Principe des puissances virtuellesLe principe des puissances virtuelles ou PPV est un principe fondamental en mécanique[1],[2], qui postule un équilibre de puissance dans un mouvement virtuel, il s'agit d'une formulation duale du principe fondamental de la dynamique ou PFD. Il permet de retrouver certains principes ou théorèmes comme le principe fondamental de la dynamique et le théorème de l'énergie cinétique, et constitue la base d'une démarche de modélisation pour les milieux continus (théorie du premier gradient, théorie du second gradient). Comme la variable « temps » est contingente dans cet énoncé, on parle en statique du principe des travaux virtuels ou PTV, qui est le même principe. Approche vulgariséeLe principe de base est le suivant : si un solide est à l'équilibre (statique du solide), la somme des efforts exercés sur celui-ci est nulle. Donc si l'on fait faire un déplacement fictif (virtuel) à l'objet, la somme des puissances des forces et moments est nulle (voir Rappel (1) ci-dessous). Ce principe permet parfois des calculs plus simples, en particulier en théorie des plaques. En pratique, l'estimation des efforts appliqués à un système se fait toujours par l'intermédiaire d'un déplacement (ou déformation) de ce système :
Si, idéalement, on effectue les expériences précédentes en des temps de plus en plus brefs, on passe à la limite ; on obtient la mesure des efforts par la mesure des puissances mises en œuvre, pour les vitesses ayant servi de tests (vitesses virtuelles). Rappel (1) : un avion qui vole à vitesse constante à une altitude de croisière est soumis à une force de frottement, une force de poussée (produite par les moteurs), ainsi que deux autres forces que sont son poids et la force de portance. Toutes ces forces se compensent, donc le système est à l'équilibre et les énergies fournies par chacune de ces forces (c'est-à-dire les travaux de chacune des forces) s'annulent lorsqu'on les somme. Remarque : si l'on veut que l'avion accélère, il faut que l’énergie fournie par la force de poussée soit supérieure à l'énergie fournie par la force de frottement, qui freine l'avion. De cet exemple on peut ainsi mieux comprendre que lorsqu'un système quelconque est à l'équilibre, le fait que les forces se compensent veut aussi dire que les énergies fournies par ces forces se compensent (c'est-à-dire s'annulent lorsqu'on les somme). Exemple de la statique et de la dynamique d'un point matériel uniqueSoit un point matériel de masse en équilibre par rapport à un repère galiléen . On note la résultante des forces extérieures. Si est un vecteur quelconque de l'espace , l'équation classique de la statique du point :
est équivalente à :
Le produit est la puissance virtuelle de la force par rapport à . Si le point est en mouvement par rapport à , on note l'accélération du point par rapport à ce repère. L'équation classique de la dynamique de
est équivalente à :
Le produit est appelé puissance virtuelle des quantités d'accélération par rapport à . Genèse du principeL'origine de ce principe revient à Jean Bernoulli, qui énonce en 1725[3] le principe des vitesses virtuelles, qui consiste à considérer la perturbation de l'équilibre d'un système mécanique par un mouvement infinitésimal respectant les conditions de liaison du système, un mouvement virtuel, et d'en déduire une égalité de puissance. Ce principe a été par la suite généralisé par D'Alembert et Lagrange en ce qui est connu actuellement sous le nom de principe de D'Alembert (1743). Le principe des puissances virtuelles est une synthèse de ces principes, ancrée dans un cadre beaucoup plus rigoureux et mathématique (on parle alors de « dualisation » et non plus de « perturbation » de l'équilibre ou du mouvement par un mouvement infinitésimal). ÉnoncéN'est présenté ici que l'aspect le plus classique du PPV, à savoir celui où le champ cinématique est virtuel. On peut tout aussi bien développer ce principe avec un champ d'effort virtuel, mais la notion de champ d'effort admissible est plus lourde à mettre en place et moins intuitive. Notations et définitionsSystème mécaniqueUn système mécanique est défini par un domaine de l'espace que l'on décide d'étudier, sur lequel est défini une répartition de masse. Cette masse définit sur une mesure au sens des mathématiques. Exemples de systèmes mécaniques :
Mouvement admissible d'un système mécaniqueSoit un système mécanique, on appelle mouvement admissible de la donnée d'un champ de vitesse en tout point du domaine du système. L'ensemble des champs de vitesse virtuelle admissibles a une structure d'espace vectoriel topologique. Tout l'art du mécanicien est de choisir l'espace vectoriel topologique le mieux adapté au problème que l'on étudie.
Remarque : de manière heuristique, on peut dire que plus l'espace vectoriel des champs de vitesses virtuelles que l'on aura choisi, sera « riche », plus les équations du problème que l'on étudie, seront complexes à résoudre, mais en contrepartie les informations recueillies à la fin du calcul seront d'autant plus « intéressantes ». Mouvement rigidifiant d'un système mécaniqueUn mouvement rigidifiant d'un système (solide ou non) est un mouvement conférant au système un mouvement de corps rigide. Si l'on considère un système dans l'espace et que est l'origine d'un repère spatial, alors tout mouvement rigidifiant peut s'écrire : où et sont des vecteurs uniformes Puissance accélératriceLa puissance accélératrice d'un système est la puissance développée par les quantités d'accélération dans le champ de mouvement. Pour un point matériel de masse dans le champ de vitesse on obtient :
Pour un système de points matériels de masses on obtient dans le champ :
Dans le cas d'un milieu continu (solides, fluides, etc.) de masse volumique dans un champ :
Puissance des efforts extérieursLa puissance extérieure ou puissance des efforts extérieurs est la puissance développée par les efforts extérieurs dans le champ de vitesse. Pour un point matériel soumis à la force dans le champ de vitesse elle s'exprime par :
Pour un système de points soumis aux forces dans le champ :
Pour un milieu continu de frontière soumis aux efforts volumiques et aux efforts surfaciques dans le champ :
Puissance des efforts intérieursLa puissance des efforts intérieurs est la puissance développée par les efforts intérieurs (ou internes) au système considéré. Ce sont le plus souvent des efforts de contact (systèmes de points matériels ou de solides, milieux granulaires) ou des efforts de cohésion (milieux continus). L'axiomatique énoncée ci-après indique que cette puissance est toujours nulle lorsque le mouvement est rigidifiant. Pour un système de points matériels ou de solides, elle peut s'exprimer de manière similaire à la puissance extérieure (en considérant les actions sur chacun des points/solides par les autres). Pour un milieu continu, son expression dépend de la modélisation adoptée et peut être déduite du PPV et de quelques hypothèses de modélisation. ÉnoncéSoit un référentiel galiléen. Les vitesses, accélérations et puissances sont prises par rapport à ce repère.
Pour un système mécanique :
Principe des puissances virtuelles et théorèmes fondamentaux de la mécaniqueLe principe des puissances virtuelles (PPV) permet de retrouver entre autres le principe fondamental de la dynamique et le théorème de l'énergie cinétique. Principe fondamental de la dynamiqueSi l'on applique le PPV à un système matériel quelconque soumis aux efforts volumiques et surfaciques en choisissant un champ rigidifiant on obtient :
Ce qui traduit le fait que la réduction du torseur des actions extérieures en — point fixe — est égale à la dérivée de la réduction du torseur cinétique au même point :
Où est le torseur des efforts extérieurs, est le torseur dynamique et est le torseur cinématique d'un champ rigidifiant. Théorème de l'énergie cinétiquePour retrouver le théorème de l'énergie cinétique (notée ici), il suffit de choisir comme mouvement virtuel le mouvement réel, on obtient alors immédiatement :
Théorème de l'action et de la réactionNote : dans le cadre de l'axiomatique des puissances virtuelles, ce qu'on appelle souvent « principe de l'action et de la réaction », peut se démontrer, et devient donc un théorème. Soit un système quelconque formé de deux parties et . On appelle et respectivement la résultante des efforts de sur et de sur . Choisissons un mouvement virtuel quelconque de translation du système complet défini par le champ de vitesse virtuelle . Ce mouvement virtuel est rigidifiant. En vertu de l'axiomatique, les efforts intérieurs à ont une puissance nulle :
d'où La résultante des actions de sur est l'opposée de celles de sur . Une démonstration analogue, en choisissant un mouvement virtuel de rotation de , montrerait que les moments des actions réciproques de et sont aussi opposés. Utilisation du PPV
Le PPV : une démarche de modélisationLe PPV constitue une démarche de modélisation : en effet, il comporte deux « volets », l'un traduisant un équilibre de puissance, l'autre une nullité dans un type de mouvement. Parmi les trois types de puissances, il en existe deux dont les expressions sont relativement simples (même si elles font en réalité déjà intervenir des hypothèses et font donc déjà partie d'une modélisation) et une, celle des efforts intérieurs, qui pose un réel problème dès que l'on sort du cadre des systèmes de points matériels ou des solides indéformables. Pour pouvoir appliquer le PPV, il faut donc proposer une écriture pour la puissance des efforts intérieurs. Pour ce faire, il existe principalement deux démarches. La première consiste à changer d'échelle, à considérer un volume élémentaire de matière et à en déduire une expression des efforts intérieurs et donc de leur puissance. Une autre démarche est présentée ici, qui permet d'aboutir à la théorie du premier gradient et aux théories de gradients d'ordres plus élevés. Exemples de modélisation des milieux continusThéorie du gradient d'ordre zéro
L'hypothèse 2. revient à représenter les efforts intérieurs par un champ de vecteur. Soit le champ rigidifiant , d'après le PPV on a donc :
Ce qui conduit à On vient de montrer que si l'on représente les efforts intérieurs par un champ de vecteur, ce champ est nécessairement nul. Théorie des gradientsOn peut remplacer l'hypothèse 2. par l'hypothèse suivante : 2'. la densité volumique de puissance des efforts intérieurs est une forme linéaire de faisant intervenir et ses gradients successifs. Si l'on choisit de s'arrêter au premier gradient, on obtient la théorie du premier gradient, qui est la modélisation la plus courante pour un milieu continu, on peut alors montrer que les efforts intérieurs sont représentés par un tenseur d'ordre 2, , qui est symétrique et vérifie où est le vecteur normal sortant à la frontière de et F l'effort surfacique appliqué sur cette frontière. On peut prendre des gradients d'ordres plus élevés, ce qui conduit à des modèles plus complexes mais permettant de rendre compte d'effets plus subtils. Ainsi, avec le premier gradient, on ne peut pas couper une motte de beurre, et il faut monter au troisième gradient pour pouvoir la perforer, tandis que le second gradient permet déjà de la découper avec le fil à beurre.. Notes et références
Bibliographie: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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