Malchiel GruenwaldMalchiel Gruenwald
Malchiel Gruenwald (hébreu : מלכיאל גרינוולד ; qu'on peut aussi trouver orthographié Grünwald, Gruenvald, et Greenwald ; 1882–1968) est un hôtelier israélien, également journaliste amateur et collectionneur de timbres, qui devient célèbre en 1953, quand il accuse un fonctionnaire israélien Rudolf Kastner, d'avoir collaboré avec les nazis pendant la Shoah des juifs de Hongrie. BiographieGruenwald est né en Hongrie[1],[2] à l'époque de l'empire d'Autriche-Hongrie et a vécu à Vienne[3], travaillant dans plusieurs commerces. Il a aussi travaillé comme journaliste à temps partiel. En 1937, vivant à Vienne avec sa famille, il est victime d'un pogrom où il perd ses dents, sa langue est coupée, ses jambes brisées, et il est laissé pour mort, inconscient[1]. En 1938, après avoir guéri de ses blessures, il émigre dans la Palestine mandataire avec son épouse, son fils Itzhak, et sa fille Rina. Il s'installe à Jérusalem où, avec ses économies, il achète l'hôtel Austria[4], hôtel de dix chambres sur le jardin de Sion[2] qu'il tient avec son épouse. Gruenwald et sa famille s'engagent dans le sionisme. Après le livre blanc de 1939, Malchiel et ses deux frères aident à l'immigration illégale des juifs en Palestine, organisant l'émigration des Juifs, dont celle des Juifs fuyant la Shoah. Son fils rejoint l'Irgoun ; il est tué lors des combats sur le Mont Sion pendant la première guerre israélo-arabe, après laquelle Malchiel Gruenwald rebaptise l'hôtel Mount Zion Hotel. Sa fille est alors infirmière au centre médical Hadassah le jour, et soigne les blessés de l'Irgoun la nuit[5]. Dans son livre Hitler, les Alliés, les Juifs, l'historien Shlomo Aronson affirme que le dossier personnel de Gruenwald, ouvert par les services de renseignements israéliens, donne une image très différente des activités de Gruenwald. Selon ce dossier, Gruenwald aurait été membre de la pègre en Hongrie et en Autriche, et un informateur renseignant la police sur les sionistes travaillistes, menaçant les leaders juifs orthodoxes et escroquant les réfugiés. Le dossier établit également, selon lui, que Gruenwald aurait demandé aux autorités britanniques d'empêcher un navire transportant des réfugiés, le SS Patria, d'entrer en Palestine[6]. PamphlétaireAu début des années 1950, Gruenwald décide de se consacrer au journalisme, mais personne ne souhaite employer un vieillard de 72 ans qui écrit en hébreu moderne. Gruenwald commence alors à auto-éditer des pamphlets de trois pages ronéotypées sur une base plus ou moins hebdomadaire. Il traduit le texte de l'allemand en hébreu avant de l'imprimer. Il distribue lui-même le journal pour un tirage d'environ 1 000 exemplaires[7], soit par courrier, soit de la main à la main dans les cafés. Le journal est gratuit. Sous le titre de Michtavim el haveray be'Mizrahi (Lettres à mes amis en Mizrahi en hébreu), les pamphlets attaquent « les leaders corrompus, les religieux officiels qui, selon lui, n'étaient pas dignes de leur position, les officiels cupides, et tous les gens ayant une certaine autorité »[3]. Parmi les cibles de Gruenwald, on trouve différents leaders de groupes religieux, dont des mizrahis, des ministres, des députés de la Knesset, et d'autres politiques de tous les partis, en particulier du Mapaï alors au pouvoir[7]. Parfois, une de ces personnes le menaçait de procès : Gruenwald faisait alors des excuses publiques, le plus souvent au Café Vienna, au rez-de-chaussée de son hôtel[7]. En août 1952, il publie son 51e pamphlet[8],[9]. Il y accuse Rudolf Kastner — porte-parole du ministère du Commerce et de l'Industrie, haut responsable du Mapai, et l'ancien chef de facto du comité d'aide et de sauvetage juif hongrois pendant la Shoah— d'avoir collaboré avec les nazis. Le pamphlet affirme que la collaboration de Kastner a abouti à la mort de 400 000 Juifs de Hongrie et qu'après la guerre, il a témoigné aux procès de Nuremberg en faveur du Standartenführer (colonel) SS Kurt Becher, ce qui l'a sauvé d'une condamnation pour ses crimes de guerres. Selon Hecht, Gruenwald obtient ses informations d'une lettre anonyme et de conversations avec un étranger au Café Vienna[10]. Un article de 1955 du Time Magazine affirme qu'il essayait en fait de découvrir qui avait trahi sa famille en Hongrie, et qu'il tira ses conclusions « après avoir consulté des montagnes d'archives jaunies »[11]. Le texte du pamphlet comprend les passages suivants
Gruenwald conclut sa charge comme suit :
Le seul journal israélien à accorder de l'attention à ce pamphlet est le Hérout. Le chroniqueur politique Yoel Marcus écrit que pendant trois ans des Juifs hongrois avaient affirmé qu'« un homme en position officielle » a témoigné en faveur de criminels de guerre nazis, avait été impliqué dans des affaires louches et avait fait du profit aux dépens des opérations de sauvetage des juifs. Marcus défie Kastner de se justifier. Le supérieur de Kastner, le ministre du commerce et de l'industrie, Dov Yoseph, estimait que la question de prendre des mesures vis-à-vis de ces accusations était un problème personnel de Kastner[13]. Mais l'Attorney General Haïm Cohen estima lui que les accusations étaient sérieuses, et que Kastner devait soit démissionner, soit laver son nom. Selon les mots de Cohen, « dans notre État nouveau, pur, idéal [...] un homme ne peut occuper un poste à responsabilités [...] quand il y a une tache sur lui, ou même seulement un grave soupçon de collaboration avec les nazis »[3]. N'ayant pas le choix, Kastner autorisa le gouvernement israélien à engager des poursuites en son nom contre Gruenwald[14]. Le procès KastnerEn 1953, Cohen, qui était également ministre de la Justice, engage des poursuites pour diffamation contre Gruenwald ; selon Asher Maoz, il le fit « contre l'avis de plusieurs personnages publics, dont de futurs ministres de la Justice, Pinhas Rosen, et du ministre Dov Yosef »[3]. Gruenwald engage son avocat, Shmuel Tamir, âgé de 31 ans né à Jerusalem sous le nom de Shmuel Katzenelson. Tamir est le fils de Reuven Katzenelson, membre de la Légion juive et sergent de Joseph Trumpeldor aux côtés de qui il combattit à la bataille de Gallipoli ; il est aussi le neveu de Joseph Katzenelson, compagnon de Zeev Jabotinsky, et un des deux chefs du secteur Immigration illégale de l'Irgoun. Shmuel Katzenelson s'est engagé dans l'Irgoun à 15 ans, où il était surnommé Tamir (en hébreu : grand et droit), nom qui devient ensuite son nom légal[15]. Il était chef du renseignement de l'Irgoun à Jérusalem, et Rina, la fille de Gruenwald, a servi sous son commandement comme infirmière[16]. Alors que les juristes pensaient que le procès ne durerait que 4 jours, il se prolongea près de dix-huit mois, et se finit par l'acquittement de Gruenwald et un verdict où le juge Benjamin Halevy considère que Kastner avait « vendu son âme au diable ». La base de cette affirmation et du verdict est le fait que Kastner a collaboré avec l'officier SS Hermann Krumey (de), puis avec Adolf Eichmann, trahissant les juifs de Hongrie en échange du sauvetage de quelques centaines de Juifs proéminents. Il le condamne aussi parce qu'après la guerre, il donne un témoignage positif sur le comportement d'un autre SS, Kurt Becher, qui a convaincu les autorités de Nuremberg de ne pas le poursuivre pour crimes de guerre. La cour suprême d'Israël annule la condamnation pour collaboration en 1958, alors que Kastner a déjà été assassiné. Notes
Bibliographie
Voir aussi
Liens externes
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