La peinture rajput (ou râjpoute) désigne diverses écoles de peinture indienne qui sont apparues au XVIe siècle ou au début du XVIIe siècle et se sont développées au cours du XVIIIe siècle dans les cours royales du Rajasthan en Inde, mais aussi dans les anciens royaumes rajputs des contreforts de l'Himalaya et alors dénommée « peinture paharî ».
Histoire et thématiques
Du XVIe siècle au XIXe siècle dans les royaumes du Rajasthan, ces écoles (à proprement parler : « rajput »), héritent de traditions variées. Certaines sont issues de la peinture moghole qui provient elle-même du métissage de l'art des miniatures persanes, du naturalisme indien et des miniatures et gravures occidentales. Mais beaucoup conservent l'efficacité du trait elliptique et de l'à-plat qui caractérise la miniature pré-moghole et les arts populaires du Rajasthan[1]. Quant aux vallées situées sur les contreforts de l'Himalaya, dans les collines du Panjab et anciens royaumes rajputs, étant plus éloignées des grands centres de culture moghole, elles ont vu fleurir un art très individualisé : la peinture paharî (ou pâhâri), assimilée elle aussi à l'ensemble des peintures rajput[2]. Cette peinture pahari ne subit une influence moghole qu'à partir de 1739, à la suite du sac de Delhi par Nâdir Châh[3]. Des peintres formés à l'école moghole viennent alors se réfugier dans ces collines, dans les cours de Guler, de Kangrâ, de Chambâ et de Nûrpur. Leur style effectue la synthèse des deux formes, et apporte le raffinement à des motifs qui gardent certains traits essentiels des styles locaux ainsi que leurs thématiques.
À la différence de l'art moghol qui reflète une culture islamique, la peinture rajput est d'abord d'essence religieuse dans un contexte hindou et manifeste le mouvement dévotionnel de la bhakti ainsi que la renaissance des cultes rendus aux deux principaux avatâra de Vishnu : Rāma et Krishna mais aussi profanes. Elles illustrent en particulier des épopées comme le Rāmāyana : « le parcours de Rāma », et le Mahābhārata : la vie de Krishna. Mais évoquent des thèmes profanes, l'amour profane et le sentiment amoureux[4].
Si les miniatures dans les manuscrits étaient le médium privilégié par la peinture rajput, de nombreuses peintures murales ont également été réalisées dans quelques palais, à l'intérieur des forteresses et des havelîs, en particulier celles de la région du Shekhawati.
Cette tradition est toujours en vigueur en Inde, elle se transmet de père en fils. La tradition Rajput a même une (faible) renaissance grâce à l'école de Chitera Art School à Kangra (Himachal Pradesh) qui enseigne la peinture Pahari. À Dharamsala se trouve le Museum of Kangra Art.
Pratiques picturales
Chaque royaume rajput développe son propre style, ce qui donne naissance à plusieurs « écoles », mais avec certaines caractéristiques communes à chacun de ces styles. Il existe ainsi peu de peintures sur panneau de bois. Les miniatures rajput sont essentiellement sur papier, sous forme de miniatures dans des manuscrits. En revanche de nombreuses peintures murales ont également été réalisées dans les palais, à l'intérieur des forteresses et des havelîs, en particulier celles de la région du Shekhawati.
Les pigments, plus ou moins opaques ou utilisés en lavis, sont extraits de certains minéraux, comme les terres d'ocre et le lapis-lazuli ou proviennent de sources végétales comme le noir de fumée, la gomme arabique servant de liant. On utilise parfois l'or et l'argent. Les miniatures sont réalisées sur divers papiers, la peinture à l'aquarelle, plus ou moins opaque, n'est appliquée qu'après un dessin précis sous forme d'esquisse. Ce dessin est parfois composé sur une feuille différente et transféré sur le vasli définitif après perforation de l'esquisse avec un tampon de poudre noire[5].
Caractères stylistiques généraux à la peinture rajasthani
Le trait est rapide et simplificateur. Il s'autorise un certain schématisme et une forte stylisation qui harmonise les différents effets graphiques. Ainsi pour les corps des dieux, des humains ou animaux, la courbe souple évoque les formes et respecte les proportions sans jamais entrer dans le détail comme le fait la peinture moghole, à l'exception de Kishanghar au XVIIIe siècle[6].
Les villes et autres constructions sont évoquées par des vues frontales, tracées à la règle. Certaines terrasses et bassins pouvant apparaître en perspective cavalière.
Les volumes des corps sont évoqués par un léger passage de teinte, du sombre au clair ou de l'intense au pâle, mais l'usage de l'à-plat reste courant dans toutes les écoles Rajput[7].
Les drapés et les motifs décoratifs qui les couvrent privilégient la répétition méticuleuse et la parfaite régularité des espacements.
Les végétaux, feuillages et fleurs, sont l'occasion de motifs composés où la nature est stylisée et souvent réinventée[8].
Écoles
Sur une période d'environ 300 ans, débutant au XVIe siècle, les plus célèbres écoles de peinture rajput sont les écoles de Mewar, Bûndî - Kota, Jaipur, Bikaner, Kishangarh et Jodhpur, dans l'État de Mârvar, toutes au Rajasthan auxquelles il convient[N 1] d'adjoindre l'école Pahari, des anciens royaumes rajputs situés sur les contreforts de l'Himalaya. Chaque "école" concerne plusieurs lieux de production :
L'ancien État princier de Garhwâl actuellement dans l'État d'Uttarakhand
Galeries de peinture du Rajasthan
Mewar
Varati Ragini, folio tiré du Chawand Ragamala par Nasiruddin. Chawand, 1605, Museum Rietberg, Zurich
Krishna et Radha échangeant des regards. Par Sahabdin. Mewar, Rajasthan, vers 1630-35. Gouache sur papier, folio: 27,2 × 20,8 cm. National Museum, New Delhi.
Portrait d'un prince du Mewar. Bhim Singh (?), Udaipur, Rajasthan, v. 1720-30.
Bundi - Kotah
Courtisane mélancolique. Bundi ou Kota, 1610. Or, encre et couleurs sur papier, 32.7 × 27.3 cm. Metropolitan Museum of Art
Joueuse de tanpura[11]. Kishangarh, 1735. Dessin coloré. Encre, couleurs opaques et transparentes, or sur papier, 47 × 33.7 cm. Metropolitan Museum of Art
Radha et Krishna dans le bateau de l'amour. Par Nihalchand. Kishangarh, v. 1750. Encre, couleurs opaques et transparentes sur papier, 43 × 33.5 cm. National Museum, New Delhi
Krishna et Radha dans un pavillon, peint par Nihâl Chand, Kishangarh, v. 1750, 23 × 34 cm. Musée d'Allahabad[12]
Le sage Sukadeva s'adressant au roi Parikshit. Kishanghar, v. 1760. 32 × 22 cm. Victoria and Albert Museum
Un peintre de Kota dessinant l'esquisse d'une silhouette féminine sur un vasli qu'il tient sur ses genoux relevés, vers 1780. Crayon sur papier, 26,7 × 13,6 cm. National Museum, New Delhi[13].
(en) Roda Ahluwalia, Rajput painting : romantic, divine and courtly art from India, Londres, British museum press, , 176 p., relié (ISBN978-0-7141-2435-3)
Bonne synthèse, bien illustrée.
Douglas Barrett et Basil Gray, La peinture indienne, Suisse, Skira, , 211 p.
Par les conservateurs du British Museum. Sur la peinture Rajput : pages 131 - 159.
Anjan Chakraverty, La miniature indienne, Paris, Charles Moreau/ROLI, , 140 p. (ISBN2-909458-29-6)
Synthèse rapide, illustrée. Sur la peinture Rajput : pages 75 - 102.
Brijindra Nath Goswamy (photogr. Jean-Louis Nou), Rasa, les neuf visages de l'art indien : Galeries nationales du Grand Palais, 13 mars-16 juin 1986, France, Association française d'action artistique, , 333 p. (ISBN2-86545-043-0)
Approche thématique, études œuvre par œuvre.
Édith Parlier-Renault (sous la direction de), L'art indien : Inde, Sri Lanka, Népal, Asie du Sud-Est, Paris, PUPS : Presses de l'Université Paris-Sorbonne, , 419 p. (ISBN978-2-84050-702-4)
(en) Goswamy, BN and Fischer, Eberhard, Pahari Masters : Court Painters of Northern India, New Delhi, Niyogi Books, by arrangement with Museum Rietberg Zurich, Artibus Asiae, , 391 p. (ISBN978-81-89738-46-4). Format : 30 × 23,5 cm. Première édition 1992.