Nuits sonores est un festival annuel de musique électronique et musiques indépendantes se déroulant sur cinq jours à Lyon en France. Il est organisé par l'association Arty Farty depuis 2003. Sa spécificité est d'investir des lieux représentatifs de la ville de Lyon, notamment rues, musées, friches industrielles, etc. La programmation est en général dévoilée en février et le festival a lieu au mois de mai, lors du pont de l'Ascension. Nuits sonores est membre du Réseau français des festivals de culture électronique[1] et au réseau EuropaReise[2].
Nuits sonores est structuré autour de onze axes ayant pour objectif de mettre en valeur les différentes composantes des cultures électroniques et indépendantes :
NS Days : Depuis 2011, les Nuits sonores ont renforcé leur programmation avec des concerts en journée. En 2024, les Days prennent le pas sur les Nuits et les principaux concerts se tiennent de 16h à minuit aux « Grandes Locos » sur l'ancien atelier SNCF d'Oullins[4].
Les Nuits principales : les trois Nuits sont les soirées-moteurs du festival jusqu'en 2023. Elles se déroulent sur plusieurs scènes, dans un lieu représentatif du festival. D'abord organisées aux Subsistances, puis à l'Usine SLI en 2008, les Nuits se sont déroulées au Marché gare de 2009 à 2011. En 2012, pour leur dixième anniversaire, puis en 2013, les Nuits ont investi le site des anciennes usines Brossette[5]. En 2014 et 2015, le festival se déroule intégralement dans le quartier Confluence, entre Rhône et Saône. Entre 2017 et 2023, les Nuits principales ont lieu aux Anciennes usines Fagor-Brandt. À partir de 2024, les Nuits se répartissent entre la Sucrière, le Sucre et le Transbordeur, les concerts principaux se déroulant pendant les Days aux Grandes Locos[6].
Le Circuit : il regroupe plusieurs étapes disséminées dans la ville et réparties sur la journée et la nuit. Ces étapes sont organisées par des acteurs locaux des musiques électroniques et indépendantes, avec le soutien financier et médiatique d'Arty Farty.
Extra! : art contemporain, expositions, performances, projections et rencontres ont lieu dans des galeries d'art, des lieux institutionnels lyonnais et dans l'espace public.
Mini sonore : des évènements musicaux et artistiques ludiques destinés aux enfants, tout au long du festival[7].
Concert spécial : institué en 2005, il a pour objet de mettre en avant un artiste ou un groupe particulièrement influent de l’histoire de la musique électronique ou de ses racines.
Carte blanche : elle est attribuée chaque année à une grande métropole représentative de l'histoire passée et contemporaine des musiques électroniques et indépendantes. Marseille en 2003, Barcelone en 2004, Manchester en 2005, Paris en 2006, New York en 2007, Berlin en 2008, Londres en 2009, Montréal en 2010, Tokyo en 2011, Lyon en 2012, Bruxelles en 2013, Glasgow en 2014, Varsovie en 2015, Séoul en 2016[7], Lisbonne en 2017 et Amsterdam en 2018 ont ainsi été invitées au festival, à travers une délégation de musiciens, de djs mais également de plasticiens, de graphistes ou de vidéastes. La Carte blanche se décline dans plusieurs lieux du festival.
Sunday Park : cet événement a lieu le dimanche de clôture, en plein air. Musique et activités ludiques sont proposées.
Images sonores : parcours institué en 2006 autour de la relation images/musiques. Ce programme est constitué de conférences et installations vidéo.
European Lab : Nuits Sonores est à l'origine du projet NS European Lab qui est un projet d'interactions entre professionnels du monde de la culture durant lequel ont lieu des conférences et ateliers.
En 2007, il est de 1,2 million d'euros[34]. Le festival est financé par 3 ressources principales : en premier lieu, le public qui représente 60% des revenus de l'association Arty Farty. Ensuite, des sociétés privées apportent des fonds pour 20% du budget annuel[35] et enfin, les organismes publics financent le projet à 20%.
Le festival et l'agglomération lyonnaise
Un ancrage territorial singulier
À partir de la sixième édition en 2008 dans les usines SLI de Vaise, le festival a investi des espaces de friches industrielles vouées à la rénovation urbaine à plus ou moins court terme - c'est-à-dire à leur destruction et à leur transformation au service de nouveaux usages. Le festival n'est donc pas associé à un lieu en particulier.
Lieux des principaux concerts : les Nuits jusqu'en 2023, les Days à partir de 2024
Le festival vise également à déborder les lieux des nuits principales pour s'étendre dans toute la ville, à travers les Apéros sonores, les Extras ou encore le Circuit.
Pour le sociologue Jean-Pierre Garnier, la manière dont l'espace public est investi par les Nuits sonores avec le concours actif des pouvoirs publics locaux relève néanmoins d'une « scénographie ludique » artificielle, d'une « disneylandisation » du territoire urbain[36].
Un évènement culturel de plus en plus important pour le rayonnement de Lyon
Les Nuits sonores s'inscrivent dans une démarche de marketing territorial, remarquable à Lyon à partir des années 1980 et 1990, et qui vise à renforcer l'image de marque de Lyon à l'échelle nationale et européenne. Le festival est en cela à rapprocher de la fête des Lumières[37] ou encore des Nuits de Fourvière, autres évènements vigoureusement soutenus par les autorités municipales et métropolitaines : « En France, Lyon se distingue. Traditionnellement calme et bourgeoise, la capitale des Gaules fait preuve d’une étonnante vitalité de par une forte volonté politique de placer la ville sur la carte des métropoles mondiales : Fête des Lumières, Nuits sonores, Biennale sont devenus des événements qui hissent la ville à un niveau de notoriété supérieure. Par ailleurs, la vaste opération d’aménagement du quartier de Lyon Confluence a conforté l’attractivité touristique de la ville. »[38]
Les Nuits sonores sont plus particulièrement associées à la Biennale d'art contemporain du fait de leur implantation dans le quartier de la Confluence, notamment à la Sucrière, ancien entrepôt réhabilité pour l'accueil d'évènement culturels[39].
La piste d'une synergie entre la gastronomie et le festival a même été tentée en 2018 à travers la street food[40].
Accompagner les nouvelles pratiques festives de la nuit et de la musique électronique
À l'émergence des Nuits sonores, la ville de Lyon n'était absolument pas connue pour sa scène musicale électronique[41]. L'émergence du festival à Lyon est concomitante et exemplaire de la diffusion et de la popularité croissante de ce genre musical à l'époque. Pour autant, la gestation des Nuits sonores se fait dans le milieu contre-culturel clandestin lié aux musiques électroniques du milieu des années 1990, dans lequel Lyon fait figure de « place-forte »[42].
Les nouvelles formes d'urbanité qui s'incarnent dans le quartier de la Confluence s'appuient, entre autres choses, sur l'identité jeune et valorisante du festival et des lieux qui lui sont associés[39].
Les Nuits sonores sont également emblématiques d'une évolution en cours de la « culture club » vers des festivités ayant lieu de plus en plus tôt, et qui reflète le vieillissement des festivaliers et des amateurs de musiques électroniques[43]. Un marqueur de cette évolution est l'édition 2024, qui a vu les days prendre le pas sur les nuits en termes d'importance de la programmation et de mobilisation des principaux lieux de fêtes[44] - à savoir les Grandes Locos, inaugurées cette même année.
Au-delà de sa dimension festive, le festival est également un moment et un lieu d'échange pour les professionnels de la fête et de la nuit, à travers notamment les European Labs. Cette volonté de promouvoir et d'accompagner le développement de la musique électronique festive se traduit également tout au long de l'année par des échanges partenarials entre les patrons d'établissement de nuits comme le Sucre et les pouvoirs publics, dans une logique de concertation plutôt que de coercition et de méfiance envers les débordements liés aux nuisances sonores ou à la consommation de drogues[45]. Les Nuits sonores ainsi que la fête des Lumières ont aussi été le laboratoire de techniques de mesure diffuses dans l'espace urbain pour le suivi de l'impact sonore de ces grands événements[46],[47].
↑Jean-Pierre Garnier, « Scénographies pour un simulacre : l'espace public réenchanté: », Espaces et sociétés, vol. n° 134, no 3, , p. 67–81 (ISSN0014-0481, DOI10.3917/esp.134.0067, lire en ligne, consulté le )
↑Thomas Bihay, « Les grands événements culturels et artistiques au service de l'identité créative du territoire local », CIST2018 - Représenter les territoires / Representing territories, Collège international des sciences territoriales (CIST), , p. 278–282 (lire en ligne, consulté le )
↑ a et bAlain Chenevez, « Le fait culturel et patrimonial dans la ville contemporaine : entre mythes mobilisateurs et recherche de nouvelles urbanités », Territoires contemporains, no 19, , http://tristan.u (lire en ligne, consulté le )
↑Amaia Errecart, Philippe Fache et Marien Paris, « La gastronomie : de l’institutionnalisation à l’événementialisation. Des usages culturels en mutation pour un patrimoine immatériel. Une approche communicationnelle de la nouvelle « scène » gastronomique lyonnaise: », Marché et organisations, vol. n° 35, no 2, , p. 51–72 (ISSN1953-6119, DOI10.3917/maorg.035.0051, lire en ligne, consulté le )
↑Anne-Sophie Chazaud, « Nuits sonores : un territoire en mouvement », Bulletin des bibliothèques de France, Villeurbanne (France), ENSSIB, (lire en ligne)
↑Vincent Guillon et Charles Ambrosino, « Penser la métropole à « l’âge du faire » : création numérique, éthique hacker et scène culturelle: », L'Observatoire, vol. N° 47, no 1, , p. 31–36 (ISSN1165-2675, DOI10.3917/lobs.047.0031, lire en ligne, consulté le ) :
« En réponse à la circulaire Pasqua « anti-techno » de 1995, la région lyonnaise devient une place forte de la lutte en faveur des manifestations publiques de musiques électroniques. Contribuant activement à l’essor de cette contre-culture, une poignée de créateurs locaux mènent des expériences informatiques originales en utilisant de façon simultanée et interactive plusieurs médias (sons, images, vidéo, etc.). Ils proposent ces performances dans des clubs lyonnais plus ou moins légaux ou lors de « free parties » organisées clandestinement. Émerge ainsi localement une petite communauté de créateurs numériques qui exploitent les potentialités de décloisonnement offertes par la micro-informatique. Tenues à l’écart des institutions culturelles, plusieurs générations d’entre eux se rencontrent régulièrement dans un lieu alternatif du quartier de la Guillotière, ouvert à l’initiative du label musical Bee Records. Les soirées « Freeday », notamment, y mélangent quelques pionniers du multimédia avec d’autres participants qui deviendront plus tard les principaux artistes, producteurs et entrepreneurs lyonnais des arts numériques : par exemple, les fondateurs des Nuits Sonores, de XLR Project, de l’association AADN, d’Aimez-Vous Brahms ?, etc. »
↑Alice-Anne Jeandel, « Quand la nuit vampirise le jour : réinventer les codes de la « club culture » », L'Observatoire, vol. 53, no 1, , p. 52–54 (ISSN1165-2675, DOI10.3917/lobs.053.0052, lire en ligne, consulté le ) :
« On vit une vraie révolution à Lyon avec Le Sucre et Nuits sonores : la fin de journée, le début de soirée et même le dimanche après-midi attirent plus de monde que la nuit. On va même enfoncer le clou puisque, pour les futures éditions, les étapes de jour du festival vont prendre davantage de place que les étapes de nuit. On réinvente les codes de la « club culture ». Pour autant, l’expérience que nous faisons vivre au public n’en est pas moins forte. La nuit vampirise le jour en quelque sorte. »
↑Cédric Dujardin, Vincent Guillon et Alice-Anne Jeandel, « Quand la nuit vampirise le jour : réinventer les codes de la « club culture »: », L'Observatoire, vol. N° 53, no 1, , p. 52–54 (ISSN1165-2675, DOI10.3917/lobs.053.0052, lire en ligne, consulté le ) :
« À Lyon, la bienveillance des pouvoirs publics est telle qu’ils ont été très favorables à ce qu’un établissement comme Le Sucre ouvre en centre-ville et non pas très loin dans la campagne. Nous avons réalisé un énorme investissement pour respecter les normes acoustiques drastiques qui nous ont été imposées. (...) à Nuits sonores et au Sucre, on défend plutôt un point de vue inverse en considérant que tout ce qui anime la ville n’est pas en concurrence avec nos établissements pérennes mais que cela nourrit l’écosystème sur lequel nous reposons. Nous préférons soutenir ces petites structures underground pour les aider à être dans les clous et ne pas mettre en danger la vie d’autrui, à ouvrir des établissements en connaissant les normes. On essaye de porter une fonction d’incubation et de soutien à la vie associative nocturne afin qu’elle soit riche et diverse, mais qu’elle soit aussi gérée le plus professionnellement possible. »
↑Karim Haddad, Patricio Munoz, Enrico Gallo et Bruno Vincent, « Application of Internet of Things technology for sound monitoring during large scale outdoor events », INTER-NOISE and NOISE-CON Congress and Conference Proceedings, vol. 259, no 6, , p. 3394–3405 (lire en ligne, consulté le )