Prieuré de Fontaines-les-Nonnes
Le prieuré de Fontaines-les-Nonnes est un ancien prieuré de l'ordre de Fontevrault, fondé au XIIe siècle et situé au nord de Meaux, dans la région Île-de-France. Il se développe au Moyen Âge central, mais subit les affres de la guerre de Cent Ans. Détruit, il est reconstruit à la fin du XVe siècle. Alors prospère, il doit sa renommée à ses œuvres de charité qui touchent le pays environnant. À la Révolution, ses religieuses ainsi que leurs prêtres sont dispersés et le prieuré, comme nombre de biens ecclésiastiques, est démoli, sauf une chapelle et la ferme attenante au domaine. La chapelle subsiste encore aujourd'hui dans le parc du château de Fontaine ; elle est classée pour ses pierres tombales au titre des Monuments historiques en 1931. LocalisationLe prieuré est situé dans la région Île-de-France, en Seine-et-Marne, à une quinzaine de kilomètres au nord de Meaux, dans la commune de Douy-la-Ramée. Situé près de la route de Meaux à Acy-en-Multien, dans un vallon boisé, son domaine est bordé par une petite rivière, la Thérouanne. HistoriqueFondation au XIIe siècleLe prieuré appartient à l'ordre de Fontevrault créé par Robert d'Arbrissel en 1101. La Règle de l'Ordre avait comme particularité « que les femmes commanderaient aux hommes et que ceux-ci leur obéiraient à l'exemple de saint Jean l'Évangéliste… » ; il en résulta, en principe, qu'un prieuré comprendrait un double établissement : un couvent de femmes et un couvent d'hommes, voisins mais séparés. Fontaines[1], sur ces principes, est fondé en 1124 par Pétronille, abbesse de Fontevrault, et Burchard, évêque de Meaux. Sur la gauche de l'ancienne route de Meaux à Acy-en-Multien, avant Puisieux, se trouvait la chapelle Saint-Quentin du monastère d'Aupigny.
Adam de Bouillancy, propriétaire du lieu offrit cette chapelle à l'évêque pour y fonder un couvent de femmes. Après accord de Thibault II de Champagne, suzerain de cette terre, la chapelle Saint-Quentin et la terre du Vaz (Le Mitoy)[N 1] près d’Acy sont données à l’ordre de Fontevrault. Le monastère prospère grâce aux dons de Burchard, Thibault IV, comte de Champagne, Thibault V, comte de Champagne et roi de Navarre, et à une foule de bienfaiteurs cités par l'abbé Bonno sur plus de trois pages. Sur place, les religieuses doivent, suivant la règle de l'Ordre, faire « essarter terres et bois ». Elles s'y attèlent en parallèle avec la construction de leur monastère. C'est en 1150, après plus de vingt-cinq ans, que la maison claustrale est enfin habitable. L'église, elle, ne sera achevée qu'en 1160, grâce à la générosité du roi Louis VII, père de Philippe Auguste[3]. Parallèlement à Fontaines, l'ordre de Fontevrault ouvre une succursale à Collinances, en 1134-1137, à une quinzaine de kilomètres au nord-est (trois lieues), sur les bords de la Grivette[4]. Le prieuré à l'époqueLe plan cadastral actuel fait état d'une superficie d'un peu moins de 18 ha pour le domaine de Fontaine[N 2], soit environ 36 arpents. Le prieuré comprenait deux monastères, celui des hommes et celui des femmes, donnés pour une superficie totale de 27 arpents à la Révolution[5]. Le couvent des pèresÀ Fontaines, « la communauté des religieux est réduite à trois pères confesseurs pour les besoins spirituels des religieuses. » D'après l'abbé Bonno[6], les pères occupent une vaste maison dans un enclos de plus de 5 arpents (environ 2,5 ha), situé au nord du domaine. Cet enclos, d'après la Règle, « fait d'un mur d'une hauteur de 15 pieds, sans treille ni échelon, pour l'isoler du monastère des religieuses », comprend :
Hors les murs, les religieux possèdent l'église dédiée à Saint Quentin, au-delà de la fontaine éponyme située à l'est du domaine, près du monastère d'Aupigny. La maison des damesToujours d'après l'abbé Bonno, l'enceinte des dames occupe une superficie de plus de dix arpents, soit le double de l'enclos des hommes. Elle est située au sud, à une centaine de mètres de la maison des pères. Dans cette enceinte on trouve la maison des nonnes et à l'ouest, l'entrée du prieuré ainsi que l'hostellerie « qui servait aux parents, aux visiteurs et aux voyageurs de distinction. » La vie au prieuréLa règle de l'ordre de Fontevrault s'inspire de la règle bénédictine où la journée est consacrée essentiellement au recueillement et à la prière - aux heures canoniales. Le temps restant est partagé entre travail et sommeil. Fontaines est placé sous l'autorité temporelle et spirituelle de la prieure. Pour le temporel, elle agit de concert avec son conseil composé de la prieure du cloître qui la seconde, la cellérière, la dépositaire (de l'argent, du linge, des denrées, etc.), la boursière, la portière et deux autres religieuses, toutes nommées par la communauté avec l'assentiment de la prieure qui pouvait les révoquer pour motif sérieux. Les autres nonnes avaient des attributions diverses correspondant aux besoins de la communauté[N 5], [7]. Comme pour les autres monastères de l'ordre, les religieuses se répartissent, suivant leur instruction, en sœurs de chœur (ou sœurs professes) et sœurs converses chargées des travaux manuels et domestiques du couvent. Du XIIIe au XVe siècleÀ l'époque de Guillaume des BarresQuatre-vingt dix ans après sa fondation, en l'an 1215, un important incendie ravage le couvent des religieuses. Les nonnes se réfugient dans la maison des pères. Ces derniers s'établissent alors à un kilomètre de là, à Champfleury, vers Puisieux. La maison des religieuses va être reconstruite grâce à la générosité du seigneur d'Oissery, Guillaume II des Barres. Devenu veuf, Guillaume se retire à Fontaines et endosse l'habit de Fontevrault probablement dans les années 1225, date à laquelle le couvent est reconstruit. Il y meurt en 1234 entouré de ses filles dont Alipe, alors prieure du lieu. Après la réintégration des religieuses dans leur prieuré, le domaine prospère et s'accroit de différentes acquisitions. Cette période faste dure jusqu'à l'avènement de Philippe le Bel en 1285 († 1314). La lutte d'influence entre le roi et le pape Boniface VIII sera « le point de départ de l'anéantissement du système catholico-féodal qui a fait la France … »[11]. Autour de la guerre de Cent Ans (1337-1453)Au début du XIVe siècle, le cartulaire de Fontaines[N 6] donne des indications datées sur les perturbations climatiques et leurs conséquences sur le pays : la disette de 1304, les grandes pluies de 1309 et la famine (1305-1317) fragilisent l'établissement. De plus, en 1335, sous Philippe de Valois, roi de France, le comté de Champagne rejoint le domaine royal, privant ainsi Fontaines des bienfaits du comte. Sur ce, les guerres civiles, religieuses et les guerres avec l'étranger (époque de la guerre de Cent Ans) qui se succèdent concourent à la ruine du prieuré : C'est d'abord la Grande Jacquerie en 1358 : un soulèvement de dix mille paysans venant des environs de Beauvais se dirigent vers Meaux ; les religieuses se réfugient à Paris. « Pillant et démolissant les châteaux qui se trouvent sur leur chemin, les Jaques atteignent le prieuré de Fontaines qu'ils dévastent[12]. » Après l'épopée de Jeanne d'Arc en 1429, et la reprise de Paris aux Anglais en 1436, ces derniers ne possèdent plus que Calais en 1453, date considérée comme un retour à la paix dans la province autour de Paris. Du XVIe au XVIIIe siècleLa réforme de l'OrdrePendant la guerre de Cent Ans, éloignées de leur prieuré, les nonnes de Fontaines, comme d'autres religieuses, vivaient dans le relâchement des pratiques religieuses. Reconstruction du prieuréAvant 1477, sous Jeanne Desloges, prieure déléguée à Fontaines par Marie de Bretagne, les religieuses rejoignent leur prieuré. Du domaine, seul celui des Pères, les habitations des ouvriers (entrée), l'hôtellerie et l'église Sainte-Marie ont été épargnés par l'incendie. Les nonnes s'installent dans la maison des Pères, ceux-ci étant en résidence à Champfleury. Les travaux de réhabilitation et de transformation dureront jusqu'en 1506. L'entrée consiste en une porte monumentale, avec de part et d'autre les logements du gardien, du commissionnaire et des passants ; deux ailes perpendiculaires et symétriques logent jardiniers, boulangers et autres ouvriers ; l'ensemble est fermé à l'est par l'hôtellerie comprenant cuisine, réfectoire et quatre chambres pour les parents. On peut deviner encore aujourd'hui cette disposition dans une vue aérienne du château. À une trentaine de mètres à l'est se situe la maison claustrale de forme rectangulaire. On y trouve :
« Au rez-de-chaussée : les parloirs, la salle du chapitre, la bibliothèque, les salles pour les novices, les chambres de travail pour les religieuses, le chauffoir et la cuisine ; aux étages supérieurs, les chambres et le dortoir des religieuses. Dans le couvent des Pères, une nouvelle chapelle, toujours dédiée à saint Jean l'Évangéliste est établie et bénite en 1480. Cette chapelle est celle qui est classée aujourd'hui pour ses pierres tombales. Pendant près d'un siècle, le prieuré va vivre en paix et prospérer. Vers la fin du XVIe siècle, les guerres religieuses vont de nouveau frapper Fontaines[16]. Au temps des guerres de religion et de la FrondeDurant les guerres de religion (1562-1598), en 1578, six ans après le massacre de la Saint-Barthélemy, Fontaines est envahi et occupé alternativement par des bandes armées au service du duc de Guise ou du duc d'Anjou. Puis, ce sont les huguenots qui visitent les établissements monastiques de la région. Les sieurs de la Ramée, hérétiques, lèvent des troupes et pillent le Multien. Les quarante religieuses de Fontaines seront épargnées mais rançonnées. Avec la fin des guerres de religion et l'entrée de Henri IV à Meaux et à Paris en 1598, Fontaines retrouve un peu de sérénité. Cette période de paix durera jusqu'à la Fronde (1648-1653). Après ces temps d'épreuves, le prieuré retrouvera paix et tranquillité jusqu'à la Révolution. Les nonnes restaurent alors les lieux claustraux et particulièrement l'église Sainte-Marie aux ornements dispersés, vases sacrés emportés et orgues brisées[N 9],[18]. Le monastère prospère : en 1693, dans la déclaration de biens (obligatoire en 1691), 73 articles sont cités : les terres ont une superficie de 2 234 arpents qui rapportent 10 920 livres sans compter les avantages en nature en blé et avoine[19].
Disparition à la RévolutionÀ l'aube de la Révolution, la prospérité de la communauté s'accentue. Son revenu atteint presque la somme de 4 000 livres. Les lois et décrets promulguées dès 1789 vont enlever à tous les monastères leurs privilèges et une partie de leurs revenus. Les trente-deux dames de Fontaines sont expulsées ainsi que trois prêtres. Deux bataillons campent dans le prieuré à la fin du mois de septembre. Des voleurs leur succèdent et, malgré les gardiens mis en place, « pillent tout ce qui leur tombe sous la main. » ; les pauvres, abandonnés, errent par bandes dans la contrée. L'état procède à la vente des biens du prieuré et de ce qui reste de Fontaines entre le et le 18 brumaire an V (). Durant l'époque révolutionnaire, la prieure, Madame des Laurens de Monserein, se retire avec d'autres religieuses à la-Ramée ; elle y meurt et est enterrée à Douy. Les dernières nonnes se dispersent alors. Registres du prieuréL'abbé Bonno ne cite pas toujours ses sources, mais c'est assurément à partir du cartulaire de Fontaines conservé aux Archives départementales de Seine-et-Marne qu'il a pu intégrer à son ouvrage la liste des religieuses de Fontaines présentée ci-dessous[24]. Liste des prieures et religieusesComme dans la plupart des autres établissements, les religieuses de Fontaines, hormis les sœurs converses, appartiennent par leur naissance à la noblesse, spécialement à la noblesse de robe. L'abbé Bonno en donne une liste exhaustive comprenant les prieures et religieuses entrées en religion à partir de 1477. Il y adjoint, en préambule, les quelques prieures ayant laissé la trace de leur existence avant cette date dans diverses archives[25]. On retiendra parmi elles : Prieures d'avant 1477 On peut s'interroger sur le lieu de sépulture des nonnes. L'abbé Bonno n'y fait pas allusion. Le nécrologe du prieuréDans le cas de Fontaines, il s'agit d'un registre dans lequel sont inscrits les noms des fondateurs et bienfaiteurs du prieuré[26]. Parmi les fondateurs, on peut souligner les plus importants déjà cités : Robert d'Arbrissel — ainsi que des membres de sa famille — ; Pétronille de Chemillé ; Burchard, évêque de Meaux et André, seigneur de Douy. Suivent, les bienfaiteurs des premiers siècles de la fondation du prieuré, dans l'ordre donné par l'abbé Bonno :
DevenirAprès la Révolution, le plan du cadastre napoléonien du lieu[27] (1824-1850) permet de se rendre compte des vestiges du prieuré devenu le « Parc de Fontaine ». On y voit, grossièrement :
Plus tard, en 1888, l'abbé Bonno visite et décrit avec émotion ce qui reste de Fontaine qui appartient alors à la famille Aubry-Vitet[28].
Ce qui l'impressionne le plus est la charmille qui a pour nom « Le Bois des Dames » qu'il a retracé scrupuleusement sur le plan qu'il nous a légué. Là se retrouve toute l'âme du prieuré. Pour finir, sur les vues-satellite du domaine du château d'aujourd'hui on peut encore voir les traces au sol du monastère des religieuses et « le bois des Dames », bois conservé par respect pour ces lieux chargés d'histoire (voir liens externes). Notes et référencesNotes
Références
AnnexesBibliographie
Articles connexesLiens externes
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