Suicide au JaponLe suicide au Japon est un phénomène national d'envergure importante[1],[2]. HistoriqueDans la culture japonaise, on retrouve une longue tradition de considérer certains types de suicide comme honorables, en particulier dans un cadre militaire. Par exemple, le hara-kiri est l'utilisation d'une épée courte pour s'étriper soi-même, généralement utilisée par les samouraï pour éviter le déshonneur, par exemple après une défaite ou pour protester contre une action du gouvernement. Les kamikaze s'écrasent en avion sur l'ennemi pendant la Seconde guerre mondiale. Les banzaï sont des charges massives d'infanterie japonaises pendant la guerre du Pacifique, sans grandes chances de survie[3]. En 1998, on note une augmentation des suicides de 34,7 % par rapport à l'année précédente, ce qui pousse le gouvernement japonais à réagir en finançant le traitement des causes principales de suicides et l'accompagnement médical des personnes ayant fait une tentative de suicide. Le Japon a un taux de suicide élevé par rapport à la plupart des autres pays, mais leur nombre décroît depuis 2010, restant à moins de 30 000 suicides par an pendant neuf années consécutives[4],[5]. En 2014, en moyenne, 70 Japonais se suicident par jour[6], dont 71 % d'hommes. Il s'agit de la première cause de mort chez les hommes de 20 à 44 ans. En 2016, le taux de suicide atteint le chiffre le plus bas depuis 22 ans à 21 764 suicides, dont 15 017 hommes et 6 747 femmes[7]. Il est de 21 007 en 2021, en très légère diminution par rapport à 2020[8]. DémographieLes suicides sont très majoritairement masculins, avec 71 % des victimes en 2007. En 2009, le nombre d'hommes suicidés atteint 23 472, dont 40.8 % d'hommes âgés de 40 à 69 ans. Le suicide est la première cause de décès des hommes de 20 à 44 ans[9]. Les hommes ont deux fois plus de chances que les femmes de se suicider après un divorce, mais le suicide reste la première cause de décès des femmes de 15 à 34 ans au Japon[10]. En 2009, le nombre de suicide atteint 34 845 cas, soit presque 26 suicides pour 100 000 habitants, et dépasse les 30 000 cas pour la douzième année consécutive[11]. En 2014, le suicide est la première cause de mort pour les jeunes de 10 à 19 ans[12],[13]. LieuxUn lieu commun pour les suicides est Aokigahara, une forêt située au pied du Mont Fuji[14]. Jusqu'en 1988, on y compte environ 30 suicides par an[15]. En 1999, on en recense 74[16], puis 78 en 2002[17]. En 2003, on arrive à 105 corps trouvés dans la forêt[18]. La zone est patrouillée par la police, à la recherche de personnes cherchant à se suicider. En 2010, on compte 247 tentatives de suicides dont 54 fatales dans cette forêt. Les rails de train sont aussi des lieux de fort suicide, en particulier avec la ligne rapide Chūō[19]. La préfecture qui compte le plus haut taux de suicides est la préfecture d'Akita avec 31,86 suicides pour 100 000 habitants, pour une moyenne nationale de 22,94 suicides pour 100 000 habitants[20]. Au contraire, la préfecture de Nara ne compte que 17,28 suicides pour 100 000 habitants. CausesCauses les plus communesLes facteurs majeurs du suicide incluent le chômage, des périodes de stagnation ou de récession économique (comme la décennie perdue entre 1990 et 2010), et la pression sociale[21]. En 2007, la police identifie 50 motifs de suicide, avec un maximum de 3 motifs à identifier pour chaque cas de suicide. La dépression arrive en tête, suivie par la perte d'un emploi et les difficultés de vie[22]. Près de 2 000 lycéens se sont suicidés en raison de harcèlement scolaire[23]. En 2021, les problèmes de santé sont au premier rang en tant que facteur contribuant à un suicide (47 %), suivis par les problèmes économiques et de subsistance (16 %) et les problèmes de famille (15 %)[8]. Liens avec l'emploiL'économie du Japon est la troisième plus large au monde mais connaît sa plus importante récession depuis la Seconde guerre mondiale au début de 2009, faisant arriver le chômage, historiquement extrêmement bas en raison de la tradition de l'emploi à vie, à 5,7 % en [24]. Les chômeurs forment 57 % de la population suicidée. Auprès des personnes ayant un emploi, la pression des heures supplémentaires et du peu de jours de congé ou de congé maladie ont un impact négatif sur la santé mentale. D'après le gouvernement, la fatigue due au travail et les problèmes de santé, incluant la dépression due au travail, sont des motifs importants de suicide, affectant le bien-être des salariés et touchant 47 % des suicidés en 2008[25],[26]. Sur 2 207 cas liés au travail en 2007, on en compte 672 dus au karōshi, la mort par excès de travail. Dans certains cas, le suicide peut suivre une erreur professionnelle. Après le Vol 123 Japan Airlines, le technicien de maintenance Hiroo Tominaga se suicide pour s'excuser auprès des victimes. De plus, le vide de la retraite pousse les personnes âgées au suicide chaque année. En réponse à ces suicides, beaucoup d'entreprises et d'organismes ont mis en place des activités pour les personnes âgées qui peuvent se sentir seules et sans objectif[27]. Prêts aux particuliersLa police compte un quart de suicides dus aux finances. Chaque année, on compte un grand nombre d'inseki-jisatsu (引責自殺 , suicides dus aux responsabilités). Les banques japonaises forcent les emprunteurs à utiliser des proches comme garants, ce qui cause une culpabilité extrême auprès du prêteur en cas de défaut de paiement[28]. Plutôt que de forcer les garants à payer, beaucoup choisissent de régler leurs impayés grâce à leur assurance-vie. En 2005, 17 banques ont reçu 4 300 000 000 yens suivant un suicide, de la part de 4 908 emprunteurs, soit 15 % du total des suicides de l'année[29]. Attitude culturelle face au suicideLe gouvernement japonais investit des ressources non négligeables pour limiter le taux de suicide. Cependant, la culture japonaise a tendance à accepter le suicide, qui a atteint le niveau d'« expérience esthétique » au sens culturel et social[30]. La conception commune du suicide est celle d'une action qui montre une certaine responsabilité morale[31]. Cette tolérance peut venir de la fonction historique du suicide dans l'armée : aujourd'hui, les suicides d'honneur sont appelés hara-kiri[32]. Elle peut aussi expliquer par le concept d'amae, le fait que l'acceptation et la conformité transcendent l'individualité de chacun[33]. La valeur de quelqu'un est donc corrélée à la façon dont cette personne est perçue par les autres, ce qui augmente les chances de suicide si la personne se sent ostracisée[34]. La tradition du suicide reste elle aussi positive : le gouverneur de Tokyo Shintarō Ishihara décrit Toshikatsu Matsuoka comme un « véritable samouraï » lorsque ce dernier se suicide pendant un scandale politique. Ishihara rédige aussi le scénario du film Je pars mourir pour vous, qui glorifie le courage des pilotes kamikazes de la Seconde Guerre mondiale[35]. Dans les années 1990, la forte hausse du taux de suicides change les comportements de la population japonaise[36]. Notes et références
Voir aussiArticles connexes
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