Saint-Amand Bazard, dit aussi Armand Bazard, né le à Châtillon et mort le à Courtry, est l'un des fondateurs et dirigeants de la Charbonnerie française, devenu porte-parole et l'un des deux « Pères », avec Enfantin, du mouvement saint-simonien.
Biographie
Naissance et famille
Généalogie
Selon plusieurs sources, Amand Bazard est né le à Paris de parents inconnus[1]. Enfant adultérin, il se serait retrouvé, à 16 ans, livré à lui-même sans ressources[2].
Mais selon son acte de naissance, Amand Bazard est né à Chatillon, fils d'Alexandre Edmé Bazard, bourgeois de Paris, et de Marie Jeanne Françoise Roguet, son épouse[3]. Selon les archives généalogiques Andriveau, ses parents se sont mariés en 1774 à Paris et ont divorcé vingt ans plus tard[4],[5],[6],[a].
Palmyre Bazard, auteure en 1831 du texte Aux femmes, sur leur mission religieuse dans la crise actuelle, est considérée comme sa sœur[b]. Toutefois, il est à noter qu'en 1809, une enfant, nommée Palmyre Virginie Bazard, est déclarée à la mairie de l'ancien 7e arrondissement de Paris comme étant la fille d'« Amand Bazard, employé, et de Marie Julie Seringe, domiciliés même adresse, non mariés »[8]. En 1887, La Revue politique et littéraire écrit : « Dès 1831 parut un « Appel aux femmes sur leur mission religieuse ». L’auteur en était, assure-t-on, Mlle Palmyre Bazard, fille d’un des principaux chefs de la nouvelle école. »[9]
Prosélyte saint-simonienne
Mariage et enfants
En 1812, à 20 ans, Saint-Amand se marie avec Claire Joubert[10]. Claire et son frère Nicolas sont les enfants de Pierre-Mathieu Joubert, conventionnel membre de l'Assemblée constituante de 1789[c], évêque constitutionnel, qui, en 1792, a renoncé à toute fonction ecclésiastique et s'est marié le . Ce beau-père, ancien curé, exerce différentes fonctions publiques : président de l'administration du département de la Seine, préfet de la préfecture du Nord, à Lille, du au , administrateur général de l'octroi de la Seine et conseiller du département de la Seine jusqu'à son décès le . Claire et Saint-Amand ont quatre[11] enfants : la fille aînée Marie-Claire-Alexandrine[12] Bazard née à Paris le , mariée avec Alexandre Guyard de Saint-Chéron, rédacteur du Globe, le journal du mouvement, le avec une célébration organisée par les saint-simoniens[13],[d]rue Monsigny à Paris[14] ; Albert né vers 1815 ; Laure, née le ; et Zaire.
Militaire
Au cours des combats de la bataille de Paris, Saint-Amand Bazard se distingue, chaussée de Vincennes le , en reprenant les canons de l'École polytechnique[15]. Récompensé pour ce fait de bravoure, il est nommé capitaine de la garde nationale et décoré de la croix d'honneur. Puis il obtient un emploi de commis à la division de l'octroi de la préfecture de la Seine[16].
Sociétés secrètes
Saint-Amand Bazard, avec ses amis Philippe Buchez, Pierre Dugied et Nicolas Joubert[e], fonde ou participe à divers groupes rassemblant des étudiants, des jeunes gens du commerce et des collègues commis d'administration à l'octroi[17]. Il devient le Vénérable de la loge des Amis de la Vérité[18], loge maçonnique au fonctionnement ressemblant plutôt à un club républicain, l'objectif étant de débattre et agir, pour renverser les Bourbons, sans s'embarrasser de pratiques considérées comme désuètes. En 1820 il est capitaine de la Compagnie franche des écoles et participe au Bazard français, dont l'échec provoque la fuite vers l'Italie de Philippe Buchez et Nicolas Joubert.
Le , toujours avec les anciens de la loge, Philippe Buchez, Pierre Dugied et Nicolas Joubert, et quelques autres, Bazard fonde une Charbonnerie française, en s'inspirant de la Carbonaria italienne, dont les statuts ont été rapportés d'Italie par Buchez et Joubert[19]. Le groupe traduit le texte et le réécrit en l'expurgeant du religieux et du mystique de l'original napolitain[20]. La direction de la Charbonnerie française est confiée dans un premier temps à Saint-Amand Bazard puis, pour intensifier son influence, à des personnalités[21]. C'est La Fayette qui exerce cette fonction lors de la conspiration avortée de Belfort. Bazard réussit à s'enfuir. Sur la route du retour vers Paris, il rencontre La Fayette, qui avait pris du retard, et lui évite ainsi d'être compromis[22]. Les conspirateurs ayant été infiltrés et certains, comme Philippe Buchez, arrêtés, Bazard est poursuivi et jugé par contumace à la peine de mort[23]. Il entre en clandestinité, mais continuera à publier des articles de manière anonyme.
Saint-simonien
Saint-Amand Bazard sort de l'ombre en signant de son nom un article dans le numéro du du journal Le Producteur, il y participe à la polémique entre les rédacteurs et Benjamin Constant. Son autorité et son sérieux le feront devenir de plus en plus influent, les membres l'écoutent et apprécient ses idées ; sa froideur contraste avec le charisme d'Enfantin. Bazard expose la doctrine de Saint-Simon, notamment dans des réunions où ses qualités d'orateur sont efficaces pour la diffusion des idées et le recrutement de nouveaux adeptes. L'organisation se structure, avec la mise en place d'une stricte hiérarchie. Son emprise sur l'organisation se concrétise en 1828 lorsqu'il devient porte-parole du mouvement. Néanmoins il perd cet avantage, lorsqu'en fin d'année une orientation résolument religieuse du mouvement se dessine sous l'impulsion d'Enfantin. Bazard est réticent, mais il n'a pas les moyens pour s'opposer à la volonté d'Enfantin. Les membres ne les départagent pas, une direction duale est créée. Ils sont nommés co-chefs de la Religion Saint-Simonienne[f]. Le jour de Noël 1829, Bazard et Enfantin reçoivent d'Olinde Rodrigues le titre de « Pères suprêmes ». Cette orientation provoque un premier départ ; Buchez quitte les saint-simoniens.
En 1830, lors de la Révolution de Juillet Saint-Amand Bazard est missionné pour aller demander une dictature provisoire à La Fayette afin de faire passer les réformes économiques saint-simoniennes. Son refus ne tarit pas les ressources des Saint-Simoniens qui voient arriver de nouveaux adeptes. Le rachat du journal Le Globe, en permet d'accroître la propagande; le nouveau Le Globe, paru le , a comme sous-titre Journal de la doctrine de Saint-Simon. Un nouveau tournant a lieu à l'approche de l'été. En août le sous-titre du Globe devient Journal de la religion saint-simonienne. Le religieux et le mystique dominent, la lutte est ouverte entre Bazard et Enfantin. Ce dernier devient le seul « Père Suprême »[24].
Depuis l'origine les deux leaders sont en confrontation. Les premières années, l'autorité était plutôt du côté de Saint-Amand Bazard avec des mots d'ordre comme l’abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme paru dans l’Exposition de la doctrine, ouvrage issu des conférences faites par Bazard au nom de tous. L'évolution religieuse a fait glisser l'avantage vers Enfantin. Pour conserver son autorité, Bazard s'est aventuré dans un champ où il est dominé dans le domaine de l'inventivité intellectuelle. La pression exercée par Enfantin est de plus en plus forte, les orientations qu'il met en pratique dans sa maison rue Monsigny, notamment celles concernant le « mysticisme sensuel », provoquent la rupture[25].
Retraite et décès
Saint-Amand Bazard, affaibli par un accident vasculaire cérébral, survenu pendant le psychodrame, impliquant son épouse Claire, provoqué par Enfantin[26], indique publiquement, le , qu'il se retire de la direction du mouvement. Ce schisme provoque le départ de ses partisans, mais il ne réussit pas à les fédérer pour reprendre la main sur les saint-simoniens. Il meurt à Courtry le [27].
Publications
Articles du journal Le Producteur (1825-1826)
« Des partisans du passé : et de ceux de la liberté de conscience », Le Producteur : journal de l'industrie, des sciences et des beaux-arts, t. 1, , p. 399-411 (lire en ligne, consulté le ).
« Considérations sur les mœurs littéraires de notre époque, à l'occasion d'un article inséré dans le dernier numéro de la Revue Encyclopédique », Le Producteur, t. 2, no 9, , p. 561-566 (lire en ligne, consulté le ).
« De l'esprit critique », Le Producteur, t. 3, , p. 110-134 (lire en ligne, consulté le ).
« Quelques réflexions : sur un ouvrage de M. de Lamennais et sur un article du mémorial catholique », Le Producteur, t. 3, , p. 319-324 (lire en ligne, consulté le ).
« De la nécessité d'une nouvelle doctrine générale », Le Producteur, t. 3, , p. 526-560 (lire en ligne, consulté le ).
« Examen d'une disertation sur le mot Encyclopédie, par M. Guizot », Le Producteur, , p. 112-122 (lire en ligne, consulté le ).
« Considération sur l'histoire », Le Producteur, , p. 390-415 (lire en ligne, consulté le ).
« Du catholique et de M. d'Eckstein », Le Producteur, , p. 517 (lire en ligne, consulté le ).
↑Ce sont les autorités policières qui parleront de secte. Au sens de l'époque, moins fort qu'aujourd'hui.
↑Voir, en bas de page; le lien vers le site de la Bibliothèque Nationale française (Bnf), Fonds Enfantin ou fonds saint-simonien de la bibliothèque de l'Arsenal.
↑Acte de naissance no 80, , Châtillon, Archives départementales des Hauts-de-Seine [lire en ligne] (vue 26/78).
↑Fiche du mariage « Bazard Alexandre Edmé & Roguet Marie Jeanne Françoise », , Saint-Paul, Paris, fonds Andriveau, disponible sur Filae.
↑Acte de mariage du , reconstitué le , paroisse Saint-Paul, Paris, Archives de Paris [lire en ligne] (vues 33-35/51) (note : le nom de l'épouse a été orthographié par erreur Roguel sur la première page du dossier de reconstitution).
↑Fiche du divorce « Bazard Alexandre Edmé & Roguet Marie Jeanne Françoise », , Paris, fonds Andriveau, disponible sur Filae.
↑Acte de décès d'Amand Bazard, , Courtry, Archives départementales de Seine-et-Marne (cote 5mi676) [lire en ligne] (vue 109/113) (note : l'acte indique de façon erronée qu'il est le fils d'« Alexandre Edmont Bazard et de Marie Jeanne Crogué »).
J.-T. Flottard, « Une nuit d'étudiant sous la Restauration », dans Gilbert Guillaumin (dir.), Paris révolutionnaire, Paris, Guillaumin, (lire en ligne), p. 449-476.
A.-L. d'Harmonville (dir.), « Bazard (Amand) », dans Dictionnaire des dates, des faits, de lieux et des hommes historiques : ou, Les tables de l'histoire, répertoire alphabétique de chronologie universelle, Paris, Alphose Levavasseur, (lire en ligne), p. 542.
Joseph-Marie Quérard (dir.), « Bazard (Saint-Amand) », dans La littérature française contemporaine XIXe siècle, Paris, Daguin frères, éditeurs, (lire en ligne), p. 215-216 et 282-283.
André Borel d'Hauterive et Albert Révérend, « Guyard de Saint-Chéron », dans Annuaire de la noblesse de France et des maisons souveraines de l'Europe, Paris, Champion, (lire en ligne), p. 235-238.
Achille de Vaulabelle, Chute de l'empire, t. cinquième : Histoire des deux restaurations jusqu'à la chute de Charles X, Paris, Perrotin, , 507 p. (lire en ligne), p. 149-152, 264-271 et 281-283.
Du XXe siècle
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Odile Krakovitch, « Maria Teresa Bulciolu. L'École saint-simonienne et la femme. Notes et documents pour une histoire du rôle de la femme dans la société saint-simonienne, 1828-1833. Pisa, Goliardica, 1980. In-8°, 256 pages. [Etudes sur l'égalité.] », Bibliothèque de l'école des chartes, t. 140, no 2, , p. 321-322 (lire en ligne, consulté le ).
Pierre Musso, Saint-Simon et le saint-simonisme. Collection Que Sais-je ? PUF, 1999.
Du XXIe siècle
Jean-Marie Roulin, Corps, littérature, société, 1789-1900 (avec la collaboration de l'unité mixte de recherche LIRE, du CNRS), Université de Saint-Étienne, , 309 p. (ISBN978-2-86272-384-6, lire en ligne), p. 95.
Michelle Zancarini-Fournel, Histoire des femmes en France: XIXe – XXe siècle, Presses universitaires de Rennes, 2005, (ISBN978-2-75350-198-0).
Michel Bellet, « Dossier n°1 : une découverte relative à Bazard », La lettre des études saint-simoniennes, no 24, , p. 2-5 (lire en ligne, consulté le ).
Site de la Bibliothèque Nationale française (Bnf), Fonds Enfantin ou fonds saint-simonien de la bibliothèque de l'Arsenallire (consulté le 04/10/2009).