Marie-Geneviève-Charlotte Thiroux d'ArconvilleMarie-Geneviève-Charlotte Thiroux d’Arconville Portrait par Alexandre Roslin (1750).
Marie-Geneviève-Charlotte Thiroux d’Arconville, née Darlus le à Paris où elle est morte le , est une femme de lettres et anatomiste française. BiographieFille d'un riche fermier général, André-Guillaume Darlus, Marie-Geneviève-Charlotte nait à Paris le . Sa mère meurt quand elle a quatre ans. Son enfance, passée en compagnie de sa jeune sœur, est assez austère[1]. Si son éducation artistique est soignée, comme la norme l'exige à l'époque pour les jeunes filles aisées, elle n'apprend à écrire qu'à l'âge de huit ans[2]. Elle épouse, à l’âge de quatorze ans, Louis-Lazare Thiroux d'Arconville, conseiller au Parlement de Paris, puis président de l’une des chambres des enquêtes. Elle montre un goût très vif pour l’étude. Le couple a trois enfants : Louis Thiroux de Crosne (1736-1794), André-Claude Thiroux de Gervilliers (1737-1810), Alexandre-Louis Thiroux de Montdésir (1739-1822). Son neveu est Pierre Bodard de la Jacopière. Femme de la noblesse financière et parlementaire, mariée jeune, rien ne laisse présager qu'elle va se passionner pour la physique, la chimie, la médecine, la botanique, la littérature, la morale, les langues et l’histoire. Alors qu'elle est passionnée d'art, de théâtre et d'opéra et qu'elle tient salon, elle renonce aux spectacles, à la vie en société et se retire dans l'étude de livres de physique, de chimie, de médecine et de sciences naturelles, mais aussi de morale et d'Histoire[3]. La petite vérole contractée à l’âge de vingt-trois ans et qui l'enlaidit l'a sans doute incitée à un retrait de la vie mondaine[4]. Elle avoue, dans une époque où la sociabilité et les agréments de salon ont beaucoup gagné en France, préférer en tout l’art à la nature. Les sujets tristes, funèbres même, soit en tableaux, soit en descriptions, conviennent mieux que les autres à Marie-Geneviève-Charlotte Thiroux d’Arconville qui commande à un artiste célèbre une statue en marbre représentant la Mélancolie. C'est sans doute le mouvement des Lumières et la vie intellectuelle qui lui donnent le goût de l'étude. Elle entreprend de se former elle-même[4]. Elle s’occupe successivement d’histoire, de physique, de chimie (expériences quotidiennes notamment sur la putréfaction de 1755 à 1763, complétant les travaux de John Pringle), d’histoire naturelle et même de médecine. Elle admire Voltaire et son esprit, sans pouvoir s’accoutumer à son caractère humoriste, et reçoit souvent chez elle Gresset, ainsi que son oncle Sainte-Palaye. Elle a aussi dans sa société Turgot, Malesherbes, Monthion, etc. Madame de Kercado, qui fonde un établissement portant son nom, loge bien des années, et jusqu’à son mariage, chez elle. Parmi les hommes qui cultivent les sciences, elle fréquente Macquer, Jussieu, Valmont de Bomare, Fourcroy, Ameilhon, Sage et Gosselin. Elle suit les cours du Jardin du roi, et entre autres celui d’anatomie, où quelques femmes sont admises. Étant parvenue à se former un cabinet assez complet, et ayant obtenu d’avoir à sa disposition, sans sortir de chez elle, beaucoup de livres et de manuscrits de la bibliothèque du Roi, elle est en état de composer et de publier divers ouvrages, et des traductions de l’anglais. Elle publie en gardant l'anonymat, cachant également sa féminité[5]. Les raisons de cet anonymat restent obscures. Est-ce son statut d'épouse du président qui la contraint à ne pas dévoiler son nom, pour préserver sa respectabilité ? Est-ce pour se protéger des critiques sur les femmes savantes ? En effet, ce qu'elle publie ne s'adresse pas à des femmes. Cependant, sa position reste ambiguë, car elle parsème ses écrits d'indices permettant de la reconnaître[4]. À ce propos, elle dit :
Possédant une maison à Meudon, Marie-Geneviève-Charlotte Thiroux d’Arconville y fonde un hospice, contenant quelques lits pour des malades, qui sont soignés à ses frais, par des soins de charité, installés dans une maison voisine. Elle vend cette maison au commencement de la Révolution dont elle se déclare, dès le début, ennemie. Son fils, le lieutenant-général de police Louis Thiroux de Crosne est mort guillotiné le 28 avril 1794. Marie-Geneviève-Charlotte Thiroux d’Arconville a reconnu, dans sa vieillesse, avoir eu foi aux assignats, elle qui est venue au monde l’année même du système de Law. Son neveu Bodard de la Jacopière indique : « À l'âge de 85 ans, son esprit avait conservé toute son amabilité, tout son feu, et son imagination n'avait rien perdu de la fraîcheur et des grâces de la jeunesse. Arrivée presque au dernier terme, elle écrit encore des Souvenirs, dont il existe un recueil qui forme treize volumes manuscrits. » Travaux scientifiquesSa première œuvre scientifique est la traduction du Traité d'ostéologie d'Alexander Monro (1759). Contre l'avis de Alexander Monro, qui soutenait que la seule façon d'apprendre est de travailler sur les cadavres eux-mêmes, elle y ajoute une trentaine de planches de squelettes, dont l'une des premières représentations d'un squelette féminin[3]. « Ces planches, précieuses par leur beauté, effacent toutes celles qui sont connues jusqu'à présent[7] ». Pour Marie-Geneviève-Charlotte Thiroux d'Arconville, les « planches Anatomiques bien faites, c'est-à-dire copiées bien fidèlement d'après la Nature, peuvent être très utiles dans certains cas, en ajoutant qu'il faudra préférer, toutes les fois qu'on le pourra, la Nature elle-même ». Les images « aident à surmonter la répugnance qu'on sent naturellement à étudier sur des objets hideux tels que les squelettes[8]. » Elle y ajoute aussi une table des matières permettant de visualiser l'ordre de l'ouvrage, modifié par elle, une dédicace à Alexander Monro, une longue préface, des notes explicatives ainsi que des commentaires. Alors que la version originale est un ouvrage de taille modeste et sans illustrations, la version française se présente sous la forme de deux volumes d'un poids énorme, avec illustrations, dont la taille des pages est seize fois supérieure à l'original. Souhaitant maintenir son anonymat, choisi et maintenu à cause du risque social pour les femmes de lettres, elle choisit de ne pas publier cet ouvrage sous son nom : « On conçoit aisément que l'exécution de cet ouvrage fut de longue durée. Quand il fut terminé en 1759, je sentis que ne voulant pas être connue, il fallait nécessairement donner un auteur à cet ouvrage. Je choisis en conséquence le chirurgien qui était dans ma confidence, et chez lequel les 31 dessins avaient été faits, parce qu'il veillait à leur exactitude, et qu'il dessinait fort bien[9]. » De 1755 à 1763, dans son laboratoire de Crosne, Mme d'Arconville s'attaque à l'étude de la putréfaction, qu'elle considère comme la « clef de toutes les sciences physiques » et la base de l'histoire naturelle. Son programme de recherche comprend à la fois une partie pratique avec une étude sur la conservation des aliments, et une partie plus scientifique : elle souhaite étudier la transformation de la matière. Elle va mener plusieurs centaines d'expériences sur la conservation de substances putrescibles (viandes, poissons, œufs, lait) en suivant un protocole rigoureux. Elle note chaque jour l'état de dégradation de ses échantillons ainsi que les conditions extérieures. « J'étois pour lors à la campagne, à quelques lieues de Paris. Le laboratoire où je faisois mes expériences étoit au rez-de-chaussée, un fossé fort large, rempli d'eau vive baignoit un des murs de ce laboratoire. De ce même côté étoit une fenêtre exposée au midi, & une autre vis-à-vis, exposée par conséquent au Nord. Ce lieu est assez humide[10]. » La principale conclusion de ses travaux est que le « pouvoir conservateur » se trouve dans la préservation du « contact de l'air extérieur ». Ses travaux prouvent aussi la valeur du quinquina comme antiseptique, capable de ralentir le processus de la putréfaction. Cette conclusion à propos du quinquina rejoint les travaux du médecin John Pringle de la Royal Society (dont elle a traduit les travaux en 1755). En revanche, elle est en désaccord avec lui à propos des supposées vertus de la camomille : ses expériences contredisent les travaux de John Pringle. Ses résultats sont corroborés par l'ouvrage de David MacBride, chirurgien britannique, publié en 1764 pendant l'impression de ses propres travaux. Elle introduit l'utilisation du chlorure de mercure comme agent susceptible de lutter contre la putréfaction[3]. Ses travaux seront cités de son vivant :
Après sa mort, son travail continue à être cité dans les manuels de chimie médicale et de médecine légale jusqu'à la découverte du rôle des micro-organismes par Pasteur. PostéritéDans son dictionnaire de 1804, Fortunée Briquet publie une notice sur Marie-Geneviève-Charlotte Thiroux d’Arconville[14]. En 1820, Antoine-Alexandre Barbier, la cite dans son dictionnaire Biographie nouvelle des contemporains, dictionnaire des Français célèbres depuis la Révolution. Par la suite, Marie-Geneviève-Charlotte Thiroux d’Arconville tombe peu à peu dans l'oubli[15]. Au début du XXIe siècle, Pensées, réflexions et anecdotes constitué de douze volumes de manuscrits que l'on croyait perdus sont découverts. Marie-Geneviève-Charlotte Thiroux d’Arconville a écrit ces textes à la fin de sa vie. Ils étaient destinés à un cercle restreint, ils sont d'un ton plus libre et personnel. Ils permettent un regard nouveau sur Marie-Geneviève-Charlotte Thiroux d’Arconville[15]. Ces manuscrits sont conservés à la bibliothèque de l'Université d'Ottawa. ŒuvresTraductions
Essais
Romans
Histoire
Sciences
Références
AnnexesBibliographie
Liens externes
|