La tapisserie de Bruxelles est le nom donné à la production des nombreux ateliers de tapisserie de haute-lisse actifs à Bruxelles du début du XVe siècle jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.
Historique
Pendant longtemps, les tapissiers d'Arras ou de Tournai ont été les plus productifs. Tournai a été une ville d’obédience politique française jusqu’en 1521. Les premières mentions de tapissiers à Tournai datent de 1295. Les ateliers de tapisserie de Tournai ont réalisé d’importantes tentures historiées illustrant un même sujet d’inspiration biblique, historique, mythologique ou romanesque, reprenant les idéaux chevaleresques de la cour de Bourgogne. Philippe le Bon a commandé en 1448 la tenture de l' Histoire de Gédéon ou de la Toison d'or à livrer en quatre ans, et qui était, d'après Eugène Soil, « la pièce la plus fameuse sortie des ateliers tournaisiens »[1]. Vers 1530, Tournai qui avait ravi la première place à Arras dans la production des tapisseries, voit de nouveaux concurrents se développer, Bruxelles, Lille, etc. La production de tapisseries va cesser à Tournai en 1720.
L'importance des tapissiers d'Arras se voit dans l'appellation « arazzo » ou « arrazzy » utilisée en Italie ou en Pologne, « drap de Ras » en Espagne pour désigner les tapisseries, bien après qu'Arras ait perdu sa prédominance. La décadence d'Arras va commencer quand, en 1398, le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, décide, pour redresser les finances de la ville de doubler la taxe sur les hautes-lisses. Les marchands et ouvriers de tapisserie vont alors commencer à quitter la ville pour s'installer à Tournai, Lille, Audenarde, puis Bruxelles et Bruges[2]. Dès 1449, on voit le duc Philippe le Bon préférer de commander la tenture de l'histoire de Gédéon à Tournai plutôt qu'à Arras. En 1456, les bourgeois d'Arras se plaignent au duc de Bourgogne de voir les ouvriers en haute-lisse quitter Arras pour aller s'installer à Valenciennes, Tournai, Bergues et d'autres villes. Arras a alors perdu les commandes du duc. Les demandes d'argent par Charles le Téméraire pour financer la guerre ont commencé à ruiner la ville[3]. La conquête d'Arras par Louis XI a entraîné le déplacement des ateliers de tapisserie vers les Pays-Bas des Habsbourg, en 1477, et le contrôle de [[Duché de Brabant#Le duché de Brabant sous Charles Quint (1515-1555)
|Bruxelles par la maison des Habsbourg]] et les difficultés d'Arras permirent le développement de la production à Bruxelles.
Au début du XVIe siècle, la montée sur principaux trônes d’Europe de souverains épris de grandeur, et aux Pays-Bas de régentes passionnées par la tapisserie, allait être la source de rivalités entre les différentes Cours royales et princières pour posséder les plus belles tapisseries qui a été favorable aux ateliers bruxellois qui ont employé jusqu'à 15 000 personnes au XVIe siècle.
Une réglementation de 1476 stipulait que seuls les peintres avaient l'autorisation de concevoir les modèles des tapisseries, à moins que ce soit des verdures.
Pour lutter contre les contrefaçons, les marques de la ville de Bruxelles et des ateliers de tapisseries ont été rendues obligatoires sur les tapisseries par un arrêté du magistrat bruxellois pris le pour chaque tapisserie de plus de 6 aunes. Cette obligation est répétée dans l'édit impérial du concernant l'organisation de l'industrie de la tapisserie. La marque de Bruxelles est faite d'un petit écusson rouge flanqué de part et d'autre par des majuscules B pour Brabant Bruxelles. Le monogramme du lissier devait être déposé dans un registre de la corporation. Ce document a été détruit dans un incendie en 1690.
Le pape Léon X passant une importante commande de tapisseries sur la base de cartons de Raphaël entre 1515 et 1519, les ateliers de Bruxelles furent choisis[4]. Les lissiers les tissèrent au XVIe siècle mais aussi les siècles suivants. Encore aujourd'hui, elles représentent une part non négligeable de l'activité des ateliers même si elles sont moins en vogue depuis une trentaine d'années. La verdure, pour beaucoup, incarne la tapisserie d'Aubusson.
Bernard van Orley
Peintre en Italie, il charge les ateliers bruxellois de travailler sur une technique picturale pour mettre en avant le côté narratif.
Le Thomas Wolsey et le roi Henry VII d'Angleterre avaient de grandes collections de tapis-et-tapisseries et firent aussi des commandes aux ateliers bruxellois. Woseley choisissait des thèmes plutôt classiques pour ses résidences de Hampton court ou York alors que le roi choisissait aussi dans le nouveau style de van Orley pour la réception du Camp du drap d'or ou la visite de Charles V. Il a acheté la tenture de David et Bethsabée.
Rubens
Jacob Jordaens pupille de Rubens travailla pour les ateliers ainsi que Martin Reymbouts et des membres de la famille Leyniers.
Compétition avec les ateliers français
La création de la manufacture des Gobelins met une forte pression à la production des ateliers jusqu'à leur disparition après la Révolution.
Principales tentures réalisées dans les ateliers Bruxellois
↑Eugène Soil de Moriamé, Les Tapisseries de Tournai, les tapissiers et les hautelissiers de cette ville. Recherches et documents sur l'histoire, la fabrication et les produits des ateliers de Tournai, Vasseur-Delmée libraire-éditeur, Tournai, 1891 (lire en ligne)
↑Adolphe Guesnon, Le hautelisseur Pierre Feré d'Arras, auteur de la tapisserie de Tournai (1402), dans Revue du Nord, 1910, tome 1, no 3, p. 203 (lire en ligne)
↑Adolphe Guesnon, Décadence de la tapisserie à Arras depuis la seconde moitié du XVe siècle, imprimerie de Lefebvre-Ducrocq, Lille, 1884 (lire en ligne)
↑John Fleming and Hugh Honmour, Dictionary of the Decorative arts, s.v. "Brussels tapestry".
↑Cette tapisserie a été saisie par les troupes suisses après la bataille de Grandson. Elle se trouve au musée historique de Berne
↑Pieter van Edingen, d'Enghien, appelé Pieter van Aelst, est né à Waterloes, près d'Alost (Aalst), vers 1450. Il est devenu un bourgeois de Bruxelles en 1493 qui lui a donné le droit de vendre des tapisseries à Bruxelles. Il a vendu des tapisseries à Philippe le Beau et Jeanne de Castille après la mort de Pasquier Grenier. La documentation permet de préciser qu'il a vendu deux verdures à Philippe le Beau. Il a eu ensuite des relations avec la cour d'Henri VII au moment de la construction du palais de Richmond après l'incendie du palais de Sheen, en 1497. Il a été en relation commerciale avec des marchands florentins, les Gualteroti et les Fugger. En juillet 1502, il est nommé "valet de chambre et tapissier du roi" Philippe le Beau. Il a voyagé en Espagne avec Philippe le Beau en 1502 et 1506. Il est de retour à Bruxelles en 1508. En 1509, il est aussi "valet de chambre et tapissier" du futur Charles Quint. Il a reçu la commande par le pape Léon X sur les "Actes des Apôtres" illustrant l'histoire des saints Pierre et Paul d'après Raphaël pour décorer la chapelle Sixtine. Il disposait de moyens importants pour réaliser les nombreuses tapisseries qu'il a fait exécuter. Il est mort à Bruxelles le (Paul F. State, Historical Dictionary of Brussels, The Scarecrow Press, Lanham, 2004, p. 2-3).
↑François Ier offre la tenture au pape Clément VII qui était venu en France pour le mariage de son fils, le prince Henri, duc d'Orléans, avec Catherine de Médicis qui a eu lieu le , à Marseille. La tapisserie se trouve encore au Vatican.
↑La suite de quatre tapisseries a été commandée par François de Tassis pour sa chapelle funéraire dans l'église du Sablon, à Bruxelles. Les Habsbourg sont représentés dans la dernière pièce.
↑Adolfo Salvatore Cavallo, Medieval Tapestries in the Metropolitan Museum of Art, The Metropomitan Museum of Art, New York, 1993, p. 545-551 (ISBN0-87099-644-4) (lire en ligne)
↑Pieter van Aelst II (vers 1471-1532), ou Pierre d'Alost II, est le fils de Pieter van Aelst. Il est né à Alost et a fait son apprentissage dans l'atelier de la famille dans sa ville native avant de s'installer à Bruxelles où il réside après 1492. En 1509, il est appointé pendant six mois comme restaurateur des tapisseries de l'empereur Charles Quint, poste qu'il a partagé avec Jan van der Bruggen. Il a travaillé en étroite collaboration avec son père. Il a été le premier tapissier à réaliser de grandes tapisseries sur des scènes bibliques en prenant en compte la perspective et reproduisant des costumes antiques. Il réalisé en 1521 une tenture sur la Vie du Christ en 1521. Il est mentionné pour la dernière fois en 1532. L'atelier familial est repris par Pieter van Aelst III (vers 1495-vers 1560) qui a succédé à son grand-père comme fournisseur de Charles Quint. Vers 1550, il a reçu une commande de tapisseries de Sigismond Auguste II, roi de Pologne, pour le château du Wawel. Vers 1560, une grande partie des ateliers de son grand-père est vendue par ses héritiers à Willem de Pannemaker.
↑Cette suite de tapisseries a été commandée par Henri VIII. C'est la première édition d'une suite qui marque le début des grotesques dans la tapisserie. Ce type de décor doit son nom à la décoration des "grottes de Néron" qui se trouvaient sur le Palatin.
↑Les cartons sont commandés à Jan Cornelisz Vermeyen en juin 1546. La commande de la suite de tapisseries est passée le .
↑Jules Houdoy, Tapisseries représentant la conqueste du royaulme de Thunes par l'empereur Charles-Quint : histoire et documents inédits, Lille, Imprimerie L. Danel, 1873 (lire en ligne)
↑Sigismond II Auguste a acheté 142 tapisseries dans les Pays-Bas entre son accession au trône et sa mort. 103 sont conservées au château du Wawel. À son mariage avec Catherine d'Autriche, en 1553, les six tapisseries de la Genèse sont exposées ainsi que les huit de la Vie de Noé et les quatre de la Tour de Babel aujourd'hui perdues 'Guy Delmarcel, Tapisseries flamandes, p. 134)
↑La série de tapisseries du Triomphe des dieux a été commandée et réalisée pour le collège juridique du Oudburg de Gand en 1717. La plus ancienne datable est celle du Triomphe de Minerve. D'autres versions de cette tenture ont été réalisées.
Alphonse Wauters, Les Tapisseries bruxelloises, essai historique sur les tapisseries et les tapissiers de haute et de basse-lice de Bruxelles, imprimerie de Vve J. Baertsoen, Bruxelles, 1878 (lire en ligne)
Eugène Müntz, Les Fabriques de tapisseries de Nancy, typographie G. Crépin-Leblond, Nancy, 1883 (lire en ligne)
Eugène Müntz, Les Tapisseries de Raphaël au Vatican et dans les principaux musées ou collections de l'Europe. Étude historique et critique, J. Rothschild éditeur, Paris, 1897 (lire en ligne)
Eugène Müntz, La Tapisserie, A. Quantin imprimeur-éditeur, Paris (lire en ligne)
Fernand Donnet, Les Tapisseries de Bruxelles, Enghien et Audenarde pendant le furie espagnoles (1576), dans Annales de la Société archéologique de Bruxelles, 1894, tome 8, p. 442-476(lire en ligne)
Fernand Donnet, Note sur quelques achats de tapisserie de Bruxelles au XVIIe siècle, dans Annales de la Société archéologique de Bruxelles, 1896, tome 10, p. 117-121(lire en ligne)
Fernand Donnet, Documents pour servir à l'histoire des ateliers de tapisserie de Bruxelles, Audenarde, Anvers, etc. jusqu'à la fin du XVIIe siècle, dans Annales de la Société archéologique de Bruxelles, 1896, tome 10, p. 269-336, tome 11, p. 48-84 et p. 354-369, tome 12, p. 41-56 et p. 220-233
Joseph Destrée, Paul Van den Ven, Les tapisseries des Musées royaux du Cinquantenaire à Bruxelles, Vromant et Cie, 1910 (lire en ligne)
M. Morelowski, Arrasy Wawelskie Zygmunta Augusta (Les tapisseries bruxelloises du Château Royal de Cracovie), Cracovie 1929
Valentin Vàsquez de Prada, Tapisseries et tableaux flamands en Espagne au XVIe siècle, dans Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1955, tome 10, no 1, p. 37-46(lire en ligne)
Guy Delmarcel, La Tapisserie flamande du XVe au XVIIIe siècle, Imprimerie nationale, Paris, 1999 (ISBN2-7433-0337-9)
Fernando Checa, Trésors de la Couronne d'Espagne. Un âge d'or de la tapisserie flamande, Fonds Mercator, Bruxelles, 2010, (ISBN978-90-6153-947-6)