Paul SollierPaul Auguste Sollier Paul Sollier, interne à la Salpêtrière en 1886.
Paul Sollier, né à Bléré le et mort à Paris le [1], est un psychiatre français, promoteur aux côtés de sa femme Alice de la psychiatrie hospitalière privée et de ses techniques. Professeur de psychologie à l'Université nouvelle de Bruxelles, il y fonde avec son collaborateur José Drabs l'École d'ergologie, premier centre de recherche en ergonomie, toujours actif. Inventeur du terme d'autoscopie et du concept de reviviscence, il a été le médecin de Marcel Proust. BiographieEnfant de la IIIe République (1879-1886)Paul Auguste Sollier naît au domicile familial de Bléré, rue Sainte-Catherine[° 1], actuelle rue Paul-Louis-Courier[° 2], d'un père receveur des contributions directes originaire de La Flèche[° 1] et d'une mère originaire du Val Montjoie. Il grandit dans la ville du Mans[2], où son père a été promu. Au terme d'une scolarité accomplie au lycée du Mans[° 3], il s'acquitte de ses obligations militaires, au 101e RI[° 4], puis, en , à l'âge de vingt ans, « monte » à Paris pour commencer le cursus de médecine de la Faculté[2]. À l'Hôpital des Enfants malades, à proximité duquel il habite, rue du Cherche-Midi, il fait la connaissance d'une externe du professeur Jacques-Joseph Grancher, Alice Mathieu-Dubois, fille d'un affranchi guyanais et probable[3] petite fille du maître de celui ci, qui a été, semble-t il, la première bachelière « de race noire »[° 5]. Le , Blanche Edwards étant témoin[4], il épouse[3] celle que ses meilleures amies appellent « Bamboula »[5]. Le couple s'installe à Gentilly[3], près de l'hôpital Bicêtre. Le , il a le malheur de perdre un premier enfant, René Victor, trois jours après La naissance prématurée de celui ci[6]. À l'école de Charcot et de Bourneville (1886-1896)Quelques semaines plus tôt, en 1886, soit un an avant la fin de son externat, Paul Soillier était nommé interne des hôpitaux à titre provisoire[7], c'est-à-dire pour combler un poste vacant, à la Salpêtrière. Il y assiste aux Leçons du mardi de Jean-Martin Charcot. Au sein de l'équipe de celui ci, il est plongé dans le débat sur l'étiologie de l'hystérie, une lésion neurologique ou une manifestation de l'inconscient. La question n'est pas tranchée et s'inscrit dans une querelle plus générale entre Sainte Anne, école partisane des idées de Valentin Magnan sur la dégénérescence, et la Salpêtrière, partisane de l'autonomie de la neurologie par rapport à ce qui relève de la psychologie. Reçu cinquième au concours de l'internat de l'année suivante[8], Paul Sollier devient père cinq mois plus tard, le , d'une Suzanne, fille née à la maternité de Port Royal[3] qui deviendra la femme du radiologue Paul Duhem[° 6]. Il n'aura pas d'autres enfants. En 1888, il se voit confier avec sa femme, le docteur Alice Sollier, qui a fait sa thèse sur certains signes de dégénérescence de l'espèce humaine chez les enfants idiots[9], la direction de la Villa Montsouris, clinique privée qui accueille alors des femmes aliénées et qui déménagera en 1966 du 130 rue de la Glacière au 115 rue de la Santé[10]. Le couple directeur réoriente les trente lits de l'établissement vers le traitement accéléré[11] de la morphinomanie[10], des cures de soixante jours[7]. Simultanément, Paul Sollier enseigne l'hygiène dans les écoles d'infirmières de la Ville de Paris, fonction qu'il exercera neuf ans[7]. En 1889, l'aliéniste Désiré-Magloire Bourneville, un autre habitué des Mardis de Charcot qui assure la direction médicale de l'hôpital Bicêtre et est en octobre élu député radical modéré, le nomme conservateur du musée d'anatomo-pathologie de son établissement, manière d'aider le jeune soutien de famille. Sous la direction Bourneville, lequel a commencé d'entreprendre la réforme de la prise en charge des jeunes déficients mentaux à travers la fondation Vallée, Paul Sollier rédige et, le , soutient devant l'académicien Victor André Cornil, avec succès, une thèse de doctorat en neurologie, spécialité incluant alors la psychiatrie, sur la psychologie des « arriérés »[12]. Il y délivre ses observations de ce qui chez les enfants hospitalisés n'est pas encore repéré sous le terme générique de stéréotypie et s'attache à distinguer ce qui y relèverait d'un facteur neurologique et ce qui ne serait qu'un symptôme psychiatrique, préparant ainsi[13] la classification que Julien Noir[14] élaborera sous la direction des mêmes Bourneville et Cornil. Il se montre comme ses maîtres attentif aux facteurs psychologiques et sociaux de la maladie mentale, à l'opposé de la doxa de l'hérédodégénérescence qui mobilise alors un consensus sur l'origine héréditaire des psychopathologies et qui a été popularisée par l'oeuvre romanesque d'Émile Zola. Si l'hérédité est, selon lui, indéniable et même fondamentale, en particulier dans l'anorexie[15] et l'alcoolisme, elle n'explique pas tout. Inversement, si les facteurs moraux sont indéniables, ils correspondent, selon lui, à une lésion. Paul Sollier est nommé en 1891 chef de clinique[7] à Bicêtre dans le service d'Auguste Voisin[2], le neveu de feu Félix Voisin. En 1894 son clinicat n'est pas renouvelé[7] et en 1912 sa candidature à l'Académie nationale de médecine, à l'occasion de laquelle il affirmera avoir renversé la tendance « psychologisante » ouverte par Charcot, sera rejetée. Le Sanatorium de Boulogne (1897-1914)En 1897, Paul Sollier abandonne la direction de la Villa Montsouris pour prendre, toujours avec sa femme, celle d'une autre clinique qui a été inaugurée cette même année, le Sanatorium de Boulogne sur Seine (situé au 145 route de Versailles, devenue l’avenue du Général Leclerc; sur l’emplacement s’étendant de nos jours du n°577 au n°701 de l’avenue). Les pavillons, construits autour de jardins, sont somptueux et se trouvent à la lisière de Billancourt, quartier alors très select de villas réservées à la bourgeoisie la plus fortunée mais boudé par l'aristocratie germanopratine, un peu à l'écart donc. Paul Sollier y a pour adjoint François Boissier. Il y propose des traitements à base de mécanothérapie (de), kinésithérapie, massothérapie, hydrothérapie sans négliger pour autant l'écoute attentive et bienveillante. L'isolement du milieu habituel et la relation thérapeutique, y compris une forme de terreur sanitaire exercée par le médecin de toute son autorité[16], restent selon lui essentielles. Il pratique aussi l'hypnose. Il commence en 1898 à enseigner à l'Université nouvelle de Bruxelles, dont il deviendra en 1909 membre du conseil d’administration. Quelques semaines après la mort de sa mère, Marcel Proust, qui ne s'était résolu à soigner sa « neurasthénie » que pour complaire à celle ci, est adressé par son médecin, l'élève de Charcot Édouard Brissaud, au sanatorium de Boulogne. Le , il lui est diagnostiqué une hystérie. Il est hospitalisé quelques jours plus tard pour six semaines, durée relativement longue. Il confessera en être sorti plus mal qu'à l'entrée, à cause de l'asthme, mais restera le patient du docteur Sollier. L'influence de celui ci sur la conception de la mémoire et de l'inconscient développée dans La recherche du temps perdu est patente[17]. Au Sanatorium est également soigné Édouard Drumont. À propos de ce patient, Paul Sollier conclut que l'antisémitisme est l'« indice d'une dégénérescence intellectuelle » qui traduit une prédisposition cérébrale à l'aliénation[18]. De la névrose de guerre à la médecine du travail (1914-1933)Réserviste ayant régulièrement participé à des exercices de campagne, le docteur Sollier est mobilisé au début de la Première Guerre mondiale à l'hôpital militaire du camp de Moumelon[° 4]. Le , au début de la bataille des Frontières, il est envoyé au front dans un service d'ambulance[° 7]. Évacué un mois plus tard vers l'hôpital Saint Roch de Nice, il est affecté le à l'hôpital complémentaire de Lyon, où il se voit confier le le poste de médecin chef du centre de neuropathologie[° 7]. Il y privilégie la psychothérapie sans renoncer au « torpillage » dans les cas de camptocormie, ces soldats traumatisés qui n'arrivent plus à se tenir droits. En 1919, sa clinique boulonnaise n'a pas retrouvé sa prestigieuse clientèle de la Belle Époque, d'autant que la ville a été convertie en un pôle ouvrier. Racheté en 1921 par l'APHP avec l'aide de la municipalité que préside l'hygiéniste André Morizet, le sanatorium devient en 1923 l'hôpital Ambroise-Paré, qui sera détruit par un bombardement allié le puis, en 1965, reconstruit à l'emplacement de la cour du Château Rothschild, où il se trouve aujourd'hui, à l'autre bout de la ville près du Bois de Boulogne. Paul Sollier continue d'exercer, comme consultant dans son ex établissement et à son domicile, 14 rue Clément Marot. C'est là que, grand père d'une Jacqueline qui épousera le chef du service de radiologie de l'hôpital Necker Jean Dubost, il décède. Sa veuve lui survivra neuf ans. Œuvre écritPaul Sollier a effectué de nombreux travaux sur les syndromes neurologiques, l'hystérie de son maître Jean-Martin Charcot, la mémoire, les émotions et l'idiotie.
Précurseur des TCCLa question de l'hystérieDans les querelles d'égo qui se développent au sein de ce qui ne s'appelle pas encore l'école psychodynamique, Paul Sollier s'oppose à Pierre Janet, qui parait alors être une sorte de modernisateur de l'école de Charcot. Pour lui, l'« hystérie », terme à la mode alors entendu en un sens très large et recouvrant jusqu'à des cas d'hallucination voire de psychose hallucinatoire chronique, est une altération de la cénesthésie et la « désintégration mentale » qui la caractérise s'explique par une anesthésie corticale[20]. Sans être exclusivement organiciste, Paul Sollier reste en effet attaché à l'idée cartésienne d'une interaction du « physiologique » sur le « psychique » et partant à la possibilité d'une psychothérapie par un entrainement du corps, ce qu'il appellera en 1901 le « réveil cérébral »[20] et qui peut être regardé comme l'anticipation de la psychothérapie cognitivocomportementale ou TCC. C'est dans cette optique que, par exemple, il met au point le traitement de l'anorexie mentale basée sur la pesée hebdomadaire[21] avec un objectif de poids[22] et un gavage[23] forcé[24], l'« alimentation en bloc »[25] c'est-à-dire l'inverse de la réalimentation progressive[26], tout en reconnaissant qu'il a peu d'efficacité[27] et que la maladie reste une question de désir[26], qui n'est pour lui qu'un état neurologique. Préfigurant la stimulation cérébrale profonde qui sera mise au point dans les années 1980, une même idée de stimulation nerveuse qui ne soit pas une électrothérapie de surface, dans le cerveau, dans l'estomac, qui seraient anesthésiés, préside à l'idée de guérison de l'« hystérie » et son cas particulier que serait l'anorexie mentale. Le traitement moral revisitéLes souffrances engendrées par le traitement, auxquelles le médecin se devrait de passer outre[25], la négation du point de vue du patient[28] sont en rupture avec le paradigme français du « traitement moral » initié par Philippe Pinel et respecté par les neurologues tels que Joseph Babinski, qui fut le chef de clinique de Paul Sollier. Celui ci continue toutefois de revendiquer le traitement moral comme une thérapeutique qui reste valable[29], ne serait ce que pour satisfaire à une obligation médicolégale contrôlée annuellement par la préfecture, mais c'est un traitement moral revisité. La psychothérapie est utilisée par lui comme un complément des traitements physiologiques dans l'idée de produire un effet semblable, qui est de sortir le patient d'une sorte de léthargie corticale. La parole du médecin, par sa violence, doit produire, avec toutefois bienveillance, un choc qui ferait prendre conscience au patient de sa pathologie. Paul Sollier n'hésite pas par exemple à menacer ses patients de privations. La guérison est ainsi conçue comme la conformation du discours du patient à celui du médecin, qui se devrait d'incarner la norme et dire la normalité. Distinctions
AnnexesBibliographie
Sources
Documents
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