Marie-Adélaïde Duvieux, née Landragin, appelée aussi à tort Marie-Adélaïde Durieux, est une peintre miniaturiste française active dans les années 1790, née le à Paris et morte dans la même ville le . Elle participe à plusieurs Salons et expositions artistiques parisiennes entre 1791 et 1798.
Biographie
Marie Éléonore Adélaïde Landragin est née le à Paris et a été baptisée le lendemain dans l'église Saint-Laurent[2]. Ses parents, le maître de pension Jean-Louis Landragin et son épouse Marie Françoise Deschamps, habitent alors le faubourg Saint-Laurent[2]. Son père meurt en 1776[3].
En 1793, la « citoyenne Landragin », résidant toujours sur la rue du Faubourg-Saint-Martin, mais au no 133, participe pour la première fois au Salon de peinture et de sculpture, qui ouvre ses portes le , en présentant un « cadre contenant plusieurs miniatures »[6],[note 1]. Un critique anonyme qualifie ses œuvres de « jolies miniatures », tout en soulignant la faiblesse du dessin de l'une d'entre elles : « La tête de la bacchante n'est pas bien sur les épaules »[7].
Le (9 ventôsean II), Marie-Adélaïde Landragin épouse à Paris le tabletier Julien Louis Duvieux[10],[11],[note 2]. Après cette date, elle adopte le patronyme Duvieux, parfois en combinaison avec son nom de naissance, mais elle apparaît dans deux livrets du Salon (1795 et 1796) sous le nom Durieux, la lettre « v » ayant été confondue avec un « r ».
L'artiste présente encore des miniatures aux Salons de 1795[12] et 1796[13], à l'exposition de l’Élysée de 1797[14], puis au Salon de 1798[15].
Elle meurt peu après à Paris, le (25 nivôsean VII)[16],[11]. Son époux la suit dans la tombe le [17]. Le couple avait eu une fille, Marie Adélaïde Julie, mariée le 26 août 1815 à Jean Baptiste Fanfan Decourcelle et morte le [18]. C'est la petite-fille de ces derniers qui lègue aux musées nationaux en 1938 l'autoportrait de sa bisaïeule[1].
Duvieux ou Durieux ?
Les sources désignent généralement l'artiste sous le nom de Duvieux ou celui de Durieux. Ces variations correspondent aux diverses manières par laquelle elle est désignée dans les livrets du Salon après son mariage : en 1795, « la Citoy[enne] Landragin (femme Durieux) »[12]; en 1796, « Citoyenne Durieux (née Landragin) »[13] et en 1798, « Citoyenne Duvieux (Marie-Adélaïde), née Landragin »[15].
Les dictionnaires les plus anciens consacrés aux artistes optent pour Durieux, peut-être parce que ce patronyme est répété deux fois dans les livrets du Salon, alors que Duvieux n'apparaît qu'une fois. Bellier et Auvray, dans leur influent Dictionnaire général des artistes de l'École française, affirment en 1882 : « Durieux et non Duvieux »[19]. Ils sont suivis par le Bénézit en 1911[20].
C'est cette tradition historiographique, où l'emportait Durieux, qui était en vigueur lorsque l'autoportrait de « Mme Duvieux, née Landragin », est entré en 1938 dans les collections du musée national de Versailles et de Trianon. L'artiste qui s'était représentée dans le tableau a alors été identifiée comme « Marie-Adélaïde Durieux ». Toutes les sources qui se sont intéressées à ce portrait ont depuis fait usage du patronyme, depuis les catalogues de peintures[21], jusqu'aux bases de données en ligne[22],[1] et aux récentes expositions[23].
De leur côté, les historiens de l'art s'intéressant aux miniatures ont remarqué au cours du XXe siècle des œuvres signées « Landragin f. Duvieux » ou « Landragin fme Duvieux » (abréviations de « Landragin, femme Duvieux »). Le premier, Leo Schidlof, a reconnu la confusion qui avait dû se produire entre les lettres « v » et « r »[note 3] et a rétabli en 1964 le nom véritable de la miniaturiste en « Duvieux »[24].
Signatures de Marie-Adélaïde Duvieux
Signature, vers 1790-1793 : Mll Landragin
Signature, vers 1794-1798 : L. f. Duvieux pour Landragin femme Duvieux. Le nom Duvieux est clairement lisible.
Signature, vers 1794-1798 : Landragin fme Duvieux pour Landragin femme Duvieux. Ce type de signature permet de trancher la question pour identifier l'artiste et établir son patronyme après son mariage en Duvieux.
Œuvre
Autoportrait
La seule huile sur toile qu'on connaît de Marie-Adélaïde Duvieux est son autoportrait, conservé dans sa descendance jusqu'à son entrée dans les collections du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon en 1938 à la suite du legs de son arrière-petite-fille, Mme Decourcelle[1]. Coiffée d'une charlotte blanche bordée d'un mince ruban bleu qui retient ses cheveux, vêtue d'une robe et d'un fichu blancs couverts d'un châle jaune pâle liséré, un ruban bleu noué au poignet, l'artiste se présente à l'observateur, qu'elle fixe du regard, dans une tenue sans apprêt mais d'un discret luxe bourgeois. Pour Jean Hubac, « le visage, peint sans embellissement, marque l’attachement de Marie-Adélaïde Durieux [sic] à une représentation fidèle à la réalité »[25]. Le statut professionnel de celle qui se représente est mis en avant par le carton à dessins sur lequel elle s'appuie et le porte-crayon qu'elle tient à la main[25].
Interprétant le tableau au regard des récents bouleversements nés de la Révolution française, le dossier de presse de l'exposition Peintres femmes, 1780-1830. Naissance d’un combat (musée du Luxembourg, 2021) dans laquelle l’œuvre est présentée la résume ainsi : « Son autoportrait, sans concession, illustre avec force les changements quant au statut des peintres femmes durant la période révolutionnaire : la citoyenne Landragin s’y présente en peintre de métier et c’est, sans faire recours au privilège de la beauté ni à la séduction des satins et des rubans « rococo », qu’elle affirme sa légitimité »[23].
Miniatures
Pour le spécialiste de la miniature Leo Schidlof, les œuvres de Marie-Adélaïde Duvieux, sans être celles d'une artiste de premier plan, révèlent une miniaturiste de talent, qui peignait des portraits expressifs et bien dessinés[24]. Les visages sont réalisés avec finesse, en ombrant les chairs de marron[24],[26]. Elle se caractérise par sa manière de peindre les cheveux avec de petites touches de gouache blanche[24],[26].
Les miniatures de l'artiste, en majorité d'un diamètre variant entre 6 et 7 cm, sont considérées une rareté sur le marché[26]. Elle signait ses œuvres Mlle Landragin, M. Landragin, ou, après son mariage, Landragin f. Duvieux ou Landragin fme Duvieux[26].
Nathalie Lemoine-Bouchard, « Duvieux, Mme Marie-Adélaïde, née Landragin », dans Les Peintres en miniature actifs en France, 1650-1850, Paris, Éditions de l'Amateur, (ISBN978-2-85917-468-2 et 2859174680), p. 222.
Paul Menoux, « Marie-Adélaïde Durieux [sic] », Dossier de l'art, no 286 « Peintres femmes (1780-1830). Naissance d'un combat », , p. 54 (lire en ligne).
(en) Margaret A. Oppenheimer, Women Artists in Paris : 1791-1814 (thèse de doctorat en histoire de l'art), New York, New York University, Institute of Fine Arts, (lire en ligne).
Pierre Sanchez, Dictionnaire des artistes exposant dans les salons des XVII et XVIIIe siècle à Paris et en province, 1673-1800, vol. 2 : DUM-ME, Dijon, L'Échelle de Jacob, (ISBN2-913224-47-4 et 9782913224476, OCLC55664858), p. 622.
(en) Leo Schidlof, « Duvieux, Mme Marie Adélaide, née Landragin », dans The Miniature in Europe in the 16th, 17th, 18th, and 19th Centuries, vol. 1, Graz, Akademische Druck- u. Verlagsanstalt, , p. 229.
Notes et références
Notes
↑Certaines sources secondaires (par exemple Lemoine-Bouchard 2008) affirment que l'artiste participe au Salon de 1791, mais elle ne figure pas dans le livret. Il peut s'agir d'une confusion avec la participation avérée de la miniaturiste à l'exposition de la Société des amis des arts ou celle chez Lebrun la même année.
↑Le mariage religieux est célébré plus tard le 11 février 1796 à la paroisse Saint-Louis-en-l'Île, après la réouverture des églises. Archevêché de Paris, Registres de catholicité (doubles), REG7G3,2 - Oratoire de Saint-Louis-en-L'Île - baptêmes, mariages, 1795-1796, vue 33/89, en ligne sur Généanet, page consultée le 10 mai 2021.
↑Les lettres « v » et « r » peuvent facilement être confondues en déchiffrant l'écriture cursive.
Références
↑ abc et d« Autoportrait », notice de l'œuvre, sur Collections - Château de Versailles (consulté le ).
↑ a et bArchives de Paris, Actes de l'état civil reconstitué, 5Mi1 33, Acte de baptême de Marie Éléonore Adélaïde Landragin, image 2 sur 51, page web consultée le 10 mai 2021. À noter que l'acte de naissance est classé dans la série à la date du 29 avril 1761 à la suite d'une erreur de lecture.
↑Paris, Index des scellés - Scellés apposés par des commissaires au Châtelet - index (HOU-LARB) (Archives nationales, Y18), image 277/316, disponible en ligne sur Geneanet, page consultée le 10 mai 2021.
↑Udolpho Van De Sandt, La Société des amis des arts (1789-1798) : un mécénat patriotique sous la Révolution, Paris, Ecole nationale supérieure des beaux-arts, (ISBN2-84056-189-1 et 978-2-84056-189-7, OCLC421049892), p. 73.
↑Catalogue des ouvrages de peinture, sculpture, gravure, architecture, &c. exposés le 30 juin, jour de la petite Fête-Dieu, jusqu'au 15 juillet. Par MM. les artistes libres. Pour la troisième année, rue de Clery, n°. 95. Dans les salles de M. Le Brun, capitaine du Bataillon de Saint-Magloire., Paris, Imprimerie de Prault, (lire en ligne), p. 21. Réédition : Livret de l'Exposition de la Jeunesse : chez le peintre-expert J.-B. Lebrun en 1791, Paris, Jean Schemit, (lire en ligne), p. 23.
↑« Citoyenne Landragin [Salon de 1793] », notice d'exposant, sur Salons et expositions de groupes, 1673-1914, Musée d’Orsay / Institut national d’histoire de l’art (consulté le ).
↑Explication par ordre des numéros, et Jugement motivé des ouvrages de peinture, sculpture, architecture et gravure, exposés au Palais National des Arts, Paris, Imprimerie de H. J. Jansen et comp., (lire en ligne), p. 16
↑Henry Lapauze, Procès-verbaux de la Commune générale des arts de peinture, sculpture, architecture et gravure (18 juillet 1793 — tridi de la première décade du 2e mois de l'an II) et de la Société populaire et républicaine des arts ( 3 nivôse an II — 28 floréal an III), Paris, Imprimerie nationale / Bulloz, (lire en ligne), p. 81.
↑Claudette Hould, « Les beaux‑arts en révolution : au bruit des armes les arts se taisent ! », Études françaises, vol. 25, nos 2-3, , p. 195-197 (ISSN0014-2085 et 1492-1405, DOI10.7202/035792ar, lire en ligne, consulté le ).
↑Relevés collaboratifs, Table des mariages et divorces à Paris (série V 10 E), AD75 V10E vol/7, vue 207, en ligne sur Geneanet, page consultée le 10 mai 2021.
↑Jules Guiffrey, Livret de l'exposition du Colisée (1776) ; suivi de l'Analyse de l'exposition ouverte à l'Elisée en 1797 ; et précédé d'une Histoire du Colisée, Paris, J. Baur, (lire en ligne), p. 53.
↑Claire Constans, Musée national de Versailles et des Trianons, Musée national du château de Versailles : catalogue des peintures, Paris, Editions de la Réunion des musées nationaux, (ISBN2711801268), no 1490.
↑ a et bRéunion des musées nationaux - Grand Palais, Peintres femmes, 1780-1830. Naissance d’un combat (dossier de presse de l'exposition au musée du Luxembourg), (lire en ligne [PDF]), p. 14, 36.