La même année, elle se marie avec André Girard et abandonne ses études. Ils ont ensemble un fils, Étienne[5]. Elle s'installe dans leur propriété de la région de Saumur et elle travaille, à ses côtés, à l'exploitation et à la vente des vins mousseux et de champagne.
Une carrière de médecin
En 1903, Nicole Girard-Mangin divorce et revient à la médecine[6]. En 1909, elle présente sa thèse sur les poisons cancéreux ; elle donne des cours à la Sorbonne[7] et, lors du Congrès international de Vienne en 1910, elle représente la France au côté d'Albert Robin[8]. Ce n'est donc pas une inconnue et elle exerce dans une profession presque entièrement composée d'hommes. En 1914, elle prend la tête du dispensaire anti-tuberculeux de l'hôpital Beaujon. Elle effectue des recherches sur la tuberculose et sur le cancer[4], et signe différentes publications, dont en 1913 son Essai sur l'hygiène et la prophylaxie antituberculeuses au début du XXe siècle[9]. En 1914, Nicole Girard-Mangin rédige et fait paraître un Guide antituberculeux salué dans la presse de l'époque pour ses qualités pédagogiques[10].
Première Guerre mondiale
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, le , le « Dr Girard-Mangin » est mobilisé, l'administration ne doutant aucunement qu'il soit un homme ; Nicole Girard-Mangin répond néanmoins à l'appel. Elle est affectée à l'arrière, à l'hôpital de Bourbonne-les-Bains : elle y suscite des remous, mais avec l'afflux de blessés, on la garde pour ses qualités de médecin[10]. Malgré des réticences initiales, elle est envoyée au front et l'armée la rémunère comme un infirmier : ce n’est qu’en 1916 que lui est reconnu le titre de médecin aide-major[10].
Nommée médecin auxiliaire, elle est affectée fin 1914 dans le secteur de Verdun. Aucun uniforme d'officier féminin n'existant dans l'armée française, on lui en adapte un au départ d'un uniforme de l'armée britannique[3],[Notes 1]. Elle écrit et rapporte à ce sujet :
« Il est fort probable que peu d’années, que dis-je, peu de mois après notre victoire, j’aurai un sourire amusé pour mon accoutrement singulier. […] Ce sera du reste injuste et ridicule. Je dois à ma casquette d’avoir gardé une coiffure correcte, même en dormant sur des brancards ; d’avoir tenu des heures sur un siège étroit sans gêner le conducteur. Je dois à mes multiples poches d’avoir toujours possédé les objets de première nécessité, un couteau, un gobelet, un peigne, de la ficelle, un briquet, une lampe électrique, du sucre et du chocolat. […] Enfin, je dois à mes caducées et mes brisques[Notes 2] le prestige qu’il m’a fallu parfois auprès des ignorants et des sots[11]. »
Elle est la seule femme médecin de l'armée française mobilisée pendant ce conflit mondial[5]. Quand la bataille de Verdun commence, le , elle soigne et opère des blessés. Sur son activité, elle écrit à sa famille : « Chirurgie sans arrêt, de jour comme de nuit, pendant des semaines, jusqu’à ce que l’on tombe, à bout de forces, sur un brancard pour dormir un peu[4],[12]. » Elle est légèrement blessée au visage alors qu'elle évacue des blessés dans le secteur de Fleury. Opérant les blessés derrière les lignes, elle sillonne également le champ de bataille en camionnette avec un brancardier et un infirmier afin de prodiguer les premiers soins[3]. Le , les Français peuvent lire dans le journal l'Œuvre[Notes 3] cet entrefilet non signé (et très probablement d'Annie de Pène) : « Le docteur N. Girard-Mangin a rempli depuis le , sans autre répit qu'une permission de dix jours, les fonctions de médecin aide-major de 2e classe, d'abord dans la 21e région, en chirurgie, puis dans la région fortifiée de Verdun, aux contagieux. Ceci n'a rien d'absolument remarquable mais ce qui est très remarquable, c'est que le docteur Girard-Mangin est une femme[13],[14]. »
Régulièrement accueillie en héroïne, elle est envoyée dans la Somme puis dans le Pas-de-Calais, à l'hôpital de Moulle, où elle dirige un service de traitement pour tuberculeux, et enfin à Ypres (Belgique)[3]. En , malgré ses nombreux heurts avec l'administration militaire, elle est nommée médecin-major. Elle est alors affectée à Paris, où elle se voit confier la direction de l'hôpital Edith-Cavell, rue Desnouettes[15], où elle forme des infirmières auxiliaires destinées à être envoyées au front[7], visite et opère des malades, et préside le conseil de direction[3]. Elle travaille dans cet hôpital après la fin du conflit, s'occupant de patients atteints de la grippe espagnole. À la fin de la guerre, elle est rendue à la vie civile, sans honneurs, ni décoration[3].
L'hypothèse retenue par Jean-Jacques Schneider est qu'elle se serait suicidée après avoir pris connaissance qu'elle était atteinte d'un cancer incurable[3]. Parce qu'elle est athée, ses funérailles et sa crémation se déroulent au cimetière du Père-Lachaise avant l’inhumation dans le caveau familial à Saint-Maur-des-Fossés.
Bibliographie
Œuvres
Les Poisons cancéreux, 1909, 154 p.
Toxicité des épanchements pleurétiques, Alcan, 1910, 34 p.
Jean-Jacques Schneider, Nicole Mangin - Une Lorraine au cœur de la Grande Guerre - L’unique femme médecin de l’armée française (1914-1918), éditions Place Stanislas, 2011.
Catherine Le Quellenec, Docteur à Verdun - Nicole Mangin, éditions Oskar, 2015 (littérature jeunesse).
Cécile Chabaud, De femme et d'acier, roman, éditions de l'Archipel, août 2024.
Yann Tual, Nicole Mangin, féministe et humaniste, roman, éditions Bookelis, octobre 2024 (ISBN979-10-424-3041-2).
Hommages
Nicole Girard-Mangin n'a jamais reçu, de son vivant, ni citation, ni décoration[4].
Les poilus lui décernent une plaque commémorative en remerciement des services prodigués aux blessés lorsqu'elle était au front.
↑Le curieux uniforme que l'on voit porté par Nicole Girard-Mangin sur les photos est dû au fait que l'armée française n'avait pas prévu d'uniforme d'officier pour les femmes ; en conséquence, elle a porté pendant toute la guerre un uniforme d'officier féminin britannique (source : « Nicole Mangin au cœur de la Grande Guerre » sur Verdun-Meuse.fr) ainsi qu'une casquette plate d'officier britannique.
↑ Galons sous la forme de chevrons d'ancienneté sur la manche d'un soldat indiquant plusieurs mois de campagne.
↑ abcde et fFrédéric Plancard, « 14-18 Unique femme médecin de la Grande Guerre, mobilisée par erreur, la Meusienne Nicole Mangin accepte son affectation avec détermination : Médecine de guerre », Vosges Matin, (lire en ligne)
↑ ab et cJean-Jacques Schneider, Nicole Mangin - Une Lorraine au cœur de la Grande Guerre - L'unique femme médecin de l'armée française (1914-1918), éditions Place Stanislas, 2011
Marie-José Chavenon, Nicole Mangin, seule femme médecin de la Grande Guerre, Editions Vent d'Est, coll. « Les portraits célèbres de Lorraine », , 64 p. (ISBN978-2-37172-029-9).
(en) Dorothy Canfield Fisher, The day of glory (roman), H. Holt and company, , 169 p. (lire en ligne), « France's fighting woman doctor », p. 39-88.
Catherine Le Quellenec, Docteure à Verdun : Nicole Mangin, Paris, Oskar éditeur, coll. « Histoire et société », , 56 p. (ISBN979-1-021-40259-1, OCLC893819357).
Jean-Jacques Schneider, Nicole Mangin Une lorraine au coeur de la grande guerre : l'unique femme médecin de l'armée française (1914-1918), Nancy Colmar, Editions Place Stanislas, , 223 p. (ISBN978-2-355-78090-5, OCLC762675232).
Yann Tual, Nicole Mangin, féministe et humaniste, roman, éditions Bookelis, octobre 2024, (ISBN979-10-424-3041-2)