au nombre de 6 ou 7[2]) qui sont manipulés dans une morgue, et les opérations réalisées par les médecins légistes (mesure, analyse, dissection, démembrement, éventrement et nettoyage[3]). Les mains et les instruments de ces derniers sont au contact des corps. Le film se caractérise par ses gros-plans réalisés sur les détails des cadavres — entiers, largement ouverts, voir vidés —, produisant des images presque abstraites, aux textures variées et aux couleurs vives.

Les derniers plans du film montrent une médecin enregistrant à l'aide d'un micro ses propos qui nous sont inaudibles.

Analyse

Une grande partie des critiques du film traite de la mise à distance que le film met en œuvre : d'une part à l'égard de la mort, en réalisant des gros plans sur les cadavres filmés dans le but de montrer des formes abstraites et des couleurs variées ; d'autre part avec une absence de jugement ou considération morale, contrairement à d'autres films traitant du même sujet[4].

Un film documentaire ?

Le genre cinématographique du film est questionné par la plupart des critiques du film. Souvent qualifié de film documentaire[5], Brakhage lui préfère l'appellation de document[6],[7]. De nombreux éléments du film ne permettent pas de le classer dans le genre du documentaire. Loin de l'objectivité du regard, ce film marque le point d'orgue de la fascination qu'éprouve le cinéaste pour la mort en se confrontant directement à elle[4]. Sur le plan artistique, des choix esthétiques forts sont opérés, comme le gros-plan mettant en valeur certains détails, le tournage caméra à l'épaule, la sélection de différentes pellicules, ou encore l'absence de bande son.

Lors du tournage à la morgue, la proximité avec la mort a été pour le réalisateur une épreuve extrêmement difficile et traumatisante, comme l'atteste sa correspondance avec sa femme[8]. Ainsi, loin du cadre du documentaire classique, le film est en fait construit du point de vue d'un homme qui a peur[9].

Place du film dans l'œuvre du réalisateur

Le film est le dernier d'un ensemble appelé « trilogie de Pittsburgh » (ou « documents de Pittsburgh ») contenant les films Eyes et Deus Ex réalisés en 1971. Ces deux derniers films portent respectivement sur la police et un hôpital. Au sein de cet ensemble, The Act of Seeing with One's Own Eyes est le film le plus frappant en ce qu'il montre des images marquantes et pouvant s'avérer extrêmement choquantes et difficiles à regarder[6].

Le trilogie de Pittsburgh explore les institutions de la ville et leur rapport de contrôle aux individus et aux corps.

Cette trilogie occupe une place à part dans l'œuvre cinématographique du cinéaste, car son attention est dirigée non vers sa propre subjectivité mais vers le monde extérieur[6],[7].

Influences

Brakhage a reconnu la grande influence du film de Willard Maas (en) et Marie Menken The Geography of the body (1943)[10]. Les deux films ont recours aux gros plans pour filmer le corps humain, vivant pour l'un, mort pour l'autre. Les images de Menken distordent la surface du corps par l'usage de la loupe, là où les corps filmés par Brakhage sont manipulés et déformés par les opérations que les médecins légistes lui font subir, permettant à la caméra d'en filmer l'intérieur[11]. Menken a également influencé Brakhage dans son usage de la caméra portative.

Production

L'opportunité de réaliser la trilogie de Pittsburgh vient d'au moins un dîner que le réalisateur a eu avec Sally Dixon (en) (conservatrice de cinéma au Carnegie Museum of Art) et Michael Chikiris (photographe de Pittsburgh) au cours duquel il leur fait part de la peur viscérale qu'il éprouve à l'égard de la police, des hôpitaux et des morgues. Selon lui, un bon moyen de surmonter son anxiété serait de se confronter à ces institutions. Dixon et Chikiris l'aident à mener à bien ses projets en lui ouvrant l'accès à ces institutions[12].

Tournage et montage

Brakhage tourne ce film avec une caméra Bolex au format 16 millimètres sans son. Le tournage dure trois ou quatre jours en septembre 1971 et a lieu dans la morgue du comté d'Allegheny, à Pittsburgh. Une heure et demie de rushes sont tournés[2],[13]. Le réalisateur a pris soin de sélectionner 7 pellicules différentes pour le tournage, chacune possédant ses propriétés de couleur, de température et de grain particulières[14], ainsi que deux filtres et quatre sources lumineuses. Cela démontre sa volonté d'explorer une large gamme de couleurs et de qualités de l'image dès le tournage, lui permettant de ne pas effectuer de post-production[15].

« The rhythm reflects directly my feelings, my movements, my heartbeat, my aversion at times. In this case, I use seven kinds of film, EF daylight, EF tungsten, [Ektachrome] MS, Kodachrome tungsten, Kodachrome daylight, commercial Ektachrome […] plus two filters, plus three light sources. […] So there are two kinds of neon, one tungsten lamp, and daylight. »[16]

— Stan brakhage

Sur sa méthode de travail, les propos de Brakhage sont parfois exagérés voir contradictoires, signe de sa réticence à la révéler. On sait toutefois que de l'heure et demie de rushes tournés, Brakhage ne garde que 32 minutes, ce qui révèle une façon inhabituelle pour lui de travailler. L'abondance des rushes vis-à-vis du film finale étonne le réalisateur lui-même. De plus, Brakhage ne réalise aucune retouche ou autre intervention de post-production sur les images elles-mêmes[17]. Certaines séquences du montage conservent l'ordre dans lesquelles elles ont été tournées, même si le réalisateur dira qu'il a en réalité opéré un nombre important de changements de façon à contrôler la palette de couleur[18].

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « The Act of Seeing with One's Own Eyes » (voir la liste des auteurs).
  • Doris Peternel, « The Act of Seeing With Stan's Eyes. Essai sur le cinéma de Stan Brakhage », La Furia umana,‎ [s.d.] (lire en ligne [archive])
  • (en) Bart Testa, « Seeing with Experimental Eyes: Stan Brakhage’s The Act of Seeing with One’s Own Eyes », dans Barry Keith Grant, Jeannette Sloniowski, Documenting the Documentary : Close Readings of Documentary Film and Video, Detroit, Wayne State University Press, , 488 p. (lire en ligne Inscription nécessaire), p. 269-285
  • (en) « Stan Brakhage at Millennium », Millennium Film Journal, vol. 47, no 9,‎ (lire en ligne)
  • [Kase] (en) Juan Carlos Kase, « ENCOUNTERS WITH THE REAL: Historicizing Stan Brakhage’s The Act of Seeing with One’s Own Eyes. », The Moving Image: The Journal of the Association of Moving Image Archivists, vol. 12, no 1,‎ , p. 1-17 (lire en ligne Accès limité). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Smith] (en) Martin Smith, « Mortality Salience: Terror of Death and The Act of Seeing with One's Own Eyes », Film International, Intellect, vol. 15, no 3,‎ , p. 13-22 (DOI 10.1386/fiin.15.3.13_1, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Miller] (en) Michael F. Miller, « Stan Brakhage’s Autopsy: The Act of Seeing with One’s Own Eyes », Journal of Film and Video, vol. 70, no 2,‎ , p. 46-55 (DOI https://doi.org/10.5406/jfilmvideo.70.2.0046). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Références

  1. « AUTOPSIE », sur CNRTL
  2. a et b Smith 2017, p. 1
  3. Kase 2012, p. 1
  4. a et b Smith 2017, p. 2
  5. Miller 2018, p. 52.

    « Traditionally, The Act of Seeing with One’s Own Eyes has been understood as Brakhage’s aesthetic shift away from solipsism and as a move toward “objectivity.” »

  6. a b et c Miller 2018, p. 51
  7. a et b Kase 2012, p. 2
  8. Kase 2012, p. 7-8
  9. Smith 2017, p. 15
  10. Smith 2017, p. 5
  11. Smith 2017, p. 6
  12. Kase 2012, p. 6-7
  13. Kase 2012, p. 8
  14. Miller 2018, p. 53
  15. Kase 2012, p. 12
  16. Cité par Kase 2012, p. 12, et note 23 p. 17. Citation extraite de l'article Stan Brakhage at Millennium.
  17. Kase 2012, p. 8-9.

    « In a number of letters from this period, he made it clear, through the tone of his writing, that he was surprised and overwhelmed by the sheer volume of film that he exposed—as if it were a compulsive and perhaps defensive response to an emotionally overwhelming situation. The shooting ratio of this film (of exposed camera original to final cut) is substantially larger than that of most of Brakhage’s work. »

  18. Kase 2012, p. 10.

    « And all of the rearranging that occurs in the film, and there is in fact quite a lot of it, is purely to use this full [color] palette. I will shift footage around so that I can shift from one color tone to another. »

Articles connexes

Liens externes