Organisation apprenanteUne organisation apprenante est une organisation humaine (entreprise, administration, etc.) qui met en œuvre un ensemble de pratiques et de dispositions pour rester en phase avec son environnement. On rencontre aussi l’ appellation entreprise apprenante. Chaque entreprise peut être considérée comme un système vivant opérant au sein d'un écosystème. À l'intérieur de l'entreprise, comme dans un organisme multicellulaire, chaque membre est lui-même attentif à cet écosystème. Dans l'entreprise apprenante, tous les membres apprennent les uns des autres. Cette communication transversale permet l'émergence du vivant qu'il soit innovation, intelligence collective ou adaptation permanente à l'environnement. C'est ce qui assure le développement durable de l'organisation. Historique et originesIl semble que ce soit Arie de Geus[1], homme d'entreprise, responsable du Group planning de Royal Dutch Shell, qui ait parlé le premier d’ « entreprise apprenante » dans son livre The Living Company publié à Londres en 1997[2], reprenant les analyses de Peter Senge, La 5e discipline, l'art et la manière des organisations qui apprennent, publié en 1990. L'idée d'organisation qui apprend a été trouvée par le professeur et conseiller en management des entreprises Chris Argyris[3] et reprise en 1990 par son assistant et disciple Peter Senge[4], les spécificités et les pratiques de l'organisation apprenante se sont développées dans les années 1990 et 2000. La réflexion sur le « comment apprendre » utilise les recherches du psychologue Jean Piaget sur l'émergence de l'intelligence chez l'enfant, l'apprentissage par accommodation, par assimilation[5],[6]. Peter Senge, dans son livre publié en 1991 La 5e discipline, l'art et la manière des organisations qui apprennent[7] et dans le « Guide de terrain » décrit cinq disciplines qui, pratiquées conjointement, permettent à l'entreprise de devenir une « organisation apprenante », en développant le learning, en français « apprentissage » rendu par le néologisme « apprenance », un concept et une attitude, qui va au-delà d'un outil managérial puisqu'il implique une transformation parallèle des personnes et des organisations. L'idée est : « je me transforme moi-même pour transformer mon organisation ». En FranceCes recherches sur l'organisation apprenante ont ensuite largement inspiré les études sur la gouvernance des organisations et l'importance de la transversalité et du dialogue dans les techniques de management. En France les travaux de Peter Senge sont prolongés par l'association Sol France[8]. Selon les Échos, le patronat français s’y intéresse et un groupe de travail sur l'entreprise apprenante au sein de la commission «progrès des entreprises du CNPF». En 2022, France Stratégie publie un rapport qui considère que le Lean et l’Organisation Apprenante sont les deux formes organisationnelles nouvelles qui permettent de dépasser le taylorisme[9]. Apprenance organisationnelle et Organisation apprenanteL'apprenance organisationnelle peut être définie comme un processus d'apprentissage par le biais d'interactions sociales au niveau des groupes et des organisations. Grâce à l'apprenance organisationnelle, "des organisations entières ou leurs composantes s'adaptent à des environnements changeants en générant et en adoptant de manière sélective des routines organisationnelles" [10]. Cela signifie que l'apprenance organisationnelle a pour conséquence un niveau accru de connaissances organisationnelles, porteur de générer de nouveaux changements dans l'organisation. L’apprenance organisationnelle ne saurait être confondu avec l’organisation apprenante. Pour qu’une organisation devienne apprenante, il faut que cela soit décidé et qu’un certain nombre de mesures concrètes aient été mise en place pour qu’elle le devienne[11]. Farrukh et Waheed proposent dans une revue de littérature de 2015 la définition suivante de l'organisation apprenante: il s’agit d’une organisation qui apprend par l'intermédiaire de ses membres, individuellement et collectivement afin de créer des avantages concurrentiels en développant un système de facilitation à travers le processus d'auto-développement et de partage de l'information, tout en responsabilisant ses employés[12]. Senge considère l'organisation apprenante comme une invention sociale, qu’on pourrait comparer à une invention technique. Tout comme une invention technique est composée d'éléments tangibles appelés technologies, une invention sociale est composée d'éléments intangibles appelés disciplines. Une discipline est essentiellement "un ensemble de théories et de techniques qui doivent être étudiées et maîtrisées pour être mises en pratique". Une discipline est un chemin de développement permettant d'acquérir des aptitudes ou compétences... Pratiquer une discipline, c'est être apprenant tout au long de la vie". Ces disciplines doivent converger pour que l'entreprise se développe en tant qu'organisation apprenante. Mais au delà de cela, Senge considère que l’élément clé de l’organisation apprenante est un changement d’état d’esprit de l’ensemble des employés, et en particulier des managers. “A learning organization is a place where people are continually discovering how they create their reality. And how they can change it” (Senge, 1999, p.13). Pour lui, l’essence de la transformation en entreprise apprenante est cette «quête pour un apprentissage cognitif, émotionnel et spirituel, seul apte produire ce changement d’état d’esprit[11]. Les cinq composantes de l’organisation apprenante selon SengeDans son ouvrage La 5e discipline, l'art et la manière des organisations qui apprennent publié en 1991[7], Peter Senge propose cinq caractéristiques, qu’il appelle «disciplines» dont il considère qu’elles sont nécessaires, i.e. qu’elles doivent être pratiquées pour qu’une organisation devienne apprenante[13],[14]:
Démarche de l'organisation apprenanteEn 1993, David A. Garvin considère qu’une organisation apprenante est « une organisation capable de créer, acquérir et transférer de la connaissance, et de modifier son comportement pour refléter de nouvelles connaissances »[17],[18]. Pour mettre en œuvre concrètement cet apprentissage, Garvin estime alors que l'organisation apprenante doit développer cinq activités[19] :
Pour cet auteur, plus qu’un modèle, une organisation apprenante est un état d’esprit. Chercher à être une organisation apprenante doit être considérée comme un projet d’entreprise mobilisateur de l’ensemble des acteurs. Elle s’appuie sur :
Contribuer au savoir collectif capitalisé dans l’entreprise devient un critère clé de toutes les activités de l’organisation. Son principe cible la progression organisationnelle et professionnelle, en laissant une part d’incertitude tant sur les contours que sur l’itinéraire pour l’atteindre. Cette cible mouvante est un principe méthodologique profondément cohérent dans la perspective d’une organisation apprenante. En forte articulation avec les situations de travail, la démarche collective de confrontation, conjuguée à la mobilisation de l’intelligence pour construire des solutions, ont pour finalité le transfert de l’action sur le terrain. Il ne s’agit pas seulement de l’habileté à créer de nouveaux savoirs, il s'agit aussi de l’habileté à les transmettre et à les mettre en œuvre. ObjectifsQue ce soit dans la nature ou dans les structures, il s'agit d'apprendre à apprendre de son expérience et ceci, dans une logique de développement des personnes, des organisations et des outils conformes aux besoins d’évolutions progressives. Pour les acteurs de la structureAu sein d'une organisation apprenante, on cherche à :
Ensemble, quelquefois avec des approches différentes mais complémentaires, les différents acteurs vont analyser les événements. Ils vont exploiter des relations possibles entre des phénomènes proches, développer les ressources d’un raisonnement logique et d’une construction commune. Car c’est la manière dont la personne comprend et exploite son expérience qui la rend signifiante. Mais c’est aussi elle qui décide de son investissement qui apprend et choisit de mettre en œuvre. Cette décision dépend de facteurs intrinsèques et extrinsèques dont la responsabilité appartient tant à la personne qu’à l’organisation. Si la participation de l’ensemble des personnes favorise la responsabilisation de chacun, la mise en place d’apports de formation ponctuels et ciblés est une composante incontournable dans la réussite de la démarche. La structure et ses acteurs se doivent de Savoir, Vouloir et Pouvoir acquérir ces nouvelles compétences pour devenir réellement une organisation apprenante. Pour la structureLe développement des compétences est à considérer comme un enjeu partagé et permanent. Les entreprises, les produits, l’organisation du travail, les dispositifs se modifient en flux continu et tendu, le capital compétences des personnes doit évoluer et faire évoluer celui de la structure. La projection dans l’avenir professionnel et social tend à donner sens à cet investissement. Il s’agit de faire apparaître le retour réflexif sur les tâches et événements comme une composante ordinaire et reconnue du travail. C’est se situer dans une communication ne se réduisant pas à de simples échanges d’informations mais au partage des démarches, des modes de construction des savoirs, des savoirs en cours d’élaboration. C’est la volonté de miser sur des stratégies de mobilité professionnelles (sinon les démarches pourraient s’avérer pénalisantes pour atteindre des objectifs productifs (économiques et sociaux) à court terme). Dans cette dynamique il est important d’accompagner l’encadrement de proximité dans l’évolution de ses missions. C’est un état de veille permanente, où il s’agit de multiplier les modalités et les occasions de développement des compétences, mais aussi de leur reconnaissance. L’organisation apprenante est aussi qualifiante. Pour l’activité professionnelleC’est considérer de manière positive et optimiste les événements de l’activité professionnelle. Ils sont de formidables occasions d’apprentissages et d’évolution tant individuelle que pour l’organisation. Les problèmes ne sont-ils pas des opportunités déguisées en vêtements de travail ? Très souvent les règles cadrent l’action professionnelle et orientent les tâches vers un résultat attendu, alors il s’agit de développer une posture complémentaire d’exploration face aux événements qui font le quotidien de toute activité professionnelle. Ces événements peuvent être considérés de deux types :
Pour Chris Argyris et Donald Schön, il y a deux niveaux d'apprentissage. Il y a apprentissage en « simple boucle » (single loop) lorsque les acteurs sont capables de détecter une erreur et se contentent de la corriger. Il y a apprentissage en « double boucle » (double loop) lorsqu'il ne s'agit plus seulement de corriger une erreur mais de modifier la façon de penser[20]. Seule l'organisation capable de modifier les valeurs qui guident les stratégies d'action peuvent être qualifiées d'« organisation apprenantes ». La communication réflexive commune est alors un élément incontournable de la production, il s’agit de réfléchir pour agir, les acteurs sont aussi des chercheurs, mais surtout des trouveurs impliqués dans l’action. L’organisation apprenante permettra d’apprendre à apprendre de son expérience. L’organisation apprenante au delà de Peter Sengeen 2008, un article de l’Harvard Business Review de David A. Garvin, Amy C. Edmondson et Francesca Gino [21]propose un cadre largement cité permettant d'évaluer si une entreprise est une organisation apprenante. Ces auteurs ne retiennent que trois éléments constitutifs d'une organisation apprenante :
Ils ont également mis au point un instrument d'enquête avec quatre dimensions[22] qui permet d'examiner en détail ces éléments, d'attribuer une note à chacun d'entre eux et de fournir un cadre pour une analyse comparative détaillée. Les quatre dimensions sont ici le leadership en relation avec l'apprentissage, la structure d'apprentissage, la culture d'apprentissage et les opportunités d'apprentissage. L'objectif de l’outil proposé est d'aider à brosser un tableau honnête de l’orientation «apprenante» d'une entreprise et des dirigeants qui veulent privilégier ce modèle organisationnel. les auteurs mettent l’accent sur l'importance du dialogue et du diagnostic dans le développement des processus d'une entreprise dans le but de devenir une organisation apprenante. Plus récemment, Malik et Garg[23] considère que s’inscrire dans la logique de l’organisation apprenante en créant une atmosphère de travail émotionnellement ouverte et positive est un gage d’implication dans le travail. Il prennent appui sur la théorie du Broaden-and-Build pour expliquer sur le plan psychologique leur assertion. Notes et références
AnnexesBibliographie
Lien externeSOL France - Société pour une Organisation Apprenante Articles connexes |