Longue de 580 mètres, orientée nord-sud, la rue débute au 8, place du Palais-Bourbon et finit au 84, rue de Varenne. Elle est en sens unique dans le sens nord-sud.
C'est par un arrêt du Conseil royal du [1] que Louis XIV ordonne l'ouverture de la rue de Bourgogne, ainsi nommée en l'honneur du duc de Bourgogne, fils du Dauphin, entre la rue de Varenne et le quai de la Grenouillère, bientôt quai d'Orsay, sur des terrains provenant en partie de la communauté des filles de Saint-Joseph, mais principalement du Pré-aux-Clercs[2].
Sous la Régence[3], on songe à prolonger la rue de Bourgogne jusqu'à la rue Plumet, aujourd'hui rue Oudinot mais le projet en est abandonné en 1723 après commencement d'exécution.
Pendant longtemps, la rue de Bourgogne reste très peu construite : en réalité, elle est surtout bordée, du moins dans sa partie qui va du palais Bourbon à la rue de Grenelle, de bâtiments de communs appartenant aux hôtels des rues perpendiculaires : l'hôtel de Broglie (35, rue Saint-Dominique) au niveau des actuels nos 9 à 13 (anciennement no 21) ; l'hôtel de Périgord (rue Saint-Dominique) en face (nos 24 et 26), etc.
Louis V Joseph de Bourbon-Condé, prince de Condé, est autorisé, en 1776[4], à changer quelque peu la direction de la rue entre les rues de l'Université et Saint-Dominique, pour former devant le palais Bourbon une place demi-circulaire. L'opération vise à dégager les abords du palais, récemment modernisé, et aurait également permis au prince de réaliser une spéculation immobilière fructueuse du type de celle du duc d'Orléans au Palais-Royal. Un projet est donné en 1776 par l'architecte du prince, Claude Billard de Bélisard, puis remanié en 1782 par son successeur Jean-François Leroy, et enfin par Antoine-Charles Aubert qui supprime les deux portions circulaires que Leroy avait maintenues et donne à la place son actuelle forme carrée.
Des maisons récemment bâties par Jacques Gillet de La Fontaine sont rasées pour céder la place aux nouvelles maisons qui forment le début de la rue de Bourgogne et dont le dessin est conforme à l'élévation de 1776. Toutefois, les constructions régulières de l'actuelle place du Palais-Bourbon ne sont édifiées que sous le règne de Louis XVIII.
Une décision ministérielle du 2 thermidor an V signée Pierre Bénézech fixa la largeur minimale de la rue de Bourgogne à 10 mètres. Une ordonnance royale du porta à 12 mètres la largeur de la partie comprise entre le quai et la place.
Le 29 nivôse an VI, un arrêté du Conseil des Cinq-Cents avait dénommé cette voie « rue du Conseil des Cinq-Cents ».
En 1910, lors de la crue de la Seine, la partie nord de la rue est recouverte de plus d’un mètre d’eau. « Les conduites de gaz sont coupées et, à six heures, l’obscurité est complète. De loin en loin, on aperçoit la lueur d’une lanterne : c’est celle d’un bateau qui circule de maison en maison pour ravitailler les habitants ou les conduire à leur domicile[5] ».
No 2 : selon l’historien G. Lenotre, le premier immeuble « à l’angle pair de la rue de Bourgogne et de la place du Palais-Bourbon » fut construit par l’entrepreneur révolutionnaire Pierre-François Palloy, sur un terrain qui lui appartenait, avec les pierres de la Bastille dont il faisait commerce du démantèlement[8],[9].
le haut fonctionnaire Jacques Treffel y vécut de 1970 à 2008, comme le signale une plaque en façade.
No 29 : l’homme politique Gaston Bergery (1892-1974) a habité à cette adresse, dans un immeuble « qu’il quittait dans les vrombissements assourdissants de sa Bugatti grand-sport ayant à ses côtés l’élégante fille de Krassine, sa femme »[7]. En 1936, l’architecte Charles Abella (1879-1961) y habite également [13].
No 30 : dans les années 1930, l’homme politique et écrivain monarchiste Charles Maurras (1868-1952) habite à cette adresse[14],[15] dans un tout petit appartement constitué d’une « enfilade d’étagères étroites, bourrées de livres du sol au plafond, sans que l’air y pénètre jamais »[7].
No 14 : porte.
No 28.
No 30.
No 46 : hôtel d'Anlezy. Hôtel de rapport édifié en 1771 par Guillaume Trepsat pour un entrepreneur de bâtiments, Jean-Mathias Pasquier. Il est revendu en 1775 au comte d'Anlezy (d'une branche de la famille de Damas) qui lui a donné son nom. Saisi sous la Révolution française, il est vendu par l'administration centrale du département de la Seine le 17 pluviôse an VII, au profit des trois frères Trabuchy et de l'ex-conventionnel Nicolas-Marie Quinette, qui le revend le au général comte Oudinot (1767-1847). L'hôtel passe ensuite à son fils, le général Nicolas Oudinot (1791-1863), 2e duc de Reggio[16]. En 1863, l’hôtel est mis en vente aux enchères, la mise à prix étant fixée à 300 000 francs[17]. On relève dans la presse le nom de certains de ses habitants successifs : la duchesse douairière de Fitz-James[18] (1853), le comte Philippe Bonnin de la Bonninière[19] (1906), le ministre d’Argentine à Paris Alvarez de Toledo[20] (1924), la marquise de Quinsonas[21] (1932). En 1908, on y trouve, « dans un immeuble qu’ils occupent en entier », le laboratoire central d’État et les services de la répression des fraudes[22].
No 48 : hôtel de Choiseul-Praslin. Hôtel jumeau du précédent, également édifié en 1771 par l’architecte Guillaume Trepsat pour l’entrepreneur Jean-Mathias Pasquier[23]. Il est revendu en 1774, en cours de construction, à César Gabriel de Choiseul-Praslin (1712-1785), duc de Praslin, ancien ministre de Louis XV, qui lui donne son nom[16]. Divers particuliers et associations s’y sont succédé : le député Ginoux de Fermon[24] (1885), le sénateur Paul Duchesne-Fournet[25] (1905), le cardinal Amette[26] (1906), le vicomte de Pomereu[27] (1925)... En 1895, on y trouve le siège de l’Œuvre pontificale de la propagation de la foi[28] et de l’Œuvre de Marie-Immaculée pour la conversion des femmes païennes[29]. L’hôtel est alors appelé par ses visiteurs la « maison du Bon Dieu »[30]. Pendant la Première Guerre mondiale, le bâtiment est atteint par un obus allemand lors du bombardement du 11 avril 1918[31]. En 1999, l’hôtel est vendu 47 millions de francs (7 millions d'euros) à l'homme d'affaires François Pinault[32]. Deux ans plus tard, il est l’objet d’une restauration « très soignée », comprenant la démolition d’une surélévation malencontreuse effectuée dans les années 1900[33]. La façade sur jardin et la décoration de l’escalier sont protégées. L’édifice est Inscrit MH (1926)[34].
Nos 46-48.
No 48 : porte.
No 50 : immeuble bâti sous le règne de Louis XVI pour le compte de l'Hôpital-Général. Il a abrité une pension sous la Révolution, avant d'être habité par la duchesse de Damas sous la Restauration et d'être acquis par le comte de Fermon en 1828[35].
Nos 52-54 : emplacement de deux hôtels bâtis en 1772 par ordre de Jean Joly, secrétaire des commandements du prince de Condé, en même temps qu'on élevait le palais Bourbon. Le no 52 était destiné à son habitation tandis que le no 54, jouxtant les écuries de la reine, était loué à des officiers de la maison de Marie-Antoinette. Les deux immeubles ont ensuite appartenu au diamantaire Georges Halphen, père du compositeur Fernand Halphen, et le no 52 à Mme de Nonjon[35].
No 54 : l’homme politique Léo Bouyssou (1872-1935), député des Landes, a habité à cette adresse et y est mort[36].
No 58 : emplacement de la galerie d'art Ror Volmar (active dans les années 1960)[37].
No 60 (angle de la rue de Varenne) : immeuble élevé à l'emplacement de l'hôtel garni de Thionville, antérieurement de la Providence[35].
Notes et références
↑« Ordonne Sa Majesté que depuis la rue de Varennes il soit formé une grande rue de 8 toises de largeur qui sera nommée rue de Bourgogne, se terminera au nouveau quai et aura pour point de vue le nouveau cours près la porte Saint-Honoré. » Cet arrêt fut confirmé les 1er décembre 1715 et 10 janvier 1716. Un arrêt du Conseil du 15 mars 1717 réduisit la largeur de la rue à 5 toises. Un procès-verbal des alignements fut dressé par Jean Beausire le 20 mars 1719.
↑Frédéric Jimeno, Le 7e arrondissement. Itinéraires d’histoire et d’architecture, Collection « Paris en 80 quartiers », Action artistique de la ville de Paris, 2000 (ISBN2-913246-27-3).