En 1892, le Conseil municipal adopte une délibération pour la construction d'un monument destiné aux ouvriers municipaux décédés dans leur service. Cette proposition faisait suite à la pétition de Louis-Auguste Vorbe au nom de la Chambre syndicale des ouvriers égoutiers de la Ville, relayée par Adolphe Patenne au nom de la Commission du travail du Conseil municipal[2]. Le projet initial consistait à ériger le monument au cimetière du Montparnasse, aux côtés des monuments analogue à ceux déjà édifiés pour la sépulture des sapeurs-pompiers et des gardiens de la paix[3],[4],[5],[6]. Ce premier projet est abandonné, jugé de proportion trop restreinte et ne répondant pas à l'ambition artistique du Conseil municipal[7].
En 1895, le Conseil municipal décide d'ériger, cette fois-ci au cimetière du Père-Lachaise, au lieu dit le « Carrefour Michelet » (dorénavant appelé « rond-point des travailleurs municipaux »), un monument aux travailleurs municipaux, victimes de leur devoir[2]. La Ville poursuit un double objectif : témoigner d'un esprit philanthropique et républicain mais aussi contribuer à l'aménagement de ce rond-point magnifiquement situé entre la chapelle de Salvage de Faverolles (1785-1854), la chapelle de Charles de Morny (1811-1865), la sépulture de Pierre-Frédéric Dorian (1814-1873), la sépulture de l'historien Jules Michelet (1798-1874)[8] et à proximité des monuments aux combattants de la guerre de 1870 (Siège de Paris et Bataille de Buzenval). La Ville cherche également à faciliter la vente des terrains restant à concéder dans cette partie du cimetière.
Le conseil municipal adopte la délibération du approuvant la construction d'un monument destiné à la sépulture des travailleurs municipaux au Père-Lachaise dans la limite d'une dépense de 35 000 francs. Le , le conseil municipal confie à l'architecte Charles-André Duprez la réalisation du monument et au statuaire Denys Puech la réalisation d'une figure allégorique de la ville de Paris en allouant 6 000 francs[9],[10]. Il est également nécessaire de déplacer quatre sépultures afin d'améliorer l'accès des divisions[11].
La construction du monument est terminée en novembre 1899[13],[14]. Le transfert des restes des ouvriers égoutiers décédés victimes de leur devoir est approuvé en 1901[15],[16]. Le 24 septembre 1901, les dépouilles des égoutiers Deloy, Lenfant, Marcourt et Puisségur rejoignent dans le caveau des travailleurs municipaux celles de Bravard et Étevenon enterrées le 10 décembre 1899[17].
En 1904, une remise en état du monument est nécessaire. Il est également décidé d'ajouter l'inscription sur la face antérieure l'inscription « Aux travailleurs municipaux, la ville de Paris » suivie des noms, prénoms, professions et date de décès de chaque des ouvriers qui s'y trouvent inhumés[18].
En 1906, la sépulture devient également un monument du souvenir. Il est décidé l'ajout de l'inscription « À la mémoire de ses serviteurs victimes du devoir, la ville de Paris » sur la face postérieure pour que le monument serve à commémorer la mémoire de personnes qui n'y sont pas inhumées[19].
Caractéristiques
Monument
Rond-point
Statue de femme drapée, allégorie de la Ville de Paris et de la Douleur
Armes de la ville de Paris
Entrée du caveau cantonnée de couronnes de laurier et surmontée d'une fleur de pensé
La Ville de Paris décrit ainsi l'édifice : le monument en pierre d'Euville se compose d'un obélisque de cinq mètres de hauteur surmontant un piédestal, entouré de quatre coffrets dont l'un présente l'entrée du caveau. Cet ensemble formant croix s'inscrit au centre d'un soubassement circulaire, garni de plantations. À l'avant de l'obélisque, une statue d'une femme drapée, allégorie de la Ville de Paris et de la Douleur, est assise sur un vaisseau symbolique (nef municipale). Comme toute représentation de ville, sa tête est surmontée d'une couronne en forme de muraille. Un voile de deuil transparent lui couvre le visage. De sa main gauche, elle tient deux couronnes d'immortelles. Son bras droit est recouvert de deux longues palmes. La face avant de son piédestal est décorée des armes de la Ville de Paris. L'entrée du caveau est cantonnée de couronnes de laurier (signe de valeur et de reconnaissance) et surmontée d'une fleur de pensée, symbolisant le souvenir et la méditation[20].
Face antérieure, inscription ajoutée en 1904
Face postérieure, inscription ajoutée en 1906
Côté
Côté
Sépulture
À l'origine, la sépulture se composait de trois caveaux disposés en triangle, l'un dans la partie postérieure et les deux autres sur les côtés, et reliés par une galerie circulaire en pierre[8]. Ne restant plus que quatre cases disponibles en 1916, il a été décidé de construire un quatrième caveau, de soixante cases, dans la partie antérieure inoccupée[21]. Le budget sera finalement débloqué en 1923[22].
L'obélisque comporte 78 noms. Exclusivement des hommes décédés entre 1891 à 1985. Les agents inhumés, dont les noms sont gravés sur les faces latérales du monument, représentent les métiers de la Ville de Paris à la fin du 19e et au 20e siècle : ajusteurs, bûcherons-élagueurs, cantonniers, charretiers, cochers, conducteurs d'automobile, égoutiers, fontainiers, jardiniers, instituteurs, machinistes, manœuvres à l'usine des eaux, paveurs, porteurs des Pompes funèbres, sauveteurs, surveillants d'entrepôts et de chantiers du métro, etc.
Pour des raisons techniques, il est temporairement impossible d'afficher le graphique qui aurait dû être présenté ici.
Nom
Décès
Inhumation
Profession
Charles-Augustin Lenfant
3 septembre 1891
24 septembre 1901
égoutier
Antoine Marcourt
3 septembre 1891
24 septembre 1901
égoutier
Jean-Philomène Puisségur
27 octobre 1892
24 septembre 1901
égoutier
Auguste Deloy
3 décembre 1892
24 septembre 1901
égoutier
Antoine-Joseph Étevenon
17 octobre 1899
10 décembre 1899
égoutier
Antoine Bravard
16 novembre 1899
10 décembre 1899
égoutier
Louis-Augustin Bricé
18 septembre 1900
20 septembre 1900
égoutier
François Michel
1er octobre 1900
égoutier
Joseph-Pierre Vassal
?
6 octobre 1900
fontainier
Claude-Charles Guyard
?
25 avril 1901
égoutier
Georges Quillon
7 mai 1902
inspecteur des travaux de la Ville, âgé de soixante ans, victime d'une chute de douze mètres sur les chantiers du Métropolitain, boulevard des Batignolles[23]
Jean Badagnagni
1er janvier 1904
9 avril 1904
égoutier mort des suites d'une chute dans un branchement de dérivation du collecteur d'Asnières[24].
Désirée Léonard
19 décembre 1904
surveillant de la Ville mort sur le chantier de construction de la ligne 3. Il est mort écrasé alors qu'il descendait dans un puits situé avenue Gambetta quand des ouvriers actionnèrent le monte-charge[25].
?
?
?
?
13 avril 1905
cantonnier
Auguste Métayer
14 octobre 1903
éclusier, âgé de quarante-sept ans. En ouvrant la première écluse du pont de Flandre, il glissa sur les pavés mouillés et se fendit le crâne[26].
Jean-Félix Larue
26 novembre 1905
8 décembre 1905
cantonnier
Pierre-Camille Flandin
22 août 1906
instituteur public suppléant décédé à l'âge de 28 ans en tenant de sauver de la noyade au bois de Vincennes deux frères, âgés de douze et dix ans. Il est inhumé à Fay-le-Froid[27],[28],[29].
André Desroche
10 juillet 1907
13 juillet 1907
cantonnier de plantations
Eugène-Sylvain Giraud
18 novembre 1908
surveillant
Louis Lecomte
1909
11 août 1909
cantonnier de nettoiement
Charles-Léon Larsonneur
1909
6 novembre 1909
cantonnier du pavage
Joseph Péron
9 avril 1910
cantonnier de plantations
Paul Labille
27 février 1912
charretier du nettoiement
Georges Petit
23 juin 1912
cantonnier du nettoiement
Charles Faury
24 juin 1912
charretier du nettoiement
Alfred-Anatole Picot
19 juillet 1912
surveillant
Jules Brézillon
11 septembre 1912
chauffeur du service des eaux
Albert Plessier
26 septembre 1912
surveillant
Victor Guimet
20 novembre 1912
cantonnier du nettoiement
Eugène Debruyère
19 septembre 1913
cantonnier égoutier mort noyé alors qu'il travaillait dans un collecteur place Pereire. Son corps a été retrouvé à Levallois[30].
François Sizun
21 octobre 1913
surveillant de travaux qui est mort noyé en voulant longer le fleuve sur une poutrelle alors qu'il surveillait un chantier situé le long des berges de la Seine[31]
Jean Lagnien
29 novembre 1913
cantonnier du nettoiement
Jean Dufour
3 juillet 1914
bûcheron
Gabriel-Gustave Péraud
8 septembre 1914
cantonnier d'empierrement
Charles Déchamp
24 décembre 1914
machiniste
Armand Ferron
31 mars 1915
cantonnier de plantations
Armand Ledanois
11 novembre 1915
cantonnier de plantations
Victor-Henri Clément
8 janvier 1916
cantonnier du nettoiement
Auguste-Joseph Molet
19 novembre 1916
charretier du dépôt de Romainville
Albert Legris
5 décembre 1916
chauffeur au service municipal
Charles Picard de Muller
6 janvier 1917
attaché au service du nettoiement
Jean-Baptiste Lalanne
22 janvier 1917
cantonnier du nettoiement
François Hugon
10 janvier 1918
cantonnier du nettoiement
Jean-Baptiste-François Vigne
31 mars 1918
machiniste du service des eaux
François-Marie Neveu
4 septembre 1918
chargeur de boîtes du nettoiement
Marie-Pierre-Albert Feuillet
22 novembre 1918
cocher aux pompes funèbres
Pierre-Auguste Millot
3 janvier 1920
charretier du dépôt de Romainville
Achille-Alphonse Bidot
12 avril 1920
charretier du dépôt de Romainville
Jean-Joseph Viossanges
18 avril 1920
chargeur du dépôt de St Ouen
François Emery
16 mai 1922
cantonnier du nettoiement
Octave-Henri-Pierre Beland
16 octobre 1922
cantonnier du nettoiement
Jean-Ernest Brédier
10 janvier 1923
ouvrier paveur
Victor Glandières
7 avril 1923
cantonnier du nettoiement mortellement renversé par un chauffeur de taxi rue Saint-Martin[32]
François-Léon Roche
28 août 1923
jardinier
Ferdinand-Nicolas Crouet
4 janvier 1924
chef cantonnier du nettoiement
Emile-Eugène Haering
29 mars 1924
cantonnier glutineur mort des suites d'une chute dans l'eau glacée des égouts[33]
Jean Fontalanne
3 mai 1924
cantonnier du nettoiement
Arthur Degand
14 juillet 1924
chauffeur d'usine
Jean-Marie-Donatien Hilleret
17 juillet 1928
aide d'usine
Alexandre-Désiré ?
16 mars 1929
cantonnier des promenades
Charles Kachel
7 septembre 1933
égoutier mort intoxiqué dans un égout d'Issy-les-Moulineaux[34],[35]
Gaston-Julien Dubois
22 décembre 1933
cantonnier du nettoiement
Albert Couderc
5 février 1935
cantonnier
Émile-Eugène Cru
10 octobre 1937
bûcheron élagueur
Georges Achille Painblanc
25 décembre 1937
4 janvier 1938
cantonnier du nettoiement
Pierre-André Chagnoux
2 novembre 1939
7 novembre 1939
conducteur d'automobile
Pierre Lorand
20 janvier 1941
27 janvier 1941
cantonnier du nettoiement
Henri Clavel
24 octobre 1941
5 novembre 1941
ouvrier d'état ajusteur
Prosper Laurent
12 novembre 1941
manœuvre
Jean Corvellec
15 décembre 1941
24 décembre 1941
cantonnier
Maurice Fourquin
18 juin 1943
porteur des pompes funèbres
Alexandre Dubillot
22 décembre 1944
4 janvier 1945
surveillant d'entrepôt
François Hervé
2 juin 1951
éboueur
Guy Gacquerelle
18 juin 1959
chef égoutier
Maurice Dragon
6 octobre 1969
chauffeur en chauffage
Henri Palanque
9 juin 1971
égoutier
André Chauvel
4 juin 1985
chef de secteur
Notes et références
↑« Informations politiques », Le Pays, , p. 1 (lire en ligne)
↑ ab et cArmand Grébauval, « Les Crédits transportés », dans Taxes funéraires, inhumations et cimetières, (lire en ligne), p. 55
↑« Renvoi à la Commission du travail d'une proposition de M. Vorbe relative à la sépulture des ouvriers des services municipaux décédés dans leur service », Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, , p. 2764 (lire en ligne)
↑« Renvoi à l'Administration d'un projet de construction d'un caveau pour la sépulture des ouvriers des services municipaux décédés dans leur service », Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, , p. 3023 (lire en ligne)
↑« Délibération du 23 décembre 1892 », Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, , p. 2 (lire en ligne)
↑« Renvoi à la 2e Commission d'une pétition des employés auxiliaires de la préfecture de la Seine », Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, , p. 3225 (lire en ligne)
↑« Commande à M. denys Puech d'une statue allégorique destinée au monument des travailleurs municipaux », Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, , p. 3 (lire en ligne)
↑« Commande à M. Denys Puech d'une statue allégorique destinée au monument des travailleurs municipaux », Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, , p. 3 (lire en ligne)
↑« Arrêtés préfectoraux pris en exécution des délibérations du Conseil municipal », Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, , p. 190 (lire en ligne)
↑« Réfection du bahut circulaire entourant le monument des travailleurs municipaux au cimetière de l'Est », Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, , p. 1582 (lire en ligne)
↑« Affectation du monument des travailleurs municipaux comme monument du souvenir », Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, , p. 3559 (lire en ligne)