Marie CabelMarie Cabel
Portrait de Marie Cabel vers 1850 (lithographie de Gustave Donjean).
Marie-Josèphe Dreullette, dite Marie Cabel ( - ) est une soprano belge. Membre des troupes du Théâtre-Lyrique et de l'Opéra-Comique, elle est restée célèbre pour avoir créé les rôles de Dinorah dans Le Pardon de Ploërmel de Meyerbeer et de Philine dans Mignon d'Ambroise Thomas. BiographieAnnées de jeunesseMarie-Josèphe Dreullette[1] née à Liège, est la fille d'un ancien officier de cavalerie de l'armée napoléonienne qui, après sa carrière militaire, est devenu comptable pour divers théâtres en Belgique. Pauline Viardot, qui vit à cette époque dans un château près de Bruxelles, entend Cabel chanter enfant et lui prédit un grand avenir. Cabel étudie d’abord le chant à Liège. Après la mort de son père, elle donne des leçons de musique pour soutenir financièrement sa mère. Le frère cadet de Cabel, Edmond, deviendra également chanteur et sera le créateur, en 1863, du rôle de Hylas dans Les Troyens d'Hector Berlioz [2]. Cabel poursuit ses études à Bruxelles avec Ferdinand Cabel et Louis-Joseph Cabel. En 1847, elle épouse Georges Cabel, frère de Louis-Joseph et professeur de chant. Le mariage n’étant pas heureux, ils se séparent bientôt et finissent par divorcer. La même année, elle donne un concert à Paris et achève ses études au Conservatoire de Paris en 1848-1849. Cabel fait ses débuts à l'opéra à Paris au Château des Fleurs[3] en 1848 et, en 1849, chante Georgette dans Le Val d'Andorre d'Halévy et Athénaïs dans Les Mousquetaires de la reine du même Halévy à l'Opéra-Comique où elle passe presque inaperçue. De retour à Bruxelles, elle chante au théâtre de la Monnaie de 1850 à 1853 avec plus de succès. En 1852, elle apparaît également à Lyon, avec un salaire de 3000 francs par mois, et l'année suivante à Strasbourg et à Genève. 1853-1856 : révélation et premiers succès au Théâtre-Lyrique1853-1854 : la direction de Jules SevesteC'est à Lyon qu'elle est découverte par Jules Seveste, directeur du Théâtre-Lyrique à Paris[2]. Seveste l'engage pour la saison 1853-1854 dans son théâtre, où elle fait ses débuts en créant le rôle de Toinon dans Le Bijou perdu d'Adolphe Adam le . Fétis la décrit comme :
Dans Le Ménestrel[4], Julius Lovy écrit :
Elle devient une chanteuse si populaire que le théâtre, situé dans le quartier ouvrier du boulevard du Temple, commence à attirer un public plus choisi, à commencer par l'empereur Napoléon III et sa nouvelle épouse Eugénie de Montijo [2]. Cabel continue à chanter au Théâtre-Lyrique, créant les rôles de Corbin dans Georgette, ou le Moulin de Fontenoy de François-Auguste Gevaert () et Marie dans La Promise de Louis Clapisson () [12]. Lovy[5] indique que :
Le succès se prolonge quelque peu, puisque l’œuvre est exécutée 60 fois en deux ans[2]. Vers la fin de la saison en mai, Cabel est en congé et apparaît à Bordeaux et à Nantes, puis est annoncée pour une représentation de La Promise au Théâtre-Lyrique le 1er juin. Été 1854 : la tournée londonienneAprès la fin de la saison à Paris, pendant les vacances d'été, une partie de la compagnie se rend au St James's Theatre de Londres. Il ne s’agit pas d’une tournée officielle du Théâtre-Lyrique, Seveste ayant refusé d’y participer ; il est resté en France pour préparer la prochaine saison. Une saison de deux mois est présentée au St James’ Theatre, qui débute avec l’interprétation de Cabel dans Le Bijou perdu. The Illustrated London News () estime que l'opéra est :
Cabel chante également les rôles de Catarina dans Les Diamants de la couronne d’Auber et Marie dans La Fille du régiment de Donizetti [2]. The Musical World () rend compte en détail des performances de Cabel:
Le succès de la compagnie à Londres est toutefois terni par le décès brutal de Jules Seveste le à Meudon[2]. 1854-1855 : la direction d’Émile PerrinÉmile Perrin prend la direction du Théâtre-Lyrique le , tout en conservant son poste de directeur de l'Opéra-Comique[2]. Marie Cabel étant sous contrat avec Seveste, elle est libre de quitter la compagnie, mais Perrin réussit à la convaincre de signer un contrat de cinq ans avec lui pour 40 000 francs par an et trois mois de congé annuel. La nouvelle saison débute avec Cabel dans La Promise. Adolphe Adam écrit deux nouvelles œuvres pour Perrin, Le Dernier Bal pour l'Opéra-Comique et l'opéra-comique en trois actes Le Muletier de Tolède pour le Théâtre-Lyrique. Craignant que la production simultanée de deux œuvres d’un même compositeur suscite des jalousies, Adam doit choisir quel opéra représenter en premier. Ayant écrit Le Muletier pour Cabel, il ne réfléchit pas longtemps. L'opéra est créé le avec Cabel dans le rôle principal d'Elvire, et bien qu'il soit souvent considéré comme l'une des œuvres les plus faibles d'Adam, il devient l'un des nouveaux triomphes de Perrin au théâtre, avec 54 représentations cette année et la suivante. Son succès peut être attribué presque entièrement à Cabel. Comme Lovy[6] le note avec enthousiasme :
Plus tard dans la saison, après une série de productions médiocres de Perrin (à l'exception d'une reprise très altérée du Freischütz de Weber appelée Robin des Bois le ), Cabel crée le rôle de Jaguarita dans Jaguarita l'Indienne de Halévy (). Cette production rencontre un succès encore plus grand que Le Muletier et réalise un total de 124 représentations[2]. Les avis semblent cependant un peu moins enthousiastes comme le note Lovy[7] :
Pendant les vacances d'été, Cabel se rend à Baden-Baden, puis retourne ouvrir la saison 1855-1856 le 1er septembre avec Jaguarita. Il avait été annoncé en avril que Perrin quitterait son poste de directeur, et il s’exécute le [2]. 1856-1861 : création des rôles de Manon Lescaut et Dinorah à l’Opéra-ComiqueLa première création de Cabel à l’Opéra-Comique est le rôle-titre de l'opéra en trois actes d’Auber, Manon Lescaut, le . L’air célèbre « Éclat de rire » aurait été créé spécialement pour elle. Elle apparaît également dans L'Étoile du Nord de Meyerbeer. Meyerbeer, qui hésite entre Cabel et Caroline Miolan-Carvalho pour son prochain opéra Le Pardon de Ploërmel, assiste à quelques représentations et consigne dans son journal, le , que « Mme Cabel reste loin de [ses] attentes ». Le cependant, il la trouve « beaucoup mieux qu'avant, sans être complètement satisfaisante » [8]. Entretemps, Cabel crée le rôle de Sylvia dans l'opéra-comique en trois actes d'Ambroise Thomas, Le Carnaval de Venise (créé pour la première fois le en présence de Napoléon III et de l’impératrice), dans lequel elle chante une vocalise élaborée. Lovy[9] signale que :
En , Meyerbeer choisit finalement Cabel pour être la créatrice de Dinorah, en l’absence d’une meilleure cantatrice disponible, et travaille avec elle sur le rôle. Le , Cabel crée le rôle principal dans La Bacchante d'Eugène Gautier. Malgré le succès personnel remporté, l’œuvre n’est représentée que 3 fois. Meyerbeer estime que « l'interprétation par Madame Cabel du rôle-titre est très ordinaire » [8]. La première du Pardon de Ploërmel de Meyerbeer a lieu le avec Cabel dans le rôle de Dinorah. À la fin de la représentation, les rappels de Meyerbeer sont sans fin, et l'empereur et l'impératrice invitent le compositeur dans leur loge, où Marie Cabel a l'honneur de placer une couronne de laurier sur sa tête. Par la suite, Meyerbeer écrit dans son journal qu'il s’agit « d'un brillant succès » [8]. Les critiques sont très positives, et Cabel est félicitée pour son interprétation virtuose de Dinorah. Berlioz[10] semble apprécier l’art de la cantatrice tout en rappelant qu’il n’en a pas toujours été de même par le passé :
Cabel crée le rôle de Lise dans Le Château Trompette de François-Auguste Gevaert le . L’œuvre est représentée 25 fois. 1861-1863 : retour au Théâtre-Lyrique1861-1862 : la direction de Charles RétyCabel revient au Théâtre-Lyrique pour la saison 1861-1862, alors que la compagnie est sous la direction de Charles Réty. Elle apparaît dans les reprises du Bijou perdu en septembre et de Jaguarita en novembre. Du premier, The Musical World () rapporte que :
À propos de Jaguarita cependant, le même journal () se plaint que :
Plus tard dans la saison, le , Cabel interprète le rôle de Féline dans la création de l'opéra en trois actes d'Albert Grisar, La Chatte merveilleuse (avec un livret basé sur un vaudeville d'Eugène Scribe). L’œuvre est représentée 72 fois les deux premières années et reste le plus grand succès de la direction de Réty ; elle ne sera plus reprise par la suite[2]. 1862-1863 : la direction de Léon CarvalhoLa saison suivante, Léon Carvalho revient en tant que directeur, en remplacement de Réty, et le , le Théâtre-Lyrique s'installe place du Châtelet. La nomination de Carvalho ayant été une surprise, sa femme Caroline Miolan-Carvalho avait accepté d'autres engagements et n'est pas disponible pour plusieurs des rôles principaux. Cabel ne signe pas pour autant un contrat immédiatement, exigeant un salaire de plus de 6000 francs par mois. Elle obtient finalement satisfaction, devant chanter à nouveau dans La Chatte merveilleuse le . Après l’échec du nouvel opéra de Théophile Semet, L'Ondine, créé le , une solution de remplacement doit être rapidement trouvée. Ce sera Peines d'amour perdues, un remaniement du Così fan tutte de Mozart dans lequel le livret original de da Ponte est remplacé par celui de Jules Barbier et Michel Carré basé sur Peines d'amour perdues de Shakespeare. La musique est arrangée par Prosper Pascal et Léo Delibes. De telles adaptations éloignées de l’original n'étaient pas rares au XIXème siècle, surtout en Allemagne, mais aussi en France. De nombreux critiques de journaux qui ont entendu parler des préparatifs de cette nouvelle production sont atterrés et le font savoir. Le Ménestrel () rapporte que « la musique de Mozart restera intacte » et que « l’œuvre de Mozart ne sera pas trop humiliée d’échanger la verroterie de Da Ponte contre un diamant de Shakspeare (sic).» Cette nouvelle version est créée le , et Marie Cabel chante le rôle de Rosine (Dorabella dans l'original, bien que lui soit attribué l'aria de Fiordiligi « Per pietà »). Adolphe Deloffre est le chef d'orchestre. Une grande partie de la musique de Mozart est réarrangée pour correspondre à la nouvelle intrigue, et les récitatifs sont remplacés par un dialogue parlé. Sans surprise, cette production n'est représentée que 18 fois au total. Cabel y donne sa dernière performance le et se rend à Marseille, laissant la place à Caroline Miolan-Carvalho, qui retourne à Paris pour se produire dans le Faust de Gounod. Cabel refuse l'offre de Léon Carvalho de participer à la saison suivante et décide d'aller à Lyon à la place[2]. 1866 : participation à la création de Mignon à l'Opéra-ComiqueLe , elle apparaît dans la première de l'opéra-comique en deux actes de Friedrich von Flotow, Zilda, qui reçoit 23 représentations. À l'Opéra-Comique, Cabel participe également aux reprises de L'Ambassadrice d'Auber, de Galathée de Victor Massé et du Songe d'une nuit d'été de Thomas. Une de ses créations les plus importantes a lieu le , lorsqu'elle chante Philine dans Mignon de Thomas. Eugène Ritt, directeur de l'Opéra-Comique de 1862 à 1870, indique que la polonaise de Philine dans la scène du jardin, « Je suis Titania la blonde », a été écrite pour Cabel à sa demande. Cabel reçoit des éloges pour son chant. The Musical World écrit ainsi :
L’ultime création de Cabel au théâtre est Hélène dans l'un des derniers opéras d'Auber, Le Premier Jour de bonheur (). Cet ouvrage en trois actes est également couronné de succès puisqu’il est représenté 175 fois jusqu'en 1873. Dernières annéesPar la suite, Cabel fait des apparitions en province et en Belgique. Elle figure également dans des concerts à Londres en 1871. En mai et , elle joue dans une saison d'opéra français au Théâtre de l'Opéra-Comique de Londres. Les œuvres représentées comprennent La Fille du régiment de Donizetti, La Dame blanche de Boieldieu et L'Ambassadrice d'Auber. Elle prend sa retraite en 1877 en raison de signes croissants d’instabilité mentale, puis est finalement internée dans un asile. Elle meurt à Maisons-Laffitte le . Notes et références
Sources
Liens externes
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