Professeur à l’École polytechnique et à l'École impériale des Beaux- Arts, il publie en 1799 Éléments de perspective pratique: à l'usage des artistes, qui expose les principes de la perspective linéaire, déjà développés dans de nombreux ouvrages, et les prolonge par les procédés de la perspective chromatique et l'exposé de sa conception esthétique du paysage peint, d'où une méthode d'apprentissage de la peinture sur le motif, en extérieur.
Biographie
Pierre-Henri de Valenciennes étudie la peinture à l’Académie royale de Toulouse de 1770 à 1771, puis dans l'atelier de Gabriel-François Doyen. Il se rend en Italie une première fois en 1769, s’installe à Rome de 1777 à 1781, voyage au Proche-Orient en 1782-1784 et revient finalement, avec de nombreux carnets de dessins, s'établir à Paris où se déroulera la plus grande partie de sa carrière. Il est admis à l'Académie de peinture en 1787. À la Révolution, il figure parmi les artistes logés au Louvre.
En Italie, il a étudié la perspective, et exécuté des études en plein air qui témoignent d'une sensibilité nouvelle devant la nature. S'il insiste sur l'importance du travail sur le motif, en quoi on le considère comme un des précurseurs du paysage moderne, son intérêt principal reste le paysage historique, qu'il s'efforcera de faire triompher tout au long de sa carrière. De ce point de vue l'étude en plein air est essentielle, mais comme préalable à la réalisation, en atelier, d'une composition historique. C'est ainsi que son morceau de réception à l'Académie est « un paysage représentant Cicéron qui fait abattre les arbres qui cachaient le tombeau d'Archimède[1] », exposé au Salon de 1787. À l'exception de quelques vues, qui sont des paysages sans représentation d'une anecdote historique ou mythique, les tableaux qu'il présentera régulièrement aux Salons jusqu'en 1819 seront tous des paysages historiques.
Il donne des cours de perspective à l’École polytechnique, fondée en 1795, et fait paraître en 1799 ses Éléments de perspective pratique à l’usage des artistes, suivis de réflexions et Conseils à un Élève sur la Peinture et particulièrement sur le genre du Paysage. Il est nommé professeur de perspective le , à l’École impériale des Beaux- Arts, succédant à Pierre-Charles Dandrillon. Il aura lui-même pour successeur Jean-Thomas Thibault, en 1819[2].
Dans ce genre, il fut non seulement un artiste de grand talent, mais aussi un théoricien théoricien et un pédagogue. C'est à ce titre qu'il fait partie, en 1804, de la première promotion de la Légion d'honneur[3]. Il publia ses idées en 1799 dans un ouvrage écrit avec Simon-Célestin Croze-Magnan. Des historiens de l'art considèrent rétrospectivement ses Éléments de perspective pratique à l'usage des artistes, suivis de réflexions et conseils à un élève sur la peinture et particulièrement sur le genre du paysage comme une élaboration de la théorie du paysage du point de vue néo-classique[4]. Il y considère le « paysage historique[b] », composé en atelier, comme une variante de la peinture d'histoire, où l'environnement situe l'anecdote dans un contexte qui la rend plus crédible. La peinture de paysage atteint ainsi le statut supérieur dans la hiérarchie des genres. Par contraste, il reproche à ses grands prédécesseurs de n'offrir que « des paysages où l'on désirerait posséder une habitation ». Insuffisamment idéalisés, « les dieux, […] les héros même, sont étrangers à ces beaux sites[7] ». La fondation, en 1816, d’un prix du Paysage Historique à l’École royale des Beaux-Arts marque la reconnaissance officielle de cette théorie, à l'époque où le paysage pittoresque, qui représente le sentiment de l'artiste autant qu'une vue documentaire sur le lieu, acquiert un prestige indépendant, notamment sous l'influence de l'école anglaise et de William Gilpin[8]. La réforme de l'École des Beaux-arts en 1863 supprimera le prix[réf. nécessaire].
Si sa théorie et les tableaux qu'il présente au Salon font de Valenciennes un défenseur des doctrines classiques, qui dominent alors la peinture française, ses études peintes en Italie rejoignent la sensibilité montante, et on voit en lui « un précurseur du Corot d'Italie[9] ».
Au mois d'avril suivant sa mort est annoncée la vente du « cabinet de feu M. P. H. Valenciennes, de l'ancienne Académie Royale de Peinture, et Professeur de Perspective à l’École Royale des Beaux-Arts, Chevalier de la Légion d'Honneur » composé de « tableaux, dessins, estampes, livres » etc. « qui aura lieu en la maison du décédé, quai des Orfèvres, no 18, le lundi et jours suivants »[10].
Écrits
Dans un traité publié en 1800, il introduit à côté des catégories traditionnelles du paysage héroïque et du paysage pastoral, le paysage-portrait. Il désigne ainsi la reproduction fidèle du paysage que l'artiste a sous les yeux et envisage que cette pratique puisse devenir un genre à part entière[11].
Éléments de perspective pratique, a l'usage des artistes, suivis de réflexions et conseils à un élève sur la peinture, et particulièrement sur le genre du paysage[12], Paris, Victor Desenne, J.-B.-M. Duprat, Jules-Louis-Melchior Porthmann, 1799.
« il est bon de peindre la même vue à différentes heures du jour, pour observer les différences que produit la lumière sur les formes. Les changements sont si sensibles et si étonnants que l'on a peine à reconnaître les mêmes objets. »
— Élémens de perspective pratique à l'usage des artistes, An VIII[13]
Peinture
À la villa Farnèse (1780), trois tableaux, huile sur papier collé sur carton, 30 × 38 cm, Musée du Louvre, Paris : Bâtiments entourés d'arbres ; Arbres et fabriques ; Ruisseau coulant parmi les arbres[14]
Villa Borghèse : trois tableaux, huile sur papier collé sur carton, 20 × 26 cm, Musée du Louvre, Paris : Ciel, temps de pluie ; Le Pavillon ; Les Thermes de Caracalla[24]
Nemi, : trois tableaux, huile sur papier collé sur carton, 22 × 32 cm, Musée du Louvre, Paris : Vue à Nemi ; Le Palais de Nemi ; À la Fayolle, forêts et fonds[27]
Enée et Didon fuyant l'orage se réfugient dans une grotte Musée Sainte-Croix Poitiers
Postérité
Oublié quelques décennies après sa mort, Valenciennes exercera pourtant une profonde influence sur les générations suivantes, principalement en ce qui concerne l'art du paysage qui, de genre mineur qu'il était au XVIIIe siècle, deviendra, dans la première moitié du siècle suivant, l'objet d'une pratique de masse et d'un intérêt critique croissant[29] et à la fin du siècle, le lieu d'expériences esthétiques radicales[réf. souhaitée].
Bibliographie
Charles Gabet, Dictionnaire des artistes de l'école française au XIXe siècle, Paris, 1831.
Émile Bellier de La Chavignerie, Dictionnaire général des artistes de l’école française depuis l’origine des arts du dessin jusqu’à l’année 1868 inclusivement. Archives, peintres, sculpteurs, graveurs et lithographes, vol. 2, Paris, Ve J. Renouard, , p. 509-510.
Marie-Louis Desazars de Montgailhard, « Valenciennes (1750-1819) », dans Les artistes toulousains et l'art à Toulouse au XIXe siècle, Toulouse, Librairie-Marqueste/E.-H. Guitard, , 477+XVII (lire en ligne), p. 96-120
Michel Laclotte (dir.), Jean-Pierre Cuzin (dir.) et Arnauld Pierre, Dictionnaire de la peinture, Paris, Larousse, (lire en ligne)
Claude Bardinet, « Nature et paysages : la saga des Valenciennes (1750-1865) », Sites et monuments : bulletin de la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique générale de la France, (lire en ligne)
Jean-Rémi Mantion, "Une étrange lacune: le paysage en peinture au XIXe siècle", Critique, n° 785, Octobre 2012
Notes et références
↑Le de ne figure ni sur l'acte de naissance ni aucun autre du dossier de la Légion d'Honneur, ni dans Bellier de la Chavignerie, ni dans l'édition originale de son Éléments de perspective pratique. Cependant, la forme internationale de désignation de cet auteur est « Valenciennes, Pierre-Henri de (1750-1819) »notice d'autorité de la BNF
↑Malgré le prestige du Lorrain, l'expression paysage historique n'est attestée en français, qu'en 1793, dans l'« Explication du Salon », à propos d'un tableau de Schall, n° 180, page 19 ; il semble qu'elle soit de Casimir Varon[5]. Mais Roger de Piles voyait déjà dans le paysage héroïque un genre supérieur de paysage. Poussin s'y était intéressé, ainsi que de nombreux classiques[6].
↑Frédéric Chappey, Les Professeurs de l'École des Beaux-Arts, (1794-1873), dans Romantisme, 1996. N°93. pp. 95-101.
↑Dossier consultable dans la base de données Léonore.
↑Jeremy Strick, « Connaissance, classification et sympathie : les cours de paysage et la peinture du paysage au XIXe siècle », Littérature, no 61, , p. 17-33 (lire en ligne) (p. 20
↑Jacques Thuillier, « Le paysage dans la peinture française du XVIIe siècle : de l'imitation de la nature à la rhétorique des "Belles idées" », Cahiers de l'Association internationale des études francaises, vol. 29, no 1, , p. 45-64 (lire en ligne).
↑Raffaele Milani, « L’idée du paysage dans les catégories esthétiques », Horizons philosophiques, vol. 11, no 1, , p. 99–123 (lire en ligne).
↑Michel Laclotte (dir.), Jean-Pierre Cuzin (dir.) et Arnauld Pierre, Dictionnaire de la peinture, Paris, Larousse, (lire en ligne), p. 878.
↑Notice des tableaux, dessins, estampes, livres ... composant le Cabinet de feu M. P. H. Valenciennes, avril 1819 voir en ligne sur le site gallica de la BnF)
↑Vincent Pomarède, 1001 peintures au Louvre : De l’Antiquité au XIXème siècle, Paris/Milan, Musée du Louvre Editions, , 363 p. (ISBN2-35031-032-9), p. 182
↑Élémens de perspective pratique, a l'usage des artistes, suivis de réflexions et conseils à un élève sur la peinture, et particulièrement sur le genre du paysage (lire en ligne)
↑Pierre-Henri de Valenciennes, Elémens de perspective pratique : à l'usage des artistes, Paris, (lire en ligne), p. 409.
↑Pamela J. Warner, « La matérialisation du discours dans Le Salon de 1852 : les Goncourt face à la peinture de paysage », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, vol. 1, no 9, , p. 7-27 (lire en ligne).