Robert DemachyRobert Demachy
Robert Demachy, né à Saint-Germain-en-Laye le et mort à Hennequeville près de Trouville-sur-Mer le , est un directeur de banque français devenu rentier. Photographe amateur, il est connu pour être un théoricien de la photographie et chef de file du mouvement pictorialiste en France. BiographieIssu de la haute société parisienne du Second Empire, Robert Demachy est le fils de Zoé Girod de l’Ain (1827-1916, fille du général-baron Félix Girod de l’Ain) et de Charles-Adolphe Demachy (1818-1888), gérant de la banque Seillière-Demachy et régent de la Banque de France. Dernier de quatre enfants, il est le frère de la comtesse Centule de Béarn (née Germaine Demachy, 1851-1929) ainsi que de Charles Demachy (1852-1911) et Édouard Demachy (1854-1927)[1]. Il est par ailleurs apparenté au peintre Pierre-Antoine Demachy (1723-1807) qui était son arrière arrière-grand-oncle[2]. Robert Demachy effectue sa scolarité au collège des Jésuites de Vaugirard, établissement parisien réputé où il reçoit une solide formation. Après avoir obtenu son baccalauréat et son diplôme de droit, il accomplit son volontariat et passe un an dans l’armée comme chasseur à cheval. À son retour à la vie civile en 1880, il caresse l’espoir d’intégrer l’académie Julian pour devenir peintre[3]. Ce désir de carrière artistique n’étant pas du goût de son père, il rejoint la banque Seillière-Demachy où il effectue, durant une dizaine d’années, des taches subalternes. À la mort de son père en 1888, la fortune familiale lui permettant de vivre de ses rentes, il décide de se consacrer pleinement à la photographie, activité à laquelle il s’adonne depuis son plus jeune âge. Également passionné de musique, le jeune homme est un pianiste et violoniste accompli[4]. Le , Robert Demachy épouse une jeune américaine, Adelia Delano (1867-1932), fille d’un des plus importants industriels de Detroit. Le couple s’installe dans l’hôtel particulier de la famille Demachy (13 rue François Ier) où Robert Demachy vit depuis son enfance. De cette union naissent deux fils, Robert (1894-1947) et Jacques (1898-1981). Durant la Première Guerre mondiale, Robert combat aux côtés de Roland Dorgelès qui fera de lui l’un des héros de son roman Les Croix de bois (1919). Par la suite, il intègre la banque familiale. Jacques, quant à lui, poursuit une carrière de peintre, dessinateur et illustrateur de mode. En 1910, le divorce du couple Demachy, séparé depuis 1908, est officiellement prononcé. L’année suivante, Adelia Delano épouse un chirurgien réputé, le docteur Maurice Cazin (1863-1933). Robert Demachy, de son côté, ne se remariera pas. En 1915, après la mort prématurée de son frère Charles (en 1911) et de son neveu Charley (en 1915), Robert Demachy se voit contraint d’intégrer la direction de la Banque Demachy & Cie. Totalement étranger aux questions financières, il se contente de faire acte de présence au siège de la banque (alors situé 27 rue de Londres) et son rôle se limite à celui de prête-nom. Ce n’est finalement qu’en 1933 qu’il peut quitter ses fonctions. En 1936, après avoir mis ses affaires en ordre, il quitte définitivement l’hôtel particulier parisien qu’il occupait depuis 1916 au 12 cité Malesherbes pour se retirer dans une petite villa située sur les hauteurs de Trouville-sur-Mer. C’est là qu’il s’éteint, le . Ses obsèques sont célébrées le 31 décembre dans l'église d'Hennequeville[5] et il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise[6]. Carrière artistiquePremières annéesC’est en 1871, alors qu’il n’a que douze ans, que Robert Demachy découvre la photographie[7]. À cette époque, la pratique en est encore complexe et fastidieuse. Pourtant, en dépit des difficultés et malgré son jeune âge, le jeune garçon ne se décourage pas. Au contraire, il se prend de passion pour cette activité, une passion dévorante qui ne le quittera plus et à laquelle il consacrera toute son existence. Devenu adulte, son statut de rentier lui procure aisance financière et temps libre, deux facteurs déterminants qui expliquent l’extraordinaire développement de sa pratique. Dans les années 1870-1880, Robert Demachy utilise sa chambre noire principalement en Normandie où il passe chaque année la période estivale dans la propriété que son père a fait construire sur les hauteurs de Villers-sur-Mer (Calvados)[8]. Après avoir employé, pour la réalisation de ses négatifs, le procédé au collodion humide, il adopte, dès leur mise sur le marché, les plaques sèches au gélatino-bromure d’argent. Permettant des temps de pose beaucoup plus courts, celles-ci développent chez lui un goût marqué pour l’instantané (vagues, bateaux entrant au port, etc.). Dès cette époque, il investit tous les genres : scènes animées, portraits, paysages, études de modèles en intérieur ou en plein air. Il tire ses épreuves sur papier albuminé et les réunit en albums. Vers 1885, il réalise ses premières études de modèles féminins nus et drapés dans l’atelier d’un de ses amis peintres. Si l’influence de ce dernier se ressent dans certains choix de composition, le style personnel de Demachy y est déjà très reconnaissable, notamment dans la manière de faire poser les modèles face à l’objectif. Durant la période pictorialiste, il continuera d’explorer avec intérêt la photographie de nu[9]. En 1888, année de la mort de son père, il loue son premier atelier personnel dans lequel seront réalisés l’essentiel de ses portraits, études de modèles et nus. Élu membre de la Société française de photographie en 1882, il y est un membre discret jusqu’au début des années 1890 où il s’illustre à l’occasion de concours d’épreuves et de diapositives de projection qui lui valent plusieurs prix[10]. Dès cette époque, il est considéré comme l’un des plus brillants photographes amateurs contemporains. Robert Demachy appartient en effet pleinement à cette catégorie d’opérateurs qui pratiquent la photographie par passion et sans en vivre. Sa production en présente d’ailleurs toutes les caractéristiques tant en termes de sujets (chronique de la vie privée, portraits de proches, jeux des enfants, instantanés de voyage, etc.) qu’en matière technique (utilisation d’appareils à main légers et maniables, constitution d’albums faisant la chronique de sa vie personnelle). Demachy revendiquera toujours ce statut d’amateur qui constitue l’un des fondements du pictorialisme dont il devient, entre 1894 et 1914, le chef de file en France[11]. L'aventure pictorialisteEn , le Photo-club de Paris, société d’amateurs fondée en 1888, inaugure à la galerie Georges Petit sa Première exposition d’Art photographique[12]. Cette manifestation d’un genre nouveau, uniquement réservée à des épreuves présentant « un réel caractère artistique », va lancer l’aventure pictorialiste en France. En 1895, Demachy rejoint le Photo-club de Paris[13] dont il partage l’ambition : développer et promouvoir une photographie qui ne soit plus « copie » de la nature mais œuvre « d’interprétation », c’est-à-dire qui témoigne du sentiment personnel de son auteur. Pour cela, Demachy va privilégier une voie en particulier : celle des procédés pigmentaires, techniques de tirage non argentiques qui offrent un rendu proche des arts graphiques et permettent au photographe de transformer radicalement l’image (composition, éclairage, valeurs, etc.). En 1895, il remet à l’honneur le procédé à la gomme bichromatée qui fera connaître son nom dans le monde entier. En 1906, il adapte et transforme le procédé à l’huile (dit aussi « aux encres grasses »). Enfin, en 1911, il invente un procédé dérivé du précédent, le report d’huile[14]. Technicien hors pair, ses épreuves comptent parmi les plus remarquables obtenues à l’aide de ces procédés. Durant vingt ans, il les expose dans le monde entier, contribuant ainsi très largement à la diffusion de ces techniques de tirage si particulières. Dans le même temps, Robert Demachy devient également l’un des principaux théoriciens du mouvement pictorialiste. Il est l’auteur de plusieurs livres ainsi que d’un grand nombre d’articles publiés non seulement en France (en particulier dans les organes du Photo-Club de Paris, le Bulletin du Photo-Club de Paris[15] puis La Revue de Photographie) mais également dans toute l’Europe (Angleterre, Belgique, Italie, Suisse, Allemagne, Autriche, etc.) et aux États-Unis. Sa parfaite maîtrise de l’anglais lui permet de correspondre avec de nombreux photographes et de publier fréquemment dans la presse étrangère. Variés, ses écrits abordent aussi bien des questions théoriques que des points d’esthétique. Il rédige également des critiques d’expositions ainsi que de nombreux articles techniques avec l’objectif affiché de répandre l’usage des procédés pigmentaires. Si ses écrits sont avant tout publiés dans des revues photographiques, Demachy se voit également ouvrir les colonnes de prestigieuses revues d’art comme la Gazette des beaux-arts dans laquelle il publie en 1904 un article intitulé « L’interprétation en photographie »[16]. En 1903, il reçoit les palmes d'officier d'Académie[17], signe d’une reconnaissance officielle de son rôle décisif dans le rayonnement de la France sur la scène photographique internationale[18]. En 1929, il présente au Salon des humoristes les toiles Et on parle des planches de Trouville et Une fleur de la plage fleurie[19] Demachy et l'AngleterreTout au long de l’aventure pictorialiste, Robert Demachy entretient d’étroites relations avec l’école anglaise de photographie artistique. Le , il devient membre du Linked Ring, équivalent britannique du Photo-club de Paris. Dès lors, il prend part au Photographic Salon de Londres, prestigieuse exposition annuelle d’art photographique organisée par le Linked Ring. Cette société avait été fondée en 1892 en réaction au conservatisme de la Royal Photographic Society qui, petit à petit, saura s’ouvrir à la photographie pictorialiste, organisant notamment dans ses locaux des expositions personnelles (one-man shows) consacrées aux leaders du mouvement (Frederick H. Evans, Alvin L. Coburn, etc.). C’est ainsi qu’en l’espace de dix ans, de 1901 à 1911, la Royal Photographic Society offre pas moins de cinq expositions personnelles – un record – à Demachy :
Au mois de , la Royal Photographic Society souhaitant mettre à l’honneur les accomplissements de l’école pictorialiste, Robert Demachy se voit décerner le titre de membre honoraire (Honorary Fellow) en même temps qu’Alfred Stieglitz[20]. Durant toutes ces années, Demachy collabore par ailleurs activement avec la presse britannique, écrivant régulièrement pour les plus prestigieuses revues photographiques : The Amateur Photographer, Photograms of the Year, British Journal of Photography, etc. Demachy et les États-UnisDe 1898 à 1912, Robert Demachy entretient une correspondance suivie avec Alfred Stieglitz, chef de file de la Photo-Secession, branche américaine du pictorialisme[21]. Appréciant l’œuvre du Français, Stieglitz lui ouvre largement les pages de deux des plus prestigieuses revues pictorialistes, Camera Notes et Camera Work :
Demachy après le pictorialismeEn 1914, l’éclatement de la guerre provoque l’effondrement du pictorialisme, notamment en France ou toute une génération de jeune photographes émergents est mobilisée. De son côté, Demachy se voit contraint d’intégrer l’équipe dirigeante de la banque familiale. Ces nouvelles fonctions l’éloignent de la pratique photographique qu’il abandonne peu à peu (et non brusquement, comme on l’a longtemps affirmé). Il continue de prendre des photographies jusqu’au début des années 1920. Dans les années 1920-1930, l’abandon progressif de la photographie se fait au profit des arts graphiques (croquis, monotypes et pastels) que Demachy pratique en amateur, exposant régulièrement ses créations comme il le faisait avec ses photographies. Durant cette période, celles-ci continuent d’ailleurs d’être exposées de par le monde[1]. Au début des années 1930, libéré de toute obligation professionnelle, Robert Demachy entreprend le tri de l’ensemble de son œuvre photographique. En 1936, quelques mois avant sa mort, il fait deux donations : l’une à la Société française de Photographie, l’autre à la Royal Photographic Society. À la suite de diverses donations et acquisitions, le musée Nicéphore-Niépce de Chalon-sur-Saône a également réuni un très important ensemble d’œuvres de Robert Demachy. Avec la Société française de Photographie et la Royal Photographic Society (dont le fonds est conservé au Victoria & Albert Museum), il est aujourd’hui la principale institution détentrice d’œuvres du chef de file du pictorialisme français. DistinctionsOfficier d'Académie (1903) Galerie
Bibliographie sélectiveLes références qui suivent sont une sélection de quelques-uns des principaux écrits de Robert Demachy. Sa bibliographie intégrale est consultable sur le site Bibliographies de critiques d'art francophones. Livres de Robert Demachy
Articles de Robert Demachy
Ouvrages consacrés à Robert Demachy
Notes et références
Liens externes
|