Le service paramilitaire de la CIA a porté divers noms au cours de son histoire. Il a agi en Corée, en République populaire de Chine, au Tibet, au Congo, en Indonésie, en Bolivie (traque de Che Guevara), en Asie du Sud-Est, etc. À la suite de l'échec du débarquement de la baie des Cochons en 1961, la plupart des programmes paramilitaires en cours de la CIA furent confiées à l'armée. Au Viêt-nam, la CIA avait mené diverses opérations d'infiltration d'agents au Nord-Viêt Nam et de formation d'unités irrégulières du Civilian Irregular Defense Group (CIDG) via la branche paramilitaire de sa station de Saïgon, la Military Operations Section (MOS) - qui utilisait le nom de couverture de Combined Studies Division (CSD)[2]. L'autorité sur ces missions fut transférée de la station de la CIA au Military Assistance Command, Vietnam dans le cadre de l'opération Switchback (voir aussi l'article sur le Military Assistance Command, Vietnam – Studies and Observations Group). Au Laos, la CIA finança une « armée secrète » issue du peuple Hmong et commandée par Vang Pao.
Le service d'action secrète de la CIA fut réduit après la fin de la guerre du Viêt Nam. Il fut toutefois largement utilisé sous la présidence de Jimmy Carter ; à l'époque il s'appelait Covert Action Staff (CAS)[3]. Sa branche paramilitaire était appelée Special Operations Group et dirigée par James Glerum en 1978[4].
Au cours des années 1980, appelé International Activities Division (IAD) et dirigée par Robert Magee, il fut impliqué dans l'assistance secrète aux Contras du Nicaragua[5], notamment via sa branche paramilitaire, dirigée par Rudy Enders[6]. Un agent de l'IAD, Keith Hall, fut envoyé à Beyrouth pour traquer les terroristes responsables de l'attentat contre l'ambassade américaine en avril 1983[7]. L'IAD s'occupait aussi d'assistance secrète aux services gouvernementaux de pays alliés tels que le Maroc[8].
Dans la deuxième moitié des années 1980, le service d'action clandestine avait été renommé Special Activities Staff (SAS), et sa branche paramilitaire, Special Operations Group (SOG). Le SAS comprenait par ailleurs une Air Branch, une Maritime Branch, une Ground Branch et une Contracts Branch[9]. La branche paramilitaire de la CIA a également été mise à contribution dans le cadre du programme afghan. Un de ses officiers impliqués dans le programme était Michael G. Vickers[10].
À la fin de la guerre froide, la CIA réduisit ses forces d'action clandestine et en particulier paramilitaires. En 1993, le Special Activities Staff comptait 190 personnels et gérait un budget de 70 millions de dollars. Cela ne changea qu'en 1997 lorsque George Tenet devint directeur de la CIA et décida d'augmenter les moyens de son agence[11]. En 1997, à un colloque intitulé Does America Need the CIA? (« Est-ce que l'Amérique a besoin de la CIA ? »), le directeur de la CIA George Tenet défendit (entre autres) le maintien des capacités d'action secrète de la CIA « parce que chaque Président depuis Truman a voulu que cette option soit disponible. De surcroît, le Congrès a voulu que le Président ait cette option[12] ».
Au milieu des années 1990, le SAS a été renommé Special Activities Division[13]. De novembre 1995 à juin 1997, le directeur adjoint de cette division était le général de brigade William G. Boykin. Un de ses rôles à l'époque était de coordonner la collecte et l'analyse de renseignement sur des personnes inculpées de crimes de guerre dans les Balkans en vue d'arrestations de vive force[14].
Un autre nom porté par ce service est Military and Special Programs Division[15]. En 1996, elle signa un accord de soutien mutuel avec le Defense POW/Missing Personnel Affairs Office (DPMO) en matière de récupération de personnel[16]. Elle fut aussi impliquée dans un programme de lutte contre le trafic de drogue au Pérou à partir de 1997[17].
Au début de la guerre d'Afghanistan, la CIA envoya des équipes pour établir le contact avec les chefs de guerre afghans opposés aux Talibans. La première équipe, nom de code Jawbreaker, dirigée par Gary Schroen, arrivée dans la vallée du Pandjchir le 27 septembre, fut la première force américaine déployée en Afghanistan. Ces équipes comprenaient des officiers paramilitaires de la Special Activities Division[18]. Sa présence en Afghanistan fut le sujet d'une certaine couverture médiatique, notamment à cause de la révélation de la mort d'un officier paramilitaire de la CIA lors de la mutinerie de Qala-e-Jangi[19].
À cette époque, la Special Activities Division comptait environ 200 personnes et était apparemment organisée en plusieurs groupes[20] :
le Special Operations Group qui mène les opérations paramilitaires
le Foreign Training Group chargé de la formation de services de police et de renseignement étrangers
le Propaganda and Political Action Group chargé de la désinformation
le Computer Operations Group qui s'occupe de la guerre de l'information
le Proprietary Management Staff qui gère les compagnies fictives servant de couvertures aux activités secrètes
Au début de la guerre d'Afghanistan, la Special Activities Division ne comptait plus que quelques dizaines d'officiers paramilitaires. Beaucoup étaient entraînés dans une autre spécialité telle qu'officiers traitants ou officiers d'opérations, mais la plupart manquaient de connaissances linguistiques utiles, de connaissance de l'Asie Centrale ou d'expérience en contre-terrorisme[21]. Lors des premières opérations en Afghanistan, le chef de la Special Activities Division était Rod Smith[22]. Un de ses successeurs fut John D. Bennett[23].
Dans son rapport final (2004), la Commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis a recommandé de placer toutes les opérations paramilitaires sous l'autorité du département de la Défense et de fusionner toutes ces activités avec celle de l'United States Special Operations Command, les opérations devant être planifiées de manière commune. Les arguments sont qu'avant le 11 septembre la CIA n'avait gardé qu'une capacité limitée d'action clandestine, et que ces capacités font doublon avec celles du département de la défense. Les ressources seraient plus efficaces et moins coûteuses si elles étaient regroupées en une seule entité[25]. Cette idée soulève plusieurs problèmes, dont la question de la supervision de ces opérations (les lois qui régissent les actions secrètes sont différentes de celles encadrant les opérations de l'armée) et la crainte d'une perte de flexibilité de la CIA qui était un de ses points forts par rapport aux forces spéciales militaires[26]. Le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et le directeur de la CIA Porter Goss se sont tous deux opposés à une fusion. Cette recommandation de la commission est une des rares à ne pas avoir été suivie[27].
En 2015, un organigramme déclassifié de la CIA indique qu'elle a désormais un Special Activities Center[28].
Chris Mueller et William Carlson: Le 25 octobre 2003, les officiers paramilitaires Christopher Mueller et William Carlson ont été tués alors qu'ils menaient une opération visant à tuer / capturer des dirigeants d'al-Qaida de haut niveau près de Shkin, en Afghanistan. Ces deux officiers ont reçu des étoiles sur le mur commémoratif de la CIA à leur quartier général à Langley, en Virginie[31]. «Le courage de ces deux hommes ne peut être surestimé», a déclaré le directeur du renseignement central, George Tenet, lors d'un rassemblement de plusieurs centaines d'employés de l'Agence et de membres de leur famille. "Chris et Chief font passer la vie des autres avant la leur. C'est l'héroïsme défini." Mueller, un ancien Navy SEAL et Carlson, ancien soldat des forces spéciales de l'armée, opérateur de la Delta Force et membre de la nation Blackfeet dans le Montana, sont morts lors de cette opération secrète. Les deux officiers ont sauvé la vie d'autres personnes, y compris des soldats afghans, lors de l'engagement avec les forces d'al-Qaida[31],[32]. Dans le livre d'Oliver North American Heroes in Special Operations un chapitre est consacré à leur histoire[33].
↑Souvent appelée SAD dans la littérature populaire, mais plusieurs auteurs spécialistes du domaines parlent de Special Activities (SA) Division ; par ailleurs, le « D » des divisions de la CIA n'est habituellement pas abrégé. ((en) Jeffrey T. Richelson, The US Intelligence Community, Boulder, Colorado, Westview Press, , 5e éd. (1re éd. 1985), 592 p. (ISBN978-0-8133-4362-4), p. 22 ; (en) Loch K. Johnson, Secret agencies : U.S. Intelligence in a Hostile World, New Haven, Yale University Press, , 262 p. (ISBN0-300-06611-2, lire en ligne), p. 133)
↑(en) Thomas L. Ahern, Jr., CIA and Rural Pacification in South Vietnam, Center for the Study of Intelligence, (lire en ligne), p. 43. (en) Harve Saal, SOG : MACV Studies and Observations Group, vol. I : Historical evolution, Edwards Brothers, , 4 p. (ISBN0-9625970-2-3), p. 153. (en) Harve Saal, SOG : MACV Studies and Observations Group, vol. I : Historical evolution, Edwards Brothers, , 4 p. (ISBN0-9625970-2-3), p. 153 cite aussi les noms de Combined Studies Group (CSG) et Combined Area Studies (CAS) comme alternatives à CSD.
↑(en) Robert M. Gates, From the Shadows : The Ultimate Insider's Story of Five Presidents and How They Won the Cold War, New York, Simon & Schuster, , p. 91
↑(en) Duane R. Clarridge et Digby Diehl, A Spy For All Seasons : My Life in the CIA, New York, Scribner, (ISBN0-7432-4536-9), p. 230, 265, 268
↑(en) Steven Emerson, Secret Warriors : Inside the Covert Military Operations of the Reagan Era, New York, G.P. Putnam's Sons, , 256 p. (ISBN0-399-13360-7, présentation en ligne), p. 124, 150
Il existe une traduction française de ce livre : CIA : Les guerriers de l'ombre, éditions Economica, Paris, 1991 (ISBN2-7178-2075-2)
↑Bob Woodward (trad. de l'anglais par Jérôme Verdier), CIA : Guerres secrètes 1981-1987 [« Veil: the secret wars of the CIA 1981-1987 »], Paris, Stock, , 606 p. (ISBN2-234-02086-7 et 978-2-234-02086-3), p. 358-359
↑(en) George Crile, Charlie Wilson's War : The Extraordinary Story of How the Wildest Man in Congress and a Rogue CIA Agent Changed the History of Our Times, New York, Grove Press, , 550 p. (ISBN0-8021-4124-2, lire en ligne), p. 289
↑(en) Andrew Koch, « US Central Intelligence Agency Forces: Covert Warriors », Jane's Defence Weekly,
↑George Tenet, « DCI Remarks: Does America Need the CIA? », Gerald R. Ford Library, Ann Arbor, Michigan, 19 novembre 1997 [lire en ligne]
↑Johnson 1996, p. 4, 133 semble être la plus ancienne source à dévoiler le nom de Special Activities Division
↑(en) LTG (Ret.) William G. Boykin et Lynn Vincent, Never Surrender : A Soldier's Journey to the Crossroads of Faith and Freedom, New York, FaithWords, , 350 p. (ISBN978-0-446-58215-5 et 0-446-58215-8), p. 297-302
↑Richelson 2008, p. 22. Un de ses anciens chefs est William Rooney [1], et un de ses chefs adjoints militaires était le colonel Joseph S. Lahnstein [2]
↑son chef fut auditionné par le Congrès : (en) US Senate Select Committee on Intelligence, Report on a Review of United States Assistance to Peruvian Counter-Drug Air Interdiction Efforts and the Shootdown of a Civilian Aircraft on April 20, 2001, 107th Congress, 1st Session, S. Prt. 107-64, Washington, D.C., U.S. Government Printing Office, octobre 2001, [lire en ligne], p. 1
↑(en) Bob Woodward, « Secret CIA Units Playing a Central Combat Role », The Washington Post, , A01 (lire en ligne). Le rôle des équipes de la CIA au début du conflit afghan a notamment été décrit dans les livres suivants : Bob Woodward, Bush s'en va-t-en guerre ; Gary Schroen, First In ; Billy Waugh, Hunting the Jackal ; Henry A. Crumpton, « Intelligence and War: Afghanistan, 2001-2002 », dans Jennifer E. Sims et Burton L. Gerber, Transforming U.S. intelligence ; Gary Berntsen, Jawbreaker ; et George Tenet, At the center of the storm
↑(en) Henry A. Crumpton, « Intelligence and War: Afghanistan, 2001-2002 », dans Jennifer E. Sims et Burton L. Gerber, Transforming U.S. intelligence, Washington, Georgetown University Press, , 285 p., broché (ISBN1589010698), chap. X, p. 169-170
↑Bob Woodward, Plan d'attaque. Un autre récit d'une de ces équipes est le livre de Mike Tucker et Charles S. Faddis, Operation Hotel California: The Clandestine War Inside Iraq
↑(en) Richard A. Best Jr. et Andrew Feickert, « Special Operations Forces (SOF) and CIA Paramilitary Operations : Issues for Congress », Congressional Research Service, 2004 (mise à jour 3 août 2009, p. 9 (lire en ligne)
↑(en) John J. Lumpkin, « Rumsfeld, Goss oppose DoD assumption of CIA paramilitary covert operations », Army Times, (lire en ligne)
↑Douglas Jehl, « Two C.I.A. Operatives Killed In an Ambush in Afghanistan », The New York Times, (lire en ligne, consulté le ) :
« After (Chief) Carlson's death, he soon became a legend among his current peers from the same organizations. Very little has been documented, due to operational security requirements at such a high level, but what has been known by many who have studied his life was that he was possibly one of the most unique and memorable assets/operators with SAD (SOG), as well as when in Delta, or TF Green as they were last referred to. His awards, as one former Delta operator once quietly said, were not, and would never be, worthy of his heroism in the face of an overwhelming force during the time of the ambush and the past engagements and operations he has been a part of that have become milestones in history, from Bosnia, Iraq, Afghanistan, and up to his death. Rumors later surfaced that those responsible for killing the former SEAL and Chief were dealt with rapidly, but as with so many near mythical heroes in U.S. Special Operations (especially retiring Tier 1 operators), it remains a loss for the families who luckily have had some support from the SOF community, and foundations have been established. »