Talbot-Lago Record
La Talbot Lago-Record Type T26 fut une automobile de distinction construite par le constructeur français Talbot, conçue pour une clientèle exigeante, qui arborait une motorisation à six cylindres. Son lancement, survenu en 1946, marqua une époque où l’industrie automobile, en proie à de nombreuses vicissitudes, cherchait à renouer avec des modèles de prestige. Ce véhicule se distingua par ses lignes élégantes et sa finition soignée, propres à une voiture de direction. Cependant, dans un contexte économique marqué par l’effondrement financier prolongé de la firme Talbot, l’avenir de la T26 devint incertain. En effet, bien que ce modèle connût un certain succès, il apparut que ses dernières unités furent probablement produites aux alentours de 1953. La gamme proposée comprenait des berlines et des coupés, à quatre ou deux portes, dont la carrosserie était intégralement en acier. De nombreux carrossiers, soucieux de satisfaire une clientèle aisée, confectionnèrent des carrosseries sur mesure. Toutefois, le contexte économique défavorable limita considérablement la production de ces modèles uniques. Il existait également une version sportive, raccourcie, connue sous la dénomination de Talbot Lago-Grand Sport Type T26. Contexte et lancementSuite à la débâcle financière et à la dissolution du conglomérat franco-britannique Sunbeam-Talbot-Darracq en 1935, la branche française de cette entreprise fut acquise par Anthony Lago, un ingénieur et industriel de l'automobile d'origine vénitienne, dont la majeure partie de la carrière s'était édifiée en Angleterre durant les années 1920. La société ainsi rachetée par Lago fut officiellement dénommée « Automobiles Talbot-Darracq SA », bien que le nom « Talbot-Lago » se soit imposé dans le monde anglophone. Les véhicules produits par cette nouvelle entité portaient simplement le badge « Talbot » sur leur marché national, conformément à l'usage instauré depuis 1922 par la société prédécesseure, qui avait alors retranché le suffixe « -Darracq » de ses appellations. Toutefois, à partir de 1945, même en France, les sources ont fréquemment utilisé une forme de la dénomination combinée « Talbot-Lago ». Dès l’acquisition de la société en 1935, Lago s’attacha sans tarder à développer une gamme de voitures de luxe et de sport, dont les cylindrées s’échelonnaient de deux à quatre litres. À cette gamme de voitures de tourisme s’ajouta un volet sportif, tant en termes de modèles de compétition que de participation à des épreuves automobiles de haut niveau. Lancée en 1946, relativement peu de temps après la cessation des hostilités, la Talbot Lago-Record Type T26 présentait de fortes similitudes avec les modèles des années trente tels que la Talbot Major et la Talbot Baby, profitant ainsi de la renommée acquise par Talbot avant-guerre. Toutefois, le contexte économique de l’époque rendait illusoire la production de la gamme complète de Talbot, tant les modèles standards que les carrosseries spéciales qui avaient caractérisé la décennie précédente. Si Walter Becchia, l’ingénieur vedette de la firme, fut contraint de rejoindre Citroën au début du conflit, Anthony Lago eut la chance d’accueillir en 1942 un autre ingénieur d’exception, Carlo Marchetti. Dès lors, tous deux collaborèrent à la conception d’un six cylindres en ligne de 4 483 cm³, doté d’un double arbre à cames en tête, qui allait équiper la Talbot T26. Le gouvernement français qui accéda au pouvoir en 1945 nourrissait une conviction ferme en faveur d’un contrôle politique rigoureux de l’économie. En sus de l’instauration d’un régime fiscal particulièrement punitif envers les automobiles dont la cylindrée excédait 2 litres, il mit en œuvre, en janvier 1946, le plan Pons. Ce dernier prescrivait aux constructeurs automobiles français les types de véhicules qu’ils étaient autorisés à produire. Par ailleurs, l'approvisionnement en matériaux, notamment en acier, était également soumis à une régulation étroite, rendant ainsi l'exécution du plan Pons inéluctable. Bien que la fabrication de véhicules ne fût pas formellement interdite à des marques comme Talbot, celles-ci, à l'instar de Hotchkiss et de Delahaye-Delage, se virent cantonnées à une catégorie désignée par la bureaucratie sous l'appellation de « véhicules de classe exceptionnelle ». L’application de ce plan atteignit son apogée en 1946, année durant laquelle Talbot reçut l’agrément gouvernemental pour produire un premier lot de 125 voitures, sous réserve que celles-ci fussent exclusivement destinées à l’exportation. La Talbot Lago-Record Type T26 a été présentée pour la première fois au public en 1946. Voiture de courseLa Talbot-Lago T26 Record se distinguait par une puissance fiscale de 26 ch et une force motrice réelle revendiquée de 170 ch, transmise aux roues arrière par l'entremise d'une boîte de vitesses pré-sélective Wilson à quatre rapports. Ce puissant mécanique propulsait l'auto à une vitesse de pointe annoncée de 170 km/h. Presque toutes les berlines Talbot commercialisées à la fin des années 1940 étaient habillées de carrosseries conçues et réalisées au sein des vastes ateliers de la marque. L'offre se concentrait principalement sur les élégantes « autocars » à deux portes ou les berlines à quatre portes, mais un cabriolet à deux places venait compléter la gamme. Quelques modèles d'exception, revêtus de carrosseries réalisées par d'éminents carrossiers tels que Graber, venaient enrichir cette proposition[1]. Nouveaux corps pour 1952En 1951, au moment où les rapports relatifs aux difficultés financières de la société prenaient de l'ampleur, une nouvelle carrosserie au design « Ponton » fut présentée. Les empattements furent conservés à partir des modèles antérieurs. Bien que cette nouvelle voiture fût remarquable par son caractère résolument moderne sous plusieurs aspects, elle se distinguait notamment par son pare-brise avant, désormais divisé en deux parties, là où son prédécesseur arborait un vitrage unique et plat. Ce changement semblait refléter les défis de l’époque, qui consistaient à allier la solidité d’un pare-brise avec un verre courbé, tout en maintenant un prix et une qualité acceptables. La lunette arrière, initialement de grande taille, céda place, lors d’un restylage un an plus tard, à une version dite « panoramique », à trois parties, laquelle fut présentée au Salon de l’automobile de Paris en 1952. Les caractéristiques techniques du moteur demeurèrent inchangées, tout comme la vitesse maximale annoncée de 170 km/h, bien que la nouvelle carrosserie fût alourdie de quelque 100 kg par rapport à son prédécesseur[1]. CommercialLe prix annoncé pour une Talbot Record T26 à carrosserie en acier standard, au printemps 1948, était de 1 250 000 francs. À cette époque, ni le marché automobile français ni la stabilité monétaire n'avaient retrouvé un état de normalité après les perturbations causées par la guerre. De plus, en raison de son statut de modèle haut de gamme, la Talbot se trouvait sans véritables concurrents directs à même de servir de comparaison, car les constructeurs automobiles de luxe français d’avant-guerre peinaient à retrouver une place dans le monde d'après-guerre. Quelques échelons plus bas dans la hiérarchie, la Ford V8, annoncé au Salon de l'automobile de Paris en 1947, était proposé au prix de 330 750 francs, tandis que la version six cylindres de la Citroën Traction Avant était affichée à 330 220 francs pour ceux en mesure d'acquérir une voiture neuve. Il convenait donc qu'un acquéreur de la Talbot T26 devait disposer d'environ quatre fois le prix des berlines six cylindres de haut de gamme issues des gammes grand public. Cinq ans plus tard, lors du Salon de l'automobile de Paris de 1952, une version standard à carrosserie en acier de la Talbot T26, désormais dotée d'une carrosserie moderne et imposante, était proposée au prix de 2 250 000 francs. La V8 de Ford avait alors cédé la place à la Ford Vedette, affichée au prix de 935 000 francs, tandis que le tarif de la version six cylindres de la Citroën Traction Avant avait été réajusté à 829 920 francs[2]. Même si le prix de la Talbot n’avait pas progressé avec la même rapidité que celui des berlines six cylindres moins prestigieuses proposées sur le marché français, il demeurait fermement hors de portée de l’immense majorité, n’étant accessible qu’à une poignée d’acquéreurs potentiels. Ainsi, les ventes du modèle T26 pouvaient être estimées, dans le meilleur des cas, à plusieurs centaines d’exemplaires. Les données spécifiques concernant les ventes isolées du T26 n’ont pas été identifiées de manière précise, mais il convient de noter que ce modèle représentait le principal produit du fabricant durant cette période. En ce qui concerne la production de l’usine Talbot de Suresnes, les chiffres témoignent d’une nette diminution au fil des années. En 1950, la production atteignait 433 véhicules ; cette quantité chuta à 80 unités en 1951, puis à 34 en 1952, pour culminer à seulement 17 en 1953. Parmi ces 17 Talbot fabriquées en 1953, 13 étaient des modèles T26, tandis que les 4 autres constituaient des exemplaires de son homologue à quatre cylindres, une version redéfinie sous l’appellation « Talbot Baby », qui faisait revivre un nom d’avant-guerre, lancé en 1951. Références
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