Muletiers du Velay

Plaque muletière du Velay, en cuivre[1].

Les routes muletières les plus connues en Velay sont celles par lesquelles montait le vin du Bas-Vivarais et descendaient les céréales et les lentilles des hauts plateaux vellaves. Une couble comptait 6 à 9 mulets[2].

Histoire

Ils sont connus au Moyen-Age au Puy-en-Velay sous le nom de Cotaulx[3]. L’importance du commerce des muletiers du Puy est connue dès le XVIe siècle, voir avant[4]. Le registre du droit d’entrée des marchandises à Lyon montre que le transport à dos de mulet est prépondérant. Les muletiers en provenance du Puy sont originaires du Monastier, Montpezat (en Vivarais), Arlempdes, etc., et du Puy-en-Velay. Philippe Barbasto, muletier des Estables au XVIe siècle, transporte à Lyon des couteaux, du cuir, des plumes et de la soie, etc., dans un convoi de 5 bêtes. Il énumère dans son testament les dettes dues aux hôtes, bastiers, maréchaux-ferrants au long de la route de Bagnols au Puy. A l’époque un couple de mulets coûte 500 livres, le prix d’un bel immeuble en ville[5],[6]. Une confrérie des muletiers, sous le patronage de saint Etienne est fondée à Pradelles en Haute-Loire (en Vivarais sous l’Ancien Régime) en 1635 avec des statuts révisés en 1663[7]. Un mulet peut transporter jusqu’à une charge de vins soit 159 litres[8]. Au XVIIIe siècle, le vin du rivage (i.e. du bord du Rhône) est essentiellement acheminé par des muletiers vellaves alors que celui du Vivarais est transporté par ceux de cette province[9].

Nicolas de Lamoignon de Basville, intendant du Languedoc, écrit en 1698, au sujet du Puy « On y voit des mulets aux foires et on y porte des cuirs de toutes parts »[10] ; il indique que « Le seul endroit dans cette province où il manquait de chemins était le pays des Cévennes et du Vivarais pays autrefois impraticables et nourrissant des peuples enclins à se révolter » ; malgré les progrès de construction des « grandes routes » qu’il évoque ensuite, le transport muletier est indispensable. Le passage des muletiers au Puy, carrefour entre les routes des Cévennes, du Vivarais et d’Auvergne explique que la ville compte, en 1695, 25 maréchaux, 17 bastiers, 7 bridiers et 15 fondeurs fabricants les grelots[11].

Au-delà du commerce et des transports traditionnels, les mulets ont un rôle important en période de crises. En 1719, le Languedoc doit en fournir 1 300 pour l’armée, le moyen de transport des charges. Mais on forme également des convois, conduits par des civils, depuis des lieux éloignés des zones de combat, compléments indispensables pour apporter le ravitaillement. En 1693, le Velay fournit 200 mulets, dont un convoi d’une centaine avec environ 35 muletiers pour les conduire dont le lieu d’origine en Velay est mentionné. Ils apportent, en Piémont, de l’avoine à l’armée partie au secours de Pignerol (Bataille de La Marsaille). Ce n’est pas sans risque puisqu’il en meurt plus de la moitié[12].

Dans un domaine pacifique, la lutte contre la famine, en Velay, au cours de l’année 1694 implique l’organisation de multiples convois pour aller chercher 140 tonnes de céréales indispensables, à Andance, au bord du Rhône, où elles sont débarquées[13].

Les armées de montagne utilisaient toujours des mulets au XXe siècle, preuve de leur efficacité.

Harnachements

Plaque muletière "Vive le Roy de France", 1765,
conservé au musée Crozatier.

De ce type de transport ancien demeure au musée Crozatier des parties du harnachement, les plus spectaculaires étant les lunes ou plaques muletières[14]. Certaines portent des armoiries de grandes familles : les historiens se demandent si les armoiries portées sur les harnachements le sont à titre purement décoratif ou si les grands seigneurs avaient leurs coubles. Car les mulets de Monseigneur Armand de Béthune figurent dans les comptes de 1694. À cette époque, les gardes des douanes de Saint-Étienne tuent le muletier de l’évêque du Puy[15].

Les œillères et de têtières en argent, en cuivre ou en étain conservées au Musée Crozatier au Puy-en-Velay sont ornées d'incrustations variées, de pièces repoussées ou ciselées, et de légendes aussi bizarres que naïves relève Marius Vachon[16] : « Vive la Constitution — Vive la liberté ! — Vive le roi ! — J’aime Joséphine. — Ma mie est la plus belle fille du canton - A bas les aristos ! ».

Dans la littérature

Bibliographie

Notes et références

  1. Les plaques muletières étaient utilisées pour relier les parties des harnais ainsi que pour identifier les mules. Elles étaient fixées aux tempes et servaient d'œillères. Cf description des plaques muletières in Albin Mazon, Les muletiers du Vivarais et du Velay & du Gévaudan, Le Puy-en-Velay, Impr. de Prades-Freydier, (lire en ligne)
  2. Albin Mazon, Les muletiers du Vivarais et du Velay & du Gévaudan, Le Puy-en-Velay, Impr. de Prades-Freydier, (lire en ligne)
  3. Les vins du Vivarais que l'on consommait en Velay étaient transportés dans des outres (boutes) sur des mulets ou des chevaux des bâts. Ce mode de transport seul praticable dans nos pays montagneux et dépourvus de bonnes routes, constituaient, autrefois, une industrie importante. On nommait Cotaulx ceux qui s'y livraient (p.390) Etienne Médicis, Le Livre de Podio : ou Chroniques d'Etienne Médicis, Bourgeois du Puy, t. 1, Le Puy-en-Velay, publiées au nom de la Société académique du Puy, par Augustin Chassaing / Imprimerie M. P. Marchesson, (lire en ligne)
  4. « Il en va ainsi des Cévennes, qui à la fin du Moyen Âge sont traversées par un écheveau de routes empruntées par de nombreux voyageurs, reliant plaines languedociennes et montagnes du Massif central. Outre les flux de pèlerins, notamment en direction du sanctuaire marial Notre-Dame du Puy (en-Velay), les relations commerciales suivies et importantes qui se développent entre plaine et montagne autour du trafic de différents produits, vin et sel en particulier, génèrent des courants d’échanges et des circulations depuis le XIIIe siècle au moins » in Franck Brechon, « Entre hôpitaux et auberges. L’accueil du voyageur en Cévennes à la fin du Moyen Âge », Revue historique, Presses universitaires de France, no 697,‎ (lire en ligne)
  5. Bernard Rivet, « Une ville au XVIe siècle, Le Puy-en-Velay, thèse à l’Ecole des Hautes Etudes », Cahiers de la Haute-Loire, Le Puy-en-Velay,‎
  6. Bernard Rivet, « Philibert Barbasto, muletier des Estables au XVIe siècle », Cahiers de la Haute-Loire, Le Puy-en-Velay,‎
  7. Yves Soulingeas, « Les muletiers d’autrefois », Bulletin historique de la Société académique du Puy, Le Puy-en-Velay,‎
  8. André Brochier, « Aspects du commerce des muletiers au XVIIIe siècle, d’après la comptabilité de l’hôpital général du Puy », Bulletin historique de la Société académique du Puy, Le Puy-en-Velay,‎
  9. André Brochier, « Aspects du commerce des muletiers au XVIIIe siècle, d’après la comptabilité de l’hôpital général du Puy », Bulletin historique de la Société académique du Puy, Le Puy-en-Velay,‎ , suit la liste alphabétique des muletiers avec leur lieu d’origine
  10. Nicolas de Lamoignon de Basville, Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, entre le cabinet du roi, les secrétaires d'État, le chancelier de France et les intendants et gouverneurs de province : Mémoire général de la province de Languedoc, dressé par ordre du Roy, en 1698, t. 1, Paris, Imprimerie nationale, 1850-1855 (lire en ligne)
  11. Gérard Sabatier, « Le Puy en 1695 », Cahiers de la Haute-Loire, Le Puy-en-Velay,‎ (lire en ligne)
  12. René Bore, « En marge des campagnes militaires de Louis XIV, les muletiers du Velay dans la guerre du Piémont (1693) », Cahiers de la Haute-Loire, Le Puy-en-Velay,‎
  13. René Bore, « Les bleds achetés par le diocèse du Puy en 1694 », Cahiers de la Haute-Loire, Le Puy-en-Velay,‎
  14. Roger Gounot, Mobilier et artisanat en Velay : Catalogue des collections du musée Crozatier, Le Puy-en-Velay, Éditions de la Société Académique du Puy-en-Velay et de la Haute-Loire,
  15. J. d’Arbaumont, « Une ancienne famille du Puy, les Bergognon », Bulletin de la Société académique du Puy, Le Puy-en-Velay,‎
  16. reprise de lettres de Marius Vachon sur la Haute-Loire publiées dans La France, « Le Musée du Puy », sur L’Auvergnat de Paris, 7 octobre 1883 (consulté le )
  17. Louis Pize, « Au pays de Jan de La Lune », sur Le Gaulois, 5 décembre 1925 (consulté le ) : « Amnistié par Napoléon, l'ancien chouan chercha en vain la mort dans les armées de l'Empereur. Après Waterloo, il vint habiter sur les cimes, à Lugdarès, pour y vivre avec le passé. Comme l'inaction lui était par trop pénible, il acheta des équipages et se fit muletier. On le rencontrait sur les routes, menant un de ces convois célèbres qui transportaient le vin dans les montagnes et assuraient les échanges entre la Lozère, le Velay, le Bas-Vivarais. Quand la « queyrade », gigantesque grelot d'argent attaché au col de sa monture, résonnait dans un village, les gens sortaient pour faire accueil à l'ancien chef des « cébets ». Le passage des muletiers était l'occasion de réjouissances et de festins… »
  18. Talemandier, subdélégué de l’Intendant d’Auvergne à Langeac, ordonne le à Alexandre Armand, hôtelier et voiturier de Saint-Paulien, de fournir aux consuls de cette ville un mulet ou cheval de bât, “le meilleur de la troupe”, pour le convoi du roi, avec tous les harnais et cordages convenables au service, et ce dans les 24 heures. A défaut il sera contraint de loger deux cavaliers de maréchaussée et pourra même être emprisonné

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