Depuis le Moyen Âge, les dîners de l'aristocratie étaient servis « à la française », avec un summum de luxe au XVIIe siècle. Ce type de service sera remplacé à partir du XIXe siècle par le service dit service à la russe : les hôtes, assis autour d'une table, sont servis à la portion et peuvent manger chaud, ce que le service précédent ne permettait pas d'atteindre réellement.
Cela impose :
la présentation des plats en séquence,
la mise en valeur des rôts (pièces rôties), au centre du repas,
le service à table avec des convives assis, et un service à la place,
du personnel et des ustensiles dédiés à la place et service à la portion.
Ceci présage la restauration en salle pour tout public (les restaurants et leurs rites convenus) inauguré par un cafetier, Boulanger, dans le premier restaurant qui a été ouvert à Paris vers 1765, imitant les rites nouvellement mis en usage dans l'aristocratie.
Histoire
Dans le service à la française, pratiqué au XVIIIe siècle, notamment en France, les plats étaient tous présentés en même temps, du plus consistant au plus léger, car c'était la vue qui comptait ; les convives, debout, se servaient comme bon leur semblait. Le service à la russe a été introduit par le prince Alexandre Kourakine, ambassadeur de Russie en France entre 1808 et 1812, et a remplacé le service à la française en France et dans toute la partie occidentale de l'Europe ; c'est le goût qui a prévalu.
Cette succession des plats et la place prédominante du rôti (ou rôt), et surtout le service à la place, imposeront les normes suivantes du service dit « à la russe » :
un maître d'hôtel, des serveurs et un majordome (théoriquement un par convive),
l'assiette avec la serviette dessus en décoration,
le couteau (lame à l'intérieur) et la cuillère, à droite,
la fourchette à gauche,
les mets sont servis à gauche, desservis à la droite,
le vin est servi à droite, dans des verres différenciés et multiples.
Les majordomes doivent maîtriser au moins trois techniques de service, enseignées dans les écoles hôtelières[1] :
le « service à l'assiette », qui débarrasse l'assiette vide, prépare et replace le plat suivant, et ressert l'assiette du convive depuis le plat à l'aide d'une pince,
le « service au guéridon », le plat étant d'abord présenté aux yeux du convive, puis placé sur un guéridon, pour la préparation et la découpe[2],
le « service à la pince »,
Par synecdoque, le terme entier de « service à la russe » désigne ce dernier service au guéridon et, dans l'esprit populaire, le seul acte de la présentation sur table roulante et la découpe du rôti.
Jacqueline Queneau, La Grande Histoire des arts de la table, photographies de Christine Fleurent, La Martinière, 2006 (ISBN978-2-7006-0446-7).
Patrick Rambourg, « “Service à la française” et “service à la russe” dans les menus du XIXe siècle », dans La Noblesse à table. Des ducs de Bourgogne aux rois des Belges. The Dining Nobility: From the Burgundian Dukes to the Belgian Royalty, Éditions Paul Janssens et Siger Zeischka, Bruxelles, Brussels University Press, 2008 (ISBN9789054874690), p. 45-51.
Kilien Stengel, « Découper une pièce de viande, flamber un dessert du XIXe au XXIe siècle : art, science, privilège et obsolescence », dans Les gestes culinaires. Mise en scène de savoir-faire, Paris, L’Harmattan, coll. « Questions alimentaires et gastronomiques » (ISBN9782343110851), 2017.