Soeuf Elbadawi, né en 1970 à Moroni, est un acteur majeur de la scène culturelle comorienne. Ancien journaliste passé au théâtre, il dirige, aujourd’hui, la compagnie de théâtre BillKiss I O Mcezo* Cie et le groupe de musique comorienne Mwezi WaQ., après avoir œuvré, plusieurs années, au sein de Radio France Internationale à Paris.
Auteur publié en France et aux Comores, son écriture parle de la difficulté de la relation entre les êtres, lorsque viennent s'y mêler fantasmes et fictions collectives. Elle questionne la mémoire et le vécu politique de ses concitoyens. Soeuf Elbadawi conçoit également des installations à caractère pluridisciplinaire, faisant se rencontrer l’image, le son et le spectacle vivant[1].
Artiste citoyen
Retour au théâtre après une carrière journalistique
Après plusieurs années consacrées au journalisme (Radio Comores, RFI, Africultures, Al-Watwan, Kashkazi), Soeuf Elbadawi décide de retourner sur les planches - la passion de ses vingt ans - en 2005. Pris en main par Michel Charles (la Rue Blanche, Paris) en 1990, il dirigeait, en effet, une troupe (Les Enfants du théâtre)[2] à l'Alliance franco-comorienne de Moroni. Il quitte son pays en 1992, s'installe à Paris, où il évolue dans les médias, avant d'être rattrapé par une envie soudaine de retravailler au plateau. Il considère alors qu'il est « partie prenante » d'une réalité longtemps occultée[3].
Création d'une compagnie de théâtre et expérimentation
Il pose alors ses valises à l'université des Comores où l'écrivain Mohamed Toihiri l'invite à expérimenter ses envies de théâtre. Il y crée un laboratoire de recherche (laboresvik) en 2006, fonde sa compagnie, aujourd'hui appelée BillKiss* I O Mcezo*, en 2008[4]. Depuis, il tente d'éprouver les limites d'un théâtre à vocation populaire et citoyen[5]. Sa compagnie est connue aux Comores pour avoir joué La Fanfare des fous, un spectacle sur la dépossession, en 2009, et pour avoir défendu le concept du gungu la mcezo, détournement d'une tradition de justice populaire appelée gungu, sous la forme d’un théâtre dans l'espace public. Soeuf Elbadawi a reçu le soutien de la Fondation du Prince Claus aux Pays-Bas pour ce travail[6].
Censure et engagement politique à travers le théâtre
Le premier gungu la mcezo, réalisé le 13 mars 2009, lui vaudra une censure[7], de la part des autorités culturelles françaises aux Comores. Organisé avec des militants du mouvement maWatwaniya, ce gungu la mcezo[8] sera orchestré contre l’occupation de Mayotte, une partie de l'archipel des Comores, par la France, aujourd’hui condamnée par les Nations unies. 22 résolutions dont celle prise le 21 octobre 1976, insistant sur la « violation de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la République Indépendante des Comores ». Le succès rencontré depuis par le travail de Soeuf Elbadawi a permis de relancer le débat sur le rôle et la place des artistes dans son pays[9].
Controverse et mémoire coloniale à travers l'art
Soeuf Elbadawi, qui, en 2007, avait été pris à partie par des gens de Moroni, sa ville natale, pour avoir écrit contre le repli communautaire (Moroni Blues/ Chap. II)[10], est un artiste qui dérange dans l'archipel. Pays de lune, son installation au Festival des Arts Contemporains aux Comores (FACC) a été l'occasion en 2014 d'interroger la mémoire des siens et de remuer, comme il l'explique, des « fragments entiers d'histoire coloniale rangés sous le lit de nos grands-pères ». Fondateur à Moroni du Muzdalifa House (2009-2015)[11], lieu d'agitation citoyenne et d'expérimentation artistique, il travaille notamment sur le shungu. Un concept, issu de la tradition comorienne, portant sur les questions du vivre-ensemble, avec la ferme volonté de l'inscrire dans un espace-monde[12].
Projets artistiques et culturels entre Paris et Moroni
Engagé sur plusieurs fronts, il développe différents projets entre Paris et Moroni, ses points d'ancrage. Soeuf Elbadawi s’occupe de Mwezi WaQ., un groupe qui ré-interroge la mémoire musicale de l'archipel. Le groupe a sorti son deuxième album, Le blues des sourds-muets, sous label Buda[13]. Toujours actif dans le paysage médiatique des Comores, il a fondé deux supports papier, l'un à caractère citoyen (2015), Uropve, l'autre à vocation culturelle (2018), Mwezi (groupe AB Aviation), tout en continuant à animer le site internet Muzdalifa House[14] depuis février 2013[15].
2020 : Obsessions de lune/ Idumbio IV, Bilk & Soul.
2013 : Un dhikri pour nos morts. La rage entre les dents, La Roque-d'Anthéron, Vents d'Ailleurs, , 69 p. (ISBN978-2364130319). Prix littéraire des lycéens, apprentis et stagiaires de la région Ile-de-France, édition 2013-2014.
2009 : Moroni Blues/ Une rêverie à quatre, Bilk & Soul, , 70 p. (ISBN978-2953129809)
2008 : Un poème pour ma mère: Une rose entre les dents, Komedit, , 68 p. (ISBN978-2914564861)
2007 : Moroni Blues / Chap. II, Bilk & Soul, , 62 p. (ISBN978-2914564373). Prix Isesco 2010 aux Comores ("Moroni capitale islamique de la culture 2010 pour l'Afrique").
Ouvrages collectifs
2023 : Soeuf Elbadawi I Fragments 2003-2023, recueil d'entretiens, éditions Quatre Étoiles (ISBN9782494613041).
2022 : Médias aux Comores/ Des bribes d'histoire (ré)assemblés, Bilk & Soul.
2021 : Ce que mon père ne m'a peut-être pas dit de/ avec Souef Ali Amane, Bilk & Soul.
2010 : O Mcezo*, Soeuf Elbadawi, Abdéramane Said Mohamed Wadjih, Laboresvik, Ceza, choses dites, entendues ou lues sur le spectacle vivant aux Comores, Bilk & soul, , 77 p. (ISBN978-2953129816)
2007 : Rémi Carayol, Soeuf Elbadawi et Kamal 'Eddine' Saindou, Une suite à Moroni Blues, Levallois-Perret, Les éditions de la lune, , 56 p. (ISBN978-2747526494)
2003 : Dernières nouvelles de la Françafrique, Vents d'Ailleurs, La Roque-d'Anthéron.
Spectacles
2024 : Je suis blanc et je vous merde, France, Zébrures d'Automne, Corrèze / Limousin.
2022 : Obsession(s) Remix, France, Uzerche, Auditorium Sophie Dessus/ Théâtre de l'Echangeur, Paris.
2018 : Obsession(s), France, Théâtre Antoine Vitez, Ivry Sur Seine/ Les Théâtrales Charles Dullin, Val De Marne.
2014 : Obsessions de lune Idumbio IV, France, Comores.
2011 : Un dhikri pour nos morts, La Réunion, Comores, France[16].
2011 : Moroni Blues, Festival des Francophonies en Limousin, Bellac-Limoges[17].
2010 : Pica la manga kalina udowo/ L'image de l'ailleurs ne se vit pas dans le miroir, festival, Bancs Publics, Marseille.