En mathématiques, La suite de Conway est une suite d'entiers étudiée en 1986 par le mathématicien britannique John Horton Conway, initialement sous le nom de « suite audioactive »[1],[2]. Elle est également connue sous le nom anglais de Look and Saysequence (« suite regarde et dis »). Elle est répertoriée comme suite A005150 de l'OEIS.
Dans cette suite autoréférente, chaque terme se détermine en annonçant les chiffres formant le terme précédent.
Définition
Le premier terme de la suite de Conway est posé comme égal à 1. Chaque terme de la suite se construit en décrivant le terme précédent, c'est-à-dire en énonçant le nombre de fois où chaque chiffre est répété, suivi du chiffre en question.
Concrètement :
Ce terme comporte simplement un « 1 ». Par conséquent, le terme suivant est :
Celui-ci est composé de deux « 1 » :
En poursuivant le procédé :
12 11
11 12 21
31 22 11
13 11 22 21
Et ainsi de suite.
Il est possible de généraliser le procédé en prenant un terme initial différent de 1. Dans le reste de cet article, on supposera que le terme initial vaut 1.
Historique
C'est au départ une devinette posée en marge des olympiades internationales de mathématiques de 1977 à Belgrade, mais son origine est peut-être plus ancienne[3]. Mario Hilgemeier en donne quelques propriétés en 1986[4],[5] et Conway lui donne ses lettres de noblesse la même année[1],[2].
La suite de Conway a de multiples propriétés. Certaines d'entre elles sont indiquées ci-dessous, avec, pour les plus simples, les démonstrations correspondantes.
Aucun terme de la suite ne comporte un chiffre supérieur à 3.
Démonstration
Remarquons d’abord que 1, 2 et 3 apparaissent bien (cf X(6) par exemple). Supposons que le chiffre 4 apparaît pour la première fois dans X(n). Il indique une suite de 4 chiffres identiques dans X(n-1) (sinon il aurait déjà été présent dans X(n-1)). Donc X(n-1) contenait xxxx (x= 1, 2 ou 3). Or ceci est impossible car, quelles que soient la position et le contenu de cet ensemble de 4 chiffres identiques, il aurait dû être écrit différemment dans X(n-1). Donc le chiffre 4 ne peut apparaître, ni, par le même raisonnement, les chiffres supérieurs.
Hormis le terme initial, tous les termes de la suite possèdent un nombre pair de chiffres.
Démonstration
À l'exception du premier d'entre eux; tous les termes de la suite sont le résultat de la "lecture" du terme précédent. Or cette "lecture" donne par construction une suite de paires de chiffres: par exemple "3" lu donne "13", "111" lu donne "31", "22" lu donne "22", etc.. Donc tout terme (sauf le premier) est constitué de paires de chiffres donc constitué d'un nombre pair de chiffres.
À partir du quatrième terme, les termes de rang pair se terminent par 211 et les termes de rang impair par 221.
Démonstration
Démontrons cette propriété par récurrence. Si X(n) se termine par "211", alors X(n+1) se termine par “x221” donc bien “221”. Si X(n) se termine par "221" alors c’est soit "1221", ce qui donne “x12211” dans X(n+1) donc bien “211”; ou c'est "2221" qui donne "3211" donc bien "211"; ou enfin c'est "3221" qui donne "x32211" donc bien "211". Donc, comme X(4) se termine par 211, X(5) doit se terminer par 221 puis tous les autres X(n) se terminent alternativement par 211 (n pair) ou 221 (n impair).
À partir du huitième terme, les termes commencent cycliquement par "1113", "3113" et "1321".
Démonstration
Remarquons que X(11)= "111312…." puis X(12)="3113… "et X(13)="1321.." commencent respectivement comme X(8), X(9) et X(10).
Plus généralement si X(n) commence par "1113x" (x#3) alors X(n+1) commence par "3113" puis X(n+2) par "1321" et X(n+3) par "111312" ce qui lui donne la même propriété que X(n).
Or X(8) a cette propriété. Donc:
tous les X(n) (n=8+3p) commencent par 1113x x#3 (et même 111312 pour p>0)
tous les X(n) (n=9+3p) commencent par 3113
tous les X(n) (n=10+3p) commencent par 1321
La suite de Conway est strictement croissante, ainsi que celle des L(n) où L(n) est le nombre de chiffres constituant le n-ième terme de la suite de Conway.
Démonstration
On constate que c’est bien le cas pour X(n) jusqu’à X(10) au moins, ainsi que pour L(n) à partir de L(6).
Notons que dans la construction de X(n+1) à partir de X(n), un singleton (un entier isolé) devient une paire (augmentant la longueur L(n) de 1), une paire reste une paire (sans impact sur la longueur) et un triplet (trois entiers identiques consécutifs) devient une paire (diminution de 1 de L(n)).
Démontrons d’abord que L(n+1) est supérieure ou égale à L(n), sachant que ces deux nombres sont pairs (cf propriété précédente).
Pour cela il faut et il suffit que S(n) (le nombre de singletons dans X(n)) soit supérieur ou égal à T(n) (le nombre de triplets de X(n)).
Si X(n) ne contient pas de triplet, la propriété est évidemment vérifiée.
Si X(n) contient au moins un triplet, appelons T(1,n) le premier triplet de X(n) rencontré en partant de la fin de X(n).
Le dernier chiffre de X(n) est de rang pair, car L(n) est pair. Comme le premier et le dernier chiffres de tout triplet sont de rang impair, il y a donc un nombre impair de chiffres entre T(1,n) et la fin de X(n). Donc au moins 1 singleton (puisqu’il ne peut par hypothèse y avoir de triplet entre T(1,n) et la fin de X(n)). En répétant le raisonnement sur T(2,n) et les suivants on démontre bien qu’il y a toujours au moins un singleton derrière un triplet, situé avant le triplet suivant s’il y en a un. Donc au moins autant de singletons que de triplets dans X(n). Donc L(n+1) est supérieure ou égale à L(n).
Donc tout X(n) a au moins autant de singletons que de triplets dans sa partie commençant par son premier triplet (en partant de la gauche).
Or la propriété relative aux premiers chiffres de X(n) montre que tous les X(n) commencent soit par un singleton, soit par "111" suivi de 2 singletons: donc dans tous les cas X(n) a plus de singletons que de triplés. Donc L(n) est une suite strictement croissante (n>=6) , et, par conséquent, X(n) également.
En moyenne, les termes de la suite possèdent 50 % de chiffres 1, 31 % de 2 et 19 % de 3.[réf. nécessaire]
Le nombre de chiffres du n-ième terme de la suite est équivalent à Cλn, où λ ≈ 1,303 577[6] est un entier algébrique de degré 71 nommé constante de Conway[7],[8], et C est une autre constante. En particulier :
Cette propriété reste vraie dans le cas général[9] où le premier terme de la suite est choisi différent de 1 (et de 22, puisque dans ce cas la suite est constante), avec une constante C qui dépend de ce choix, mais avec toujours la même constante λ.
John Conway qualifia initialement cette suite de « désintégration audioactive » (audioactive decay en anglais), un jeu de mots sur la désintégration radioactive, en remarquant le comportement des différents termes de la suite.
Dans son théorème cosmologique[8], il démontra qu'à partir d'un certain point, presque tous les termes de la suite peuvent être décomposés en 92 sous-termes (nommés éléments, par analogie avec les éléments chimiques) qui se décomposent au terme suivant en un certain nombre d'autres éléments[5].
Par exemple, l'élément le plus simple, nommé hydrogène, est la séquence qui donne elle-même au terme suivant. La séquence est dénommée manganèse ; au terme suivant, elle donne qui se décompose en les séquences prométhium () et sodium ().
Il a été montré que si l'on débute la suite par le terme uranium, les 91 autres éléments seront apparus dans un terme ou un autre au bout de 91 itérations.
↑ a et b(en) J. H. Conway, Open Problems in Communications and Computation,
Wonderful Chemistry of Audioactive Decay, New York, Springer-Verlag, (lire en ligne), p. 173-188
↑ a et bDaniel Lignon, « La suite audioactive, une devinette décryptée par les maths », Tangente, no 191, , p. 46-47 (lire en ligne)