Son rapport, intitulé « Nord-Sud : un programme de survie », a permis de diffuser largement une compréhension profonde des différences radicales de développement entre pays du Nord et pays du Sud. Sa couverture qui s’orne d’une carte du monde qui met en évidence la limite nord-sud délimitant le « nord » riche et le « sud » sous-développé a gravé la notion dans les esprits[1]. Il a aussi établi un consensus sur les mesures concrètes à mettre en œuvre pour réduire les disparités économiques entre le nord et le sud. Cependant, les propositions présentées par les membres éminents et divers de la Commission n’ont jamais été adoptées par les gouvernements en raison de la guerre froide et un manque de volonté politique collective parmi les dirigeants mondiaux.
Mandat de la Commission Nord-Sud
Fin 1976, alors qu'il venait d'être élu à la tête de l’Internationale socialiste, Willy Brandt reçut une lettre du président de la Banque mondiale, Robert McNamara. très préoccupé par l’arrêt des négociations entre les pays industriels et les pays en voie de développement qui avaient été menées depuis 1975 dans le cadre de la conférence sur la coopération économique internationale de Paris (CCEI). McNamara souhaitait former une commission indépendante de haut niveau pour créer un dialogue Nord-Sud et en proposait la présidence à Willy Brandt. Après l'acceptation de ce dernier le , l’initiative rencontra une forte résistance du cercle du G77. Après un long travail de persuasion des partenaires internationaux, Willy Brandt put enfin fonder officiellement la nouvelle « commission indépendante sur les problèmes de développement international », plus couramment nommée « commission Nord-Sud » ou « Commission Brandt ». Elle commença son travail le au château de Gymnich, près de Bonn[2].
Abdlatif Yousef Al-Hamad (Koweit), diplomate et banquier, directeur général du Fonds koweïtien pour le développement économique arabe
Rodrigo Botero Montoya (Colombie), ancien ministre des finances de Colombie (1974-1976), éditeur et rédacteur en chef du périodique Estrategia Economica y Financiera,
Antoine Kipsa Dakoure (Haute Volta), ministre du Plan (1970-1976) et ministre coordinateur de lutte contre la sécheresse au Sahel (1973-1975)
Khatijah Ahmad (Malaisie), économiste et banquier, fondatrice et directrice générale de KAF Discounts Ltd (société de crédit et services financiers) depuis 1974,
Adam Malik (Indonésie), vice-président de la république d’Indonésie (1978-1983), président de l’Assemblée nationale indonésienne (1977-1978), ministre des Affaires étrangères (1966-1977), président de l’Assemblée générale des Nations unies (1971-1972)
Haruki Mori (Japon), ex-ambassadeur en Grande-Bretagne (1972-1975), vice-ministre des Affaires étrangères (1970-1972), ambassadeur auprès de l’OCDE (1964-1967)
Edgard Pisani (France), sénateur, membre du Parlement européen, ministre de l’Équipement (1966-1967), ministre de l’Agriculture (1961-1965) (M. Pisani remplaça M. Mendès-France, qui dut renoncer en 1978 pour raisons personnelles)
Shridath Ramphal (Guyana), secrétaire général du Commonwealth, ministre des Affaires étrangères et de la Justice (1972-1975), procureur général et ministre d’État pour les Affaires extérieurs (1966-1972)
Layachi Yaker (Algérie), ambassadeur en URSS (1979-1982), vice-président de l'Assemblée nationale (1977-1979), ministre du Commerce (1969-1977)
Jan Pronk (Pays-Bas), trésorier honoraire et membre ex officio de la commission, ministre du Développement et de la Coopération (1973-1977), maître-assistant auprès du professeur Jan Tinbergen (1965-1971)
Dragoslav Avramovic(en) (Yougoslavie), directeur du secrétariat et membre ex officio de la commission, cadre au sein de la Banque mondiale (1965-1977), conseiller spécial auprès de la CNUCED sur la stabilisation des cours des marchandises (1974-1975)
Contenu
La commission Nord-Sud se réunit à dix reprises, pour plusieurs jours, tous les deux-trois mois en neuf sites différents d’Europe, d’Afrique, d’Amérique et d’Asie. En raison des fortes divergences d’opinions entre ses membres elle mit plus de temps que prévu pour rendre ses conclusions. Après d'âpres et intenses discussions, le rapport final fut terminé en [2].
Le rapport Brandt observe d'abord qu'une grande disparité de niveau de vie existe de part et d’autre de la limite Nord-Sud et suggère en conséquence d’organiser un grand transfert de ressources des pays développés aux pays en développement. Les pays du Nord sont extrêmement riches en raison de leur succès commerciaux dans le domaine des produits manufacturés, alors que les pays du Sud souffrent de la pauvreté en raison de leur spécialisation dans le commerce des biens intermédiaires, où les revenus d'exportation sont faibles.
La Commission Brandt a proposé un nouveau type de sécurité mondiale. Il a construit sa réflexion sur une perspective pluraliste qui combine plusieurs périls sociaux, économiques et politiques ainsi que les périls militaires classiques.
Dans l'introduction[5], Willy Brandt mettait en garde avec insistance contre un chaos international « comme résultat des famines, des effondrements économiques, catastrophes environnementales et également du terrorisme. » « La globalisation des menaces et des provocations – guerre, chaos, autodestruction – demande un type de ‘politique intérieure mondiale’, qui aille bien au-delà de l’horizon des clochers, mais également au-delà des frontières nationales ». Il plaçait les aspects élémentaires politiques et moraux au premier plan pour réveiller les hommes et formulait des objectifs visionnaires : une partie de l’argent consacré aux dépenses d’armement devait, dans le cadre d’un projet de coopération économique international, être réattribuée, et, d’ici l’an 2000, la faim dans le monde devait être vaincue[2].
Réception et conséquences du rapport
Le rapport arriva au pire moment possible puisque l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan, fin , bouleversa le climat politique international, oblitérant les chances de la nouvelle politique Nord-Sud[2].
Willy Brandt remit néanmoins le rapport de la commission au secrétaire général des Nations unies, Kurt Waldheim, le . Le rapport Brandt fit alors l’objet d’une consultation officielle au sein de l’organisation mondiale. La répercussion
publique, à l’époque, resta cependant loin de ce que l’on avait pu espérer, même si le rapport fut traduit en plus de vingt langues et vendu à 350 000 exemplaires dans le monde, la moitié d’entre eux dans le seul Royaume-Uni. Sa diffusion resta très limitée en Allemagne comme en France ou aux États-Unis[2].
Bien que très peu des propositions du rapport aient été mises en œuvre, un événement mondial en est tout de même résulté : la conférence Nord-Sud de Cancún, au (Mexique) qui se tint en . Afin de mettre œuvre ses propres recommandations, la commission Brandt avait proposé de réunir un sommet réunissant un nombre limité de chefs d’État et de gouvernement issus des pays industrialisés et pays en voie de développement. Willy Brandt estimait qu’un tel sommet mondial limité en nombre, serait plus efficace que les nombreuses et colossales conférences de l’ONU. Finalement 22 chefs d’État et de gouvernement ainsi que le secrétaire général des Nations unies se réunirent à Cancún pour la "Conférence internationale pour la coopération et le développement". La mise en place du sommet pouvait être déjà considérée comme un succès[2].
L’équation Brandt
En 2001, soit vingt ans après la sortie du rapport Nord-Sud, James Quilligan, directeur de la communication pour la Commission Brandt de 1980 à 1987, publia une mise à jour du rapport sous le nom de "L'équation Brandt".
↑Les éléments de biographies ci-dessous sont à la date de la Commission Brandt, données extraites de Shridath Ramphal, Glimpses of a Global Life, Dundurn, 2014, 608 pages, (ISBN9781459731288), pp. 587-598
↑Willy Brandt, « Das Überleben sichern ». Die Einleitung zum Nord-Süd-Bericht mit einer Einführung
von Dirk Messner, éd. par la Bundeskanzler-Willy-Brandt-Stiftung, Berlin, 2013 (Schriftenreihe de la BWBS, 25), p. 46.