Problème de l'aiguille de KakeyaEn mathématiques, et plus particulièrement en géométrie, le problème de l'aiguille de Kakeya demande l'aire minimale d'une région D du plan, telle qu'on puisse y faire tourner une aiguille (ou plus rigoureusement un segment unité) d'un tour complet ; une telle région est appelée un ensemble de Kakeya[n. 1]. Abram Besicovitch a démontré qu'il existe des ensembles de Kakeya de mesure (non nulle) aussi petite que l'on veut. Plus généralement, un ensemble de Besicovitch est un ensemble de points d'un espace euclidien qui contient un segment de droite de longueur 1 dans chaque direction. De nombreux résultats et conjectures intéressantes concernent ces ensembles ; ainsi, Besicovitch a montré qu'il en existe de mesure nulle ; ce résultat a amené la formulation d'une conjecture plus précise, appelée conjecture de Kakeya, sur la taille minimale des ensembles de Kakeya en dimension quelconque, mais elle n'est démontrée pour l'instant que pour des espaces de petite dimension ; des généralisations de cette conjecture (en particulier aux corps finis) ont connu récemment d'importants développements. Le problème de l'aiguille de KakeyaLe problème de l'aiguille de Kakeya demande l'aire minimale d'une région D du plan, telle qu'on puisse y faire tourner (continûment) une aiguille (ou plus rigoureusement un segment unité) d'un tour complet[n. 2]. Cette question fut d'abord proposée, pour des régions convexes, par Sōichi Kakeya[1]. Il semble avoir suggéré que la région D d'aire minimale, sans la restriction sur la convexité, serait une deltoïde. Le problème initial (demandant que D soit convexe) fut résolu par Gyula Pál (en)[2], montrant que la solution dans ce cas est un triangle équilatéral d'aire (et donc de côté et de hauteur 1). Ensembles de BesicovitchBesicovitch[3] montra que l'aire d'une région D, permettant de tourner une aiguille d'un tour complet, peut être rendue aussi petite que l'on veut. Ceci développait un de ses travaux antérieurs, concernant les ensembles (à présent appelés ensembles de Besicovitch) contenant un segment unité dans chaque direction ; Besicovitch avait montré dès 1919 qu'un tel ensemble pouvait être de mesure arbitrairement petite. Il est d'ailleurs possible que le problème ait déjà été étudié auparavant. La méthode de construction d'ensembles de Besicovitch décrite ci-dessous et illustrée sur la figure de gauche utilise des « arbres de Perron », ainsi nommés d'après O. Perron qui les utilisa pour simplifier la construction originale de Besicovitch[4] : partant d'un triangle de hauteur 1, on le divise en 2 et on translate les pièces pour que leurs bases se recouvrent partiellement. La figure ainsi obtenue contient des segments unités de mêmes directions que ceux du triangle initial passant par le sommet servant au découpage, et son aire a diminué. Plus généralement, divisant le triangle en 2n pièces (de bases égales), on les regroupe 2 par 2, puis 4 par 4, et ainsi de suite ; la figure ainsi obtenue ressemble à un arbre, et peut être rendue d'aire aussi petite que l'on veut. Partant d'un triangle équilatéral, et combinant trois de ces arbres (correspondants aux trois sommets du triangle), on obtient un ensemble de Besicovitch d'aire arbitrairement petite. Une adaptation de la même idée à des parallélogrammes[5] permet même d'obtenir des suites d'ensembles emboîtés , dont l'intersection est par conséquent un ensemble de Besicovitch de mesure nulle. Il existe d'autres méthodes de construction d'ensembles de Besicovitch de mesure nulle. Par exemple, Kahane[6] a utilisé des ensembles de Cantor pour construire un tel ensemble dans le plan. Ensembles solutions du problème de l'aiguilleUtilisant une technique due à Pál (les jonctions de Pál, des ensembles de mesure arbitrairement petite permettant de déplacer continûment un segment unité entre deux lignes parallèles fixées), et partant d'un ensemble de Besicovitch formé d'arbres de Perron, on peut construire un ensemble de Kakeya (c'est-à-dire un ensemble permettant une rotation complète de l'aiguille) de mesure également aussi petite que l'on veut[7]. En 1941, H. J. Van Alphen[8] montra qu'on peut même construire des ensembles de Kakeya à l'intérieur d'un cercle de rayon (où est arbitrairement petit). Des ensembles de Kakeya simplement connexes d'aire plus petite que celle de la deltoïde furent trouvés en 1965. Melvin Bloom et I. J. Schoenberg construisirent indépendamment des ensembles d'aire tendant vers (le nombre de Bloom-Schoenberg) ; Schoenberg conjectura que cette aire ne pouvait pas être améliorée pour des ensembles simplement connexes. Cependant, en 1971, F. Cunningham[9] montra que, pour tout , il existe un ensemble de Kakeya simplement connexe d'aire inférieure à et contenu dans un cercle de rayon 1, ce qui est clairement le meilleur résultat possible (puisque toute rotation de l'aiguille ne peut se faire que dans un ensemble d'aire, et donc de mesure, strictement positive). La conjecture de KakeyaÉnoncéLa question de la « taille » minimale des ensembles de Besicovitch en dimension supérieure fut alors posée, donnant naissance à un ensemble de conjectures connues comme les conjectures de Kakeya, et qui ont stimulé en partie la naissance de la théorie géométrique de la mesure. En particulier, l'existence d'ensembles de Besicovitch de mesure nulle amène naturellement à se demander s'ils pourraient également être de mesure de Hausdorff (de dimension s) nulle pour s (non nécessairement entier) strictement plus petit que la dimension de l'espace euclidien considéré. Cette question amène à la conjecture suivante :
Ce résultat est vrai pour n = 2 (et trivialement pour n=1), mais on ne connait que des résultats partiels en dimensions supérieures. La fonction maximale de KakeyaUne approche moderne de ces conjectures est d'étudier des fonctions maximales (en) particulières, construites comme suit : notant Sn-1 ⊂ Rn la sphère unité, on définit comme étant le cylindre de longueur 1 et de rayon , centré au point a ∈ Rn, et d'axe parallèle au vecteur unitaire e ∈ Sn-1. Pour une fonction localement intégrable f, on définit la fonction maximale de Kakeya de f comme étant
où m est la mesure de Lebesgue de dimension n (on remarquera que est une fonction définie sur les vecteurs e de la sphère Sn-1). La conjecture suivante implique alors la conjecture de Kakeya pour les ensembles de Besicovitch :
RésultatsOn a démontré les résultats suivants :
Applications à l'analyseDe façon surprenante, ces conjectures ont été reliées à de nombreuses questions dans d'autres domaines, en particulier en analyse harmonique. Ainsi, en 1971, Charles Fefferman[15] utilisa une construction d'ensemble de Besicovitch pour montrer qu'en dimension supérieure à 1, des intégrales de Fourier tronquées sur des boules centrées à l'origine, de rayon tendant vers l'infini, ne convergent pas forcément en norme Lp si p ≠ 2 (contrairement à la dimension 1, où la convergence a toujours lieu). Généralisations du problème de KakeyaEnsembles contenant des cercles ou des sphèresParmi les problèmes analogues au problème de Besicovitch, on a étudié des ensembles contenant des formes plus générales que des segments de droites, par exemple des cercles.
Ensembles contenant des disques ou des boulesUne autre généralisation de la conjecture de Kakeya est de considérer des ensembles contenant des portions de sous-espaces de dimension k. Définissons un (n,k) -ensemble de Besicovitch K comme étant un compact de Rn de mesure nulle et contenant un translaté de tous les disques unités de dimension k (autrement dit, si B désigne la boule unité centrée en 0, pour tout sous-espace affine P de dimension k, il existe x ∈ Rn tel que ). Ainsi, les ensembles de Besicovitch définis précédemment sont les(n,1)-ensembles de Besicovitch. On a alors la
En 1979, Marstrand[20] montra qu'il n'existait pas de (3,2)-ensembles de Besicovitch. Vers la même époque, Falconer[21] montra plus généralement qu'il n'existait pas de (n,k)ensembles de Besicovitch pour 2k>n. La meilleure borne actuelle est due à Bourgain[22], montrant qu'il n'existe pas de tels ensembles si 2k-1+k>n. Ensembles de Kakeya sur des corps finisEn 1999, Wolff proposa une conjecture analogue pour les corps finis, dans l'espoir que les techniques permettant de la résoudre pourraient se transposer au cas euclidien :
Zeev Dvir (en) démontra cette conjecture en 2009[23] (avec cn = 1/n!), en utilisant ce que Terence Tao appela un "argument superbement simple"[24], de la manière suivante : Dvir observa que tout polynôme à n variables de degré inférieur à |F| s'annulant sur un ensemble de Besicovitch doit être identiquement nul. Or les polynômes à n variables de degré inférieur à |F| forment un espace vectoriel de dimension . Il y a par conséquent au moins un polynôme non trivial s'annulant sur un ensemble donné ayant moins de points que ce nombre ; combinant ces deux observations, on voit que les ensembles de Besicovitch doivent avoir au moins |F|n/n! points. Il n'est pas clair que cette technique puisse être adaptée pour démontrer la conjecture de Kakeya dans le cas euclidien, mais cette démonstration en renforce du moins la vraisemblance, en montrant l'impossibilité de contre-exemples essentiellement construits de manière algébrique[24]. Dvir a écrit un article de synthèse sur les progrès réalisés dans le cas des corps finis (jusqu'en 2009), et leur relation à la notion d'extracteur de hasard (en)[25]. Notes et référencesNotes
Références
Voir aussiRéférences
Liens externes
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