Mine lungeLa mine lunge, en anglais lunge mine (du terme (en) d'escrime signifiant coup droit ou coup d'estoc[1]), en japonais 刺突爆雷, shitotsu bakurai (traduisible approximativement par mine-pique ou charge-poignardant, et littéralement épine-tonnerre), est une arme-suicide antichar japonaise de la Seconde Guerre mondiale. Elle se compose d'une charge creuse fixée au bout d'un pieu brandi par le soldat kamikaze, la pression sur le blindage ennemi entraînant la détonation par contact de la charge explosive ; s'ensuit probablement la perforation de la paroi blindée et la mort de l'assaillant. Son utilisation effective, début 1945 lors des combats de la guerre du Pacifique, tout au moins dans les Philippines, paraît certifiée mais est au mieux anecdotique. Elle aurait été employée ensuite par l'armée viêt-minh lors de la guerre d'Indochine et demeure l'arme antichar individuelle la plus risquée pour son utilisateur. Composition et usageL'arme est décrite dans l'Intelligence bulletin de [2] : sur une épaisse perche de bois (voire de bambou) d'environ 1,5[3] à 1,8 mètre[4],[5] est enchâssée une charge conique en tôle (5,3 kg) contenant 2,9 kg d'explosifs. Une goupille à la base du cône prévient les explosions et trois tiges métalliques de 13 cm surmontent la charge creuse, le dard explosif de l'effet Munroe devant se former en retrait de la paroi. Après dégoupillage et à l'issue de son assaut, le soldat plaque les trois protubérances sur le blindage et exerce une dernière pression : le pieu force une sécurité dans le cône et enfonce le percuteur sur le détonateur. Sur une surface blindée plane, l'arme est créditée de 150 mm de pénétration, et encore 100 mm avec une inclinaison de 30°, ce qui en fait la munition antichar la plus performante de l'armée de terre japonaise. La mine lunge est une réalisation induite par l'esprit militaire japonais d'offensive emphatique et de sacrifice de soi, ainsi que par le manque de réponse face à la puissance matérielle de l'adversaire. Un document japonais mentionne de « grimper volontairement sur un tank et y jeter des grenades ou poignarder l'équipage »[4]. Il s'agit bien ici de « poignarder » le blindé avec un explosif, le dard de la charge creuse correspondant au terme 刺. Aussi simple soit-elle, et en l'absence de lanceur type panzerfaust ou bazooka, cette arme peut répondre à une problématique tactique : l'infanterie d'accompagnement ennemie a des chances d'abattre un casseur de char avant qu'il ne parvienne à appliquer sa charge sur la paroi du char ; le détenteur d'une lunge mine, tapis sous la végétation ou dans un trou, dispose d'une allonge et peut bondir vers le char à deux ou trois mètres de lui pour le détruire dans la seconde. Réalité historiqueSpectaculaire et radical autant que rudimentaire, l'engin est relativement surreprésenté dans la littérature de vulgarisation militaire[6]. L'arme semble bien avoir été imaginée et définie par l'Institut de Technologie de l'armée (ja), la réalisation étant confiée aux ateliers locaux[3] ; la fabrication est attestée pour les troupes stationnées dans l'archipel des Philippines, présumée à Okinawa, voire à Saipan, Iwo-Jima et en Chine. Des essais ont eu lieu à Manille[2], puis des mines lunge ont été capturés dans l'archipel philippin par les troupes américaines, en particulier lors des combats de Leyte. Le rapport de [2], soit après la bataille, stipule bien qu'aucun blindé n'a été détruit par cette arme, qui n'a peut-être été construite artisanalement qu'en une poignée d’exemplaires. Toutefois, le témoignage dessiné d'un combattant dépeint la destruction par lunge mine d'un M7 Priest lors des combats de Luçon en [7]. Certains amateurs d'histoire militaire sur la Toile cautionnent sa présence à Okinawa, et plus rarement en Chine et Mandchourie[8], soutenus en cela par l'article (en) anti-tank grenade :
Malheureusement, il ne semble pas qu'il y ait de preuve, témoignage ou photographie, de sa présence sur le territoire japonais, ni d'unité Tokkōtai terrestre, et les directives japonaises n'en font pas explicitement mention[4]. Le rapport américain sur les explosifs japonais du ne signale qu'une mort accidentelle à la suite d'une mauvaise manipulation de lunge mine[10] ; ceux sur les pertes en chars à Okinawa mettent en cause uniquement les mines, canons antichar, artillerie, et attaques avec mines magnétiques ou charges satchel[4]. D'autres études redoutent l'usage d'armes antichar improvisées, dont les mines lunge, en cas d'invasion du Japon[11]. Il était prévu en effet d'armer le Corps combattants des citoyens patriotiques de lances de bambou, éventuellement améliorées par une charge creuse. Il demeure difficile de faire la part entre les mentions d'attaques individuelles à l'aide de charges classiques et celles accomplies avec une mine lunge. Malgré tout, elle a engendré bien plus de craintes et de fantasmes que de réelles pertes militaires. Elle semble après-guerre avoir été récupérée (au moins un engin), mais sans doute non fabriquée, par les forces viêt-minh qui l'auraient utilisée lors des combats pour Hanoï en , selon le Musée d'Histoire militaire du Vietnam (en). Celui-ci présente en diorama un exemplaire de mine lunge, un cliché et une statue l'illustrant. Lors de la guerre du Viêt Nam, des unités de sapeurs viet-cong ont aussi utilisé des charges-suicide, certaines à usage antipersonnel au bout de perches de bambou et surnommées pole mine (« mine-perche ») par les américains[12]. Mines humaines et autres antichar artisanauxÀ côté de nombreuses mines passives improvisées et « mines tortues » magnétiques Type 99 (en), l'Armée japonaise préconise de placer des mines sous les chenilles des blindés ennemis en les poussant à l'aide de perches à leur passage[13], imitant en cela une tactique allemande élaborée dès 1942[14],[15]. Trop aléatoires, une autre méthode plus radicale consistera en un volontaire portant sur son dos une charge explosive allant jusqu'à 9 kg[13],[16] : lors de l'approche d'un char ennemi, le soldat-kamikaze se précipite sous l'engin entre les chenilles et actionne le détonateur ; le faible blindage du plancher ne peut empêcher la destruction. Cette technique semble avoir connu quelques succès, en particulier en Birmanie[4],[13]. Similaire à la lunge mine et semblable là encore à des théories allemandes[14], la hook charge (traduction : charge à crochet) se compose d'une perche de bambou (voire d'une simple corde à lancer) dotée d'une charge explosive (pole charge) et de deux crochets (hook) en métal : le volontaire tente de suspendre l'explosif au canon ou à d'autres aspérités du blindé, il tire alors sur un cordon déclenchant le détonateur à retardement. Procédé considéré comme étant à priori moins létal lors de son usage, la réalité est que l'infanterie ennemie et les armes de bord n'offrent que peu de chances de survie à son utilisateur[2],[13]. Sources et liens
Représentations actuelles
Notes et références
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